Cet essai dirigé par
Corentin Léotard dresse, à travers les écrits de plusieurs journalistes, un tableau de la société hongroise et de ses préoccupations, proposant notamment une synthèse mesurée des dernières années sous Orban à l'aune de sa dernière réélection, en février 2022.
Les auteurs commencent par rappeler que certains Hongrois tirent fierté de la notoriété de leur premier ministre, plus célèbre que ses collègues roumains ou bulgares ; à travers les témoignages d'élus locaux, d'agriculteurs ou de militants s'esquissent les contradictions d'un pays gouverné par un parti d'extrême droite pourtant perfusé par l'aide économique européenne, insuffisante à rendre la Hongrie aussi prospère que sa consoeur et voisine autrichienne, à son grand dam.
J'ai été particulièrement intéressée par trois des sujets soulevés par cet essai, à savoir les similitudes et les liens entre le Fidesz et le Likoud, le traitement des minorités hongroises et la réécriture de l'histoire dans un discours officiel blanchi à la chaux.
La comparaison entre le Fidesz d'Orban et le Likoud de Netanyahou s'attarde notamment sur leur obsession du nationalisme ethnique, leur acharnement à affaiblir les contre-pouvoirs que sont la justice, la presse et les médias, leur attaques contre la société civile et l'asphyxie de toute opposition, ainsi que leur haine partagée diabolisant le milliardaire américain d'origine hongroise,
George Soros. Joyeux cocktail!
Du côté des minorités hongroises, on s'étonne de la différence de traitement entre les Hongrois de l'extérieur, ou plutôt les magyarophones en Slovaquie, Serbie ou Roumanie que le gouvernement hongrois arrose de passeports (qui facilitent notamment le travail dans l'Union européenne pour les ressortissants de la Voïvodine serbe) et encourage à voter lors des élections, et celui réservé à la minorité rom, exclue, discriminée et invisibilisée.
Enfin, la réécriture de l'histoire hongroise suit la recette du savoureux roman national : s'estimant lésée par le Traité de Trianon de 1920 où elle perdit une grande partie de son territoire (d'où d'ailleurs les nombreuses minorités magyares chez ses voisins), la Hongrie se passionne à présent pour ses prétendues origines turques et la théorie touranienne mise sur le devant de la scène par le jobbik : les Hongrois seraient les descendants directs des nomades des steppes conduits par Attila, autant d'excuses pour resserrer les liens avec la Turquie et encourager cette dernière à prospecter sur le sol hongrois à la recherche de vestiges archéologiques qui viendraient corroborer le récit.
Même réécriture de l'histoire contemporaine, avec les tentatives répétées de faire sombrer dans l'oubli les accointances intéressées de la Hongrie avec l'Allemagne durant la Seconde Guerre mondiale, avant que cette dernière ne finisse en mars 1944 par l'occuper.
Décidément un très chouette bouquin pour mieux comprendre la Hongrie.