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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Là ou prend fin la terre, bien plus loin que la baie des Trépassés, plus loin encore que là où s'agitent les vagues du Raz de Sein capable d'engloutir hommes et bateaux, proche tout de même de la chaussée de Sein, là où les naufrages étaient monnaie courante, où, sous la main de l'homme est né un phare mythique : Ar-Men, baptisé à juste titre, l'Enfer des enfers, qui s'élève fièrement dans ce milieu hostile où de courageux ouvriers ont travaillé pour ériger ce titan lumineux, véritable prouesse humaine construite sur un rocher, dans une mer déchaînée.

C'est son histoire que nous conte Emmanuel Lepage dans cette superbe bande dessinée aux pages ocres et bleutées. Ce dessinateur de talent ne s'est pas contenté de raconter l'histoire du phare, de sa conception à sa construction, non, il y met son âme de Breton, y ajoute de bien belles légendes, enveloppe son récit de mystère, nous mêle aux difficiles conditions de vie des gardiens de phare, ces hommes solitaires et courageux, particulièrement Germain, le héros, peut-être pas gardien de phare par hasard...

Lecteurs qui passez par-là, plongez-vous dans ce livre passionnant, à vous la ville d'Ys et le roi Gradlon, faites connaissance de l'enfant de la mer, et prenez garde au Bag-Noz ou bateau de nuit, vaisseau fantôme qui vient chercher les trépassés. Mythe et vérité se mêlent, et Ar-Men devient alors beaucoup plus qu'un phare de pierre, il entre dans la légende du pays breton.

Pour compléter cette lecture, peut-être alors aurez-vous envie de venir voir la pointe sud de Bretagne riche de ses couchers de soleil magnifiques après lesquels, si vous observez bien, vous verrez au loin, s'allumer Ar-Men.
Lien : http://1001ptitgateau.blogsp..
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6 ans de Babelio aujourd'hui, et ce n'est que ma huitième critique de BD, et toutes cette année. Merci à mes amis et amies babeliotes qui m'auront convaincu de renouer avec un genre que je ne lisais plus ...
Pour cette BD-ci, les critiques de HundredDreams (Sandrine) et Berni_29 (Bernard) ont été décisives, décision facilitée par mon amour de la Bretagne et de l'océan.

Ar Men, phare construit au large de l'ile de Sein: c' est le phare le plus exposé et le plus difficile d'accès de Bretagne, c'est-à-dire du monde. On le surnomme "l'Enfer des enfers".

Dans cette BD se croisent plusieurs histoires, à différentes époques:
Celle de la ville d'Ys, engloutie par les flots, parce qu'elle était libre, ville de l'art et de l'amour, hors de l'influence de l'Eglise, péché mortel à cette époque.
Celle de Germain et Louis, gardiens d'aujourd'hui, qui l'un et l'autre essayent d'échapper à leurs souvenirs dans ce phare
Celle de Moïzez, fortune de mer, bébé découvert dans une épave et qui deviendra l'un des bâtisseurs du phare et son premier gardien. Il en écrira l'histoire sur son mur.

Ces histoire se mêlent étroitement, sans jamais se confondre, chacune étant baignée d'une tonalité différente. Et c'est là que je m'aperçois du chemin parcouru depuis le débit de l'année et des premières BDs que je rouvrais à l'époque : j'ai été fascinée par les images, le dessin, les couleurs de cette BD qui illustrent à merveille les histoires contées.
Je vous jure que j'ai entendu la mer s'écraser sur le phare, j'ai senti l'odeur du pétrole, j'ai tremblé avec le phare sous les coups de butoir des lames, j'ai frissonné dans l'humidité salée de ces lieux envahis par la mer et ses embruns.

Une plongée dans un univers fascinant.
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« Homme libre, toujours tu chériras la mer !
La mer est ton miroir ; tu contemples ton âme
Dans le déroulement infini de sa lame,
Et ton esprit n'est pas un gouffre moins amer.»
L'Homme et la Mer de Charles Baudelaire.

L'histoire du phare d'Ar-Men débute dans la nuit du 23 au 24 septembre 1859, avec le naufrage de la corvette à aubes, le Sané sur les rochers de la redoutable chaussée de l'île de Sein. Bien connue des marins, cette zone de récifs qui s'étend à l'ouest de l'île est extrêmement dangereuse en l'absence de repères. Suite à cette catastrophe, une décision est prise d'édifier un phare sur les trois petits rochers qui dépassent à peine de l'eau. La construction commence en 1867 et se termine 14 ans plus tard. Compte tenu de cette base étroite, les coups de houle pendant les tempêtes font trembler tout l'édifice et tomber ce qui est accroché aux murs, rendant ces périodes particulièrement difficiles pour les gardiens. Il est donc décidé en 1907 de renforcer la base par une chape de béton supplémentaire. Dès lors et depuis 120 ans, Ar-Men surnommé l'enfer des enfers restera toujours debout.

C'est notre dessinateur-scénariste Emmanuel Lepage qui nous fait revivre cette épopée. Il nous embarque avec maestria dans cette aventure graphique grâce à une bonne connaissance de la Bretagne (il est né à St Brieuc dans les Côtes-d'Armor). A travers le témoignage de Moïzez, premier gardien du phare et ceux de Germain et louis en 1962 ; on vit, on respire, on ressent, on partage l'existence de ces gardiens de la mer. On saisit mieux l'importance de ces silhouettes fantastiques qui dominent notre horizon comme elles dominent aussi notre imaginaire collectif. Ces éclats de lumière ne sont pas que de simples guides, Ils rassurent aussi les marins dans l'obscurité. Sentinelles solitaires, exposées aux intempéries, elles possèdent chacune leur propre signature lumineuse voire même leur propre personnalité.

Cette bande dessinée pleine de poésie marine est aussi soutenue par un dessin de toute beauté. Les planches sont d'un réalisme saisissant. Les paquets de mer vous explosent en pleine figure, les mouettes vous hurlent dans les oreilles et notre Ar-men, véritable géant de pierre, se montre dans toute sa puissance et sa force minérale. La mise en couleur est à l'image de toutes les nuances de la mer d'Iroise. Les vert, bleu et gris sont admirablement repartis et contribuent à accentuer le côté dangereux et mystérieux de ces eaux. La magie du trait chez Emmanuel Lepage est aussi exceptionnelle. le vol des oiseaux marins, le roulis des vagues, la puissance des tempêtes sont tout simplement uniques et d'un réalisme troublant. On est littéralement transporté au coeur de l'océan au milieu de ses embruns et de ses coups de boutoir.

Comme les légendes bretonnes, les gardiens de phare sont en passe de disparaître avec l'automatisation mis en place depuis 1990. C'est autour de la société nationale pour le patrimoine des phares et balises de s'inquiéter pour l'avenir de ces constructions dont l'état se dégrade depuis quelques années. L'absence des gardiens doit y être certainement pour quelque chose…

Merci à HundredDreams, Berni_29, dannso pour cette belle découverte collective qui ne peut laisser indiffèrent tous les amoureux de la mer que nous sommes …

« le marin rêve face à la mer, le gardien de phare face à la terre. »
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Un célèbre diction breton dit : "Qui voit Ouessant voit son sang, Qui voit Molène voit sa peine, Qui voit Sein voit sa fin, Qui voit Groix voit sa croix..." Les îles bretonnes, bien que formant de splendides territoires, ont souvent mauvaise réputation pour la navigation maritime, y compris pour le marin le plus aguerri...
Au large de l'île de Sein, sur cette chaussée où prend fin la terre, il est un phare qui se dresse aux avant-postes comme pour défier les déchaînements de l'océan. Il s'appelle Ar-Men, mais on le surnomme « l'Enfer des enfers ». Certains jours, il se mélange avec la furie des éléments, disparaissant dans le paysage, émergeant à peine des flots tumultueux.
Ar-Men : L'Enfer des Enfers est une formidable BD où le talentueux Emmanuel Lepage nous invite à côtoyer au plus près le tumulte de l'océan comme si nous y étions.
Ar-Men est un de ces fameux phares construits à la fin du XIXème siècle pour tenter de mettre fin aux naufrages dévastateurs que vivaient ces côtes finistériennes depuis des millénaires.
Ar-Men, - qui veut dire en breton la pierre, c'est cet endroit improbable de la taille d'un grand rocher où des hommes vont un jour imaginer ériger un phare...
Le récit démarre en 1962, où nous faisons la connaissance de Germain un des gardiens de ce phare et de Louis son fidèle compagnon, nous entrons dans leur quotidien façonné d'embruns et d'horizon... Un jour, sous les coups des vagues en furie, la porte d'entrée du phare cède, la mer entre par trombes venant défaire le crépi de l'escalier. le temps de remettre tout en ordre, c'est l'étonnement qui se dessine sur le visage de Germain. Des mots apparaissent sous le crépi défait, des phrases, un autre récit, celui de Moïzez racontant sa propre histoire qui se mêle à celle de la construction de ce phare... Nous sommes alors transportés en 1867...
Je ne vous cacherai pas, qu'étant breton, j'ai toujours été fasciné par les phares, leurs histoires, leurs beautés, leurs tragédies aussi, happé par ce vaste imaginaire qui se déploie autour d'eux, aussi vaste que la mer, émerveillé par le rythme lancinant de leurs faisceaux magiques, habillant et déshabillant la nuit.
Cette BD est emplie de poésie, le vol d'une sterne traversant le ciel, le rugissement d'une mer furieuse comme elle sait l'être sur ce bord de continent perdu, à la pointe du monde. Ce bout du monde, je le connais bien, j'y vais de temps en temps, j'y suis à quelques encablures et je ne me lasse jamais de ce tableau qui se réinvente sans cesse...
Durant un été, mes parents avaient loué une petite maison de vacances à Lilia-Plouguerneau et nous avions eu l'occasion de visiter le magnifique phare de l'île Vierge, qui est le phare le plus haut du monde, du haut de ses soixante-quinze mètres. J'avais sept ans. C'est peut-être comme cela que j'ai ressenti pour la première fois une fascination pour les phares.
Forcément, je me posais des tas de questions, celles que peut-être tout le monde se pose en regardant le large... Comment peuvent tenir debout les phares, avec toutes ces tempêtes effroyables que nous subissons en Bretagne l'hiver, offrant autant de coups de boutoirs qui viennent cogner contre leur paroi... ? Mais une autre question me taraudait souvent : au milieu de cet océan si tumultueux, comment des hommes ont-ils réussi à construire de tels édifices si solides ? Et puis, tiens une autre encore : est-ce que certaines tempêtes, plus rudes que les autres, empêchaient parfois la relève des gardiens ? Je parle à l'imparfait, car désormais depuis plusieurs années, la plupart des phares au large de nos côtes sont automatisés...
La Vieille, Pierres Noires, le Four, l'île Vierge, le Créac'h, Kéréon, Ar-Men, autant de noms qui forment les gardiens de la Mer d'Iroise...
Alors trois récits viennent s'entrelacer et s'enchâsser dans des pages et des planches rugissantes d'écume. L'histoire de Germain vient se mêler à celle de Moïzez et de Dahut la fille du roi Gradlon, échappée de la cité perdue d'Ys...
Parfois un oiseau traverse le ciel, happant notre regard, tandis que les ténèbres s'ouvrent et nous voyons surgir de la nuit un vaisseau fantôme, le Bag-Noz qui venait chercher les trépassés dans la baie du même nom... C'est peut-être seulement un père racontant un conte à sa toute petite fille...
Nous devenons alors Germain, chahuté par la nuit et son cortège de fantômes, emportant avec lui sa solitude et ses blessures...
Nous devenons alors Moïzez, l'enfant trouvé sur le sable après un naufrage...
Nous devenons des lecteurs aux yeux éblouis par l'imaginaire des écrivains...
Merci Sandrine (HundredDreams) pour ta chronique toute récente qui m'a donné envie de prendre le large pour Ar-Men...
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Ar-Men sort des flots
la page coule de mer
au pied du sapin

Au pied du sapin cet album d'Emmanuel Lepage, comme une vague d'images. Je ne raconte rien, je vous laisse découvrir les bleus, les verts, les glaz, les rouges des voiles alliés à la chevelure ruz de l'enfant venu de la mer, et les gris orangés ou bleutés selon les saisons, les tempêtes. Des aquarelles de toute beauté, une mer de couleurs.

La magie de l'île de Sein, de son phare Ar-Men, comme un navire immobile, ancré au rocher. Un lieu où les fantômes sont d'écume, où les hommes sont hantés par leurs souvenirs, leur vie rythmée par trois éclats toutes les vingt secondes, avec pour leitmotiv "le feu est clair tout va bien", pour apaiser les tourmentes, sauver des vies, repêcher un éclat de bonheur.

Magnifique album.
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Après un passage à la librairie, côté BD, et suivant les conseils avisés de mon libraire préféré, me voilà partie pour une aventure nautique (ou presque) et une découverte fabuleuse, celle du phare Ar-men, construit dans le Finistère en face de l'île de Sein.

Une aventure que j'ai largement appréciée tant par les histoires multiples qui jalonnent cet album (la légende d'Ys, la construction du phare, Moïzez l'enfant sorti des flots ou la fortune de mer, les tempêtes et naufrages historiques, sans compter les récits de nos deux gardiens de phare ici présents Germain et Louis), que par la beauté des dessins, de vraies marines. Un ouvrage remarquable à tous points de vue. D'autant plus que j'ai été chahutée par les eaux, trempée par les tempêtes, étourdie par le rugissement des vagues, éblouie par le feu. Mais mon mal de coeur n'est pas venu de la mer, il est monté lentement quand les deux gardiens de phare ont commencé à libérer leurs paroles et à confier le pourquoi de leur présence sur ce lieu perdu en mer. Quitter un enfer pour un autre.
« Ar-men, le nom breton de la roche où il fut érigé. Il est le phare le plus exposé et le plus difficile d'accès de Bretagne. C'est-à-dire du monde. On le surnomme l'enfer des enfers. »

Les dessins sont riches, vivants. Les conditions climatiques resplendissent des mille difficultés à supporter. Les couleurs sombres, lumineuses ou sépia, déclinent l'intensité du ressac et des émotions.
Un album à ouvrir et à respirer : les embruns fouettent le lecteur dès les premières pages. Un album dans lequel les tempêtes extérieures comme intérieures sont magistralement dépeintes.
Et un auteur à découvrir
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Le milieu marin, l'océan, les phares me fascinent depuis toujours. J'aime aussi la Bretagne avec son histoire et ses légendes, ses paysages d'une beauté brute et sauvage.
Cette bande dessinée avait tout pour me séduire, une superbe couverture, de magnifiques planches et surtout une thématique qui me passionne. Merci Fanny (Fanny1980) de m'avoir encouragée à la lire, j'ai passé un très beau moment à découvrir l'histoire de ce phare, sublimée par les dessins d'Emmanuel Lepage.

*
Cet été, je suis allée visiter le phare de Cordouan. Construit il y a quatre siècles, « le roi des phares » est posé sur un ilot rocheux en pleine mer, à l'embouchure de l'estuaire de la Gironde. En allant à la rencontre de ce gardien imposant et majestueux, j'ai découvert son architecture fantastique et son histoire.
La visite est assurée par les gardiens du phare. Ainsi, on découvre ce lieu magique avec leurs yeux émerveillés. Ils nous font partager leur passion pour l'océan et les phares. Ils nous parlent de leur métier qui s'est transformé au cours du temps, de la fonction des phares d'aujourd'hui qui nécessitent pour certains encore, l'intervention de l'homme.
Cette petite digression pour vous expliquer qu'en ouvrant cet album, vous irez à la rencontre d'Ar-Men, de son histoire, mais aussi de celle des hommes qui l'ont bâti, entretenu, habité.

« le marin rêve face à la mer, le gardien de phare face à la terre. »

J'aime beaucoup ce nom, Ar-Men, on dirait celui d'un chef guerrier.

*
Là, entre ciel et mer, au large de l'île de Sein, dans une mer souvent agitée, Ar-Men surgit des profondeurs et dresse sa haute silhouette longiligne.
Surnommé « l'enfer des enfers » en raison de son exposition et de son accès difficile, ce lieu inhospitalier et isolé fait face à l'immensité de l'océan, inébranlable dans sa détermination à ne pas plier sous la force du vent et l'assaut des vagues démontées.

Là se relaient, à tour de rôle, toutes les deux semaines, des gardiens.
Germain est l'un d'entre eux. Ar-Men est sa maison, son refuge, sa retraite. Il en aime chaque pierre. Il y retrouve un semblant de paix, car il réussit à mettre à distance ses souvenirs et les enfermer au plus profond de lui-même.

Par une nuit de forte tempête, l'eau de mer va s'engouffrer dans le phare, arrachant le crépi d'un des murs intérieurs, révélant ce qui était jusque là caché : l'histoire de ce phare, écrite à travers les yeux de son premier gardien.

*
A partir de cette découverte, le récit se divise en de nombreuses histoires que l'auteur va tresser habilement.
Au calme retrouvé après une journée de travail, aux pensées et aux souvenirs de Germain, vont se mêler l'histoire de la Bretagne, celles des légendes bretonnes du roi Gradlon et de Dahut devenue sirène, ou encore celle du Bag Noz, le bateau fantôme, et de son capitaine l'Ankou. On est emporté par le flot de l'Histoire, au moment de la construction du phare, ou lors de la seconde guerre mondiale.

Et dans la grande Histoire se dessine, peu à peu, l'histoire personnelle de Germain. Les fantômes du passé refont surface, inexorablement, inlassablement, et on découvre un homme touchant, abimé par la vie.

« Moi, je suis enfermé dans mon phare comme dans mes souvenirs. »

La fin est très belle, émouvante.

*
Des tons sépia, chaleureux, doux, aux tons bleutés et froids de la mer d'Iroise, les planches d'Emmanuel Lepage sont de toute beauté. Les couleurs, les jeux d'ombres et de lumières participent aux changements d'ambiance, aux sauts dans le temps.
Totalement sous le charme des dessins, je trouve que l'album dégage beaucoup de poésie, de douceur, de mélancolie et d'émotions.

*
Mêlant fiction, mythes et légendes, documentaire et Histoire, « Ar-Men » séduira autant les amateurs de phares bretons que des lecteurs sensibles à la délicatesse d'un récit qui rend hommage au lien nous unissant à la nature.
Avec pour fond l'océan, emporté, envoûtant, et Ar-Men, magnifique forteresse chargée de souvenirs et d'histoire, ce roman graphique est une beau récit dont les images impressionnantes de beauté et de réalisme laissent les blessures, les douleurs, l'immense solitude des personnages effleurer à la surface des flots.
Un petit bijou à ne pas manquer.
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Magnifique hymne au phare Ar-Men que ce roman graphique qui est lui aussi Magnifique tant par un texte poétique parfois et dur par la réalité des faits relatés. C'est l'histoire pathétique de la construction d'un phare qui doit sauver des vies de nombreux naufrages. Narration impressionnante qui demande à être lue en hommage aux gardiens de phares et à tous ceux ayant péris en mer.
Les dessins sont incroyablement beaux, les couleurs magnifiques. Un livre à refeuilleter souvent pour le plaisir des yeux, et bien plus ...
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Le marin rêve face à la mer, le gardien de phare face à la terre.
-
Ce tome contient une histoire complète indépendante de toute autre. Publié pour la première fois en 2017, il est réalisé par Emmanuel Lepage, scénario, dessins et couleurs. Dans cette édition de 2022, se trouvent un dossier de dix pages, une rédigée par Claude Gendrot sur l'origine du projet, et les autres contenant de somptueuses illustrations préparatoires.

À l'école ou au café, Germain a toujours aimé la table du fond, dos au mur, seul dans son coin. Invisible, il écoutait bruisser les autres. Rien ne pouvait l'atteindre, il se sentait en sécurité. Il a choisi de vivre au fond du monde. Par temps clair, il croit apercevoir la silhouette sombre de la pointe du Raz qui s'avance comme une griffe. Au creux d'abers imprécis, les taches blanches des maisons de pécheurs se confondent avec l'écume qui ruisselle le long de falaises labourées d'entailles. Parfois il distingue la tour de la Vieille, qui semble s'arracher à ces tenailles pour gagner le large. À moins que ce soit la masse du phare de Tévennec, le phare maudit où aucun gardien ne veut vivre. Seule maison-phare en pleine mer, Tévennec est vide depuis des décennies, mais les légendes demeurent. Puis à l'ouest, l'île de Sein résiste aux assauts incessants d'une mer jamais tendre. Maigre échine d'une terre que l'on prétend aujourd'hui engloutie. Et puis un chapelet de roches qui court jusqu'à lui : la chaussée. On dit qu'un navigateur qui la traversait sans l'aide d'un bon pilote de l'île ne devrait son salut qu'à un heureux hasard. Pendant des siècles, les navires se sont fracassés sur ses récifs meurtriers, un cimetière. le territoire sacré du Bag Noz, le vaisseau fantôme des légendes bretonnes. À la barre oeuvre l'Ankou, le valet de la mort. Au bout de cette basse froide, un fût de vingt-neuf mètres émerge des flots, Ar-Men. Il est le phare le plus exposé et le plus difficile d'accès de Bretagne, c'est-à-dire du monde. On le surnomme l'enfer des enfers.

C'est à Ar-Men que Germain s'est posé, adossé à l'océan. Loin de tout conflit, de tout engagement, il est libre. Ici, tout est à sa place… et il est à la sienne. Ce matin, c'est la relève, le pain frais. Pierrick qui est là depuis vingt jours cède sa place à Louis. Dix jours l'un, dix jours avec l'autre. Encore une dizaine pour Germain et il redescendra à Sein, si le temps le permet. Il aimerait parfois qu'on l'oublie là. Il se blottirait dans un coin et ne ferait plus de bruit. Quand Louis monte, ils se saluent à peine. Un bref kenavo à la Velléda, Louis rentre les épaules et dans le phare comme dans une mine. Gardien depuis dix-sept ans, et pourtant il semble surpris chaque fois de l'humidité glacée qui suinte des murs, été comme hiver, accablé de draps rêches, de l'odeur de pétrole qui imprègne tout, et du fracas des vagues. Louis râle. Germain est monté sur la galerie qui fait le tour du fanal au sommet du phare et il se plante sous les rayons du maigre soleil de novembre, à l'abri des lames du vent. Il attend que ça passe. Une fois installé, Louis prépare un repas, steak-frites, et ils écoutent la radio en mangeant : la dissolution de l‘assemblée voulue par le général De Gaulle a eu lieu.

Une marine magnifique en couverture, un titre explicite : le lecteur sait qu'il va séjourner dans ce phare construit à l'extrémité de la chaussée de Sein, entre 1867 et 1881, en mer d'Iroise. S'il a rapidement feuilleté la bande dessinée, il a pu découvrir de magnifiques planches rendant hommage à ce phare classé au titre des monuments historiques en 2017. En effet, le récit s'ouvre par une séquence de cinq pages évoquant un survol en hélicoptère, avec des grandes cases mettant en valeur la mer et son bleu unique, l'extrémité dénudée de l'île de Sein, la maison-phare de Tévennec, l'île de Sein dans une belle perspective donnant à la voir dans toute sa longueur, la chaussée à son extrémité, le vol gracieux d'un oiseau de mer, et un dessin en double page avec la mer et ses vaguelettes, ainsi que le phare au loin dans la partie de droite. Dans la postface de Claude Gendrot, le lecteur apprend qu'Emmanuel Lepage a joué son propre rôle dans le documentaire Les gardiens de nos côtes, réalisé par Herlé Jouon en 2017, et qu'il a été déposé sur Ar-Men, en étant hélitreuillé, vraisemblablement l'origine de ladite séquence d'ouverture. Par la suite, le lecteur trouve tous les plans qu'il attend sur le phare et bien d'autres. Page dix, une vue de la mer en plongée depuis la galerie du sommet du phare. Page treize, Germain se tient sur la galerie de nuit, se découpant en ombre chinoise devant la lumière du fanal. Page quatorze, la silhouette du phare est à demi mangée par la brume de nuit. Page vingt-trois, le phare est lui-même réduit à une ombre chinoise dans la nuit, alors que son faisceau la transperce. Page vingt-cinq, c'est une nuée d'oiseaux de mer qui passe de chaque côté de la lanterne. Page vingt-six un nuage chargé de pluie s'abat sur le phare dans une image saisissante, et en vis-à-vis, ce sont des vagues aussi hautes que le phare qui viennent s'écraser dessus. La mer est présente dans presque toutes les pages, l'artiste y transcrivant les changements de texture, de fluidité, de luminosité en fonction des courants, des tempêtes, de l'heure de la journée. C'est un délice visuel du début à la fin grâce à un artiste à l'évidence amoureux de cette mer, dans cette région.

Séduit par la promesse de séjourner dans ce phare, surnommé l'enfer des enfers, le lecteur ne s'interroge pas trop sur la nature du récit avant d'entamer la bande dessinée, certainement un séjour de plusieurs jours, voire de plusieurs années, en accompagnant un gardien. Cette portion de son horizon d'attente est bien comblée par l'auteur : séjourner dans le phare au quotidien avec Germain, sa relation avec Louis, à la fois quotidienne, à la fois distante, chacun ayant sa chambre à un étage différent, chacun respectant la volonté de solitude de l'autre. Les cases montrent deux hommes normaux, en bonne santé, sans musculature exagérée, sans dramatisation de leurs gestes ou de leurs humeurs. S'il n'y prête pas attention de prime abord, le lecteur finit par prendre conscience qu'en toute discrétion le dessinateur effectue également une, ou plutôt deux reconstitutions historiques : celle de l'époque du récit, c'est-à-dire 1962, et celle des années de construction du phare. Cela peut se voir dans les tenues vestimentaires, dans les outils et les équipements utilisés, ainsi que dans l'état du phare lui-même et les différents navires.

Le lecteur se tient donc aux côtés de Germain et perçoit le phare, ce qu'il représente par ses yeux. Il comprend rapidement que ce personnage a souhaité obtenir cette affection pour jouir du calme qui vient avec l'isolement du phare, la coupure d'avec le monde. En filigrane, il apparaît que d'un côté cet homme a besoin du calme qui vient avec cette vie très réglée dans un espace restreint, celui du phare et le rocher autour, et d'un autre côté il se sent rasséréné par son rôle, assurer le bon fonctionnement de cet équipement pour éviter tout naufrage, et par le besoin d'entretien, de petites tâches de maintenance et de réparation qui ne connaît jamais de fin, qui assure une occupation continue. Il n'y a pas à proprement parler de mystère concernant la jeune fille à qui il raconte la légende de la cité d'Ys le soir, le lecteur ayant tôt fait de comprendre qui elle est et quelle est sa nature. Lorsque Germain lui raconte ladite légende, cela constitue un fil narratif secondaire, venant répondre comme un reflet déformé à la nature du phare. Cela donne lieu à des pages à l'apparence un peu différente, avec une palette de couleurs spécifique pour faire apparaître qu'il s'agit d'un conte, une histoire dans l'histoire. L'engloutissement de la ville agit comme un écho des lames qui viennent recouvrir le phare. La légende a également pour effet d'inscrire le phare dans le folklore breton, la ville d'Ys, mais aussi les marins décédés en mer et l'Ankou.

À partir de la page trente-neuf apparaît un troisième fil narratif qui va prendre plus de place, et passer au premier plan à l'occasion de différentes séquences. Germain a découvert le journal de Moïzez, sous une forme originale, jeune homme ayant participé à la construction du phare, et étant devenu un de ses premiers gardiens. À l'opposé d'un artifice narratif pour remplir un quota de pages imposé, ce journal crée à la fois une profondeur de champ, la longue lignée d'hommes ayant officié comme gardiens de phare, et à la fois son origine même, ou plutôt l'histoire de sa construction, une entreprise humaine sortant de l'ordinaire. Moïzez est un orphelin découvert en tant que nourrisson en 1850, roux qui plus est. Il se porte volontaire pour construire le phare, lorsque que l'ingénieur Paul Joly et son chef viennent s'adresser aux îliens pour les informer du projet et requérir leur aide. L'auteur apporte plusieurs éléments historiques relatifs à ladite construction de 1867 à 1881 : la difficulté de travailler sur un rocher recouvert par la mer la plupart du temps, les risques de tempêtes, le travail en milieu humide, etc. Cette composante du récit est vécue au travers des yeux de Moïzez.

Le lecteur s'attend à séjourner dans le phare et à ressentir le choc d'énormes vagues venant s'écraser dessus, sur toute sa hauteur, comme il a déjà pu le voir sur des photographies spectaculaires. Il découvre un vrai récit, deux hommes devenus gardien pour jouir de la retraite du monde agité, chacun pour leur raison. Il constate dès la première séquence l'amour de l'artiste pour ce coin du monde, pour le phare et pour la mer perpétuellement en mouvement, dans des planches auxquelles il ne manque que l'odeur de sel. Il découvre une bande dessiné généreuse, évoquant avec émotion la construction du phare d'Ar-Men, et l'inscrivant dans les contes et légendes celtes et bretons. Une oeuvre touchante imprégnée par les embruns.
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Rencontre avec Emmanuel Lepage au festival de Locmariaquer…Je n'achète plus de B.D. de peur qu'une pile me tombe un jour dessus et m'écrase mais je peux l'acheter, la faire dédicacer, l'offrir et la lire avant! Que ne ferait-on pas pour une dédicace bretonne? J'ai craqué, bien sûr, sensible au thème autant qu'au dessin.

L'histoire du phare au large de l'île de Sein «l'enfer des enfers», sa construction pénible qui dura 15 ans, ses tragédies et son automatisation depuis 1990 après 109 ans de service.

J'ai eu un peu de mal à m'y retrouver dans les personnages de plusieurs époques. L'histoire du phare qui domine l'océan est bien rendue par la B.D.. le dessin au pinceau est approprié pour déchaîner les éléments autour du phare.

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