Dessiner, c'est ma façon d'être au monde.
J'aime ces moments où le temps ne semble pas avoir de prise.
Dans le ciel, les étoiles dessinent l'infini.
Les terres australes seraient comme la promesse d'un temps qui n'est plus.
Et le voyage, une nostalgie.
Personne n'a peur du dessin. On aime le voir en train se faire.
On s'en approche spontanément. Il renvoie à l'enfance.
Et puis, c'est un moyen de rencontres et de complicités qui se passent de mots.
C'est entre les mots rares échangés ce jour-là, en marchant à leur rythme, en silence, alors qu'un soleil maigre nous caressait la peau que j'ai cru apercevoir ce que ces hommes avaient pu vivre pendant ces longs mois au bout du monde.
Ce fut une journée parfaite.
La plus belle de ce voyage.
Un instant d'harmonie et de fraternité...
Un fragment d'éternité.
(dédicace de l'auteur, Emmanuel Lepage, qui a fait le voyage avec son frère François) :
" ... je tiens à remercier chaleureusement :
Marie-Thérèse et Jean-Paul Lepage, pour avoir donné à leur enfants le goût immodéré du voyage, leur avoir appris à vivre les yeux ouverts... et donné le plaisir de se plonger dans les cartes.
Ker-Gue-Len. Un mot qui racle la gorge puis se couche sur le palais. Ker-Gue-Len. Un nom Breton égaré en Antarctique. Je n'imaginais terres plus perdues plus lointaines. C'était le monde du bout du monde.
Au début de ce voyage, entendre ces noms, longtemps rêvés, transformés en borborygmes me heurtait. Une novlangue australe ! Crozet devenait une marque de bière, Cro, Kerguelen, ce nom qui éveilla mes rêves de terres inconnues, se réduisait maintenant à Ker et perdait de sa douceur, Amsterdam, que chantait Brel, Ams. Tout cela participait, pour moi, au désenchantement du monde. Puis, peu à peu, je comprends que ce langage tisse un lien entre ceux qui ont foulé les terres australes. Il établit la connivence, créé la tribu. Tout comme les rituels, ce langage favorise cette cohésion nécessaire pour affronter les difficultés sous ces latitudes. Mais d'autres noms me réconcilient avec le parfum des romans d'aventure. L'arête des djinns, le cap de l'Antarès, la rivière Moby Dick, la crique du sphinx, la baie du petit caporal...
Ce qui est étrange avec le voyage, c'est qu'on ne comprend qu'après - et encore pas toujours - ce qu'on est allé chercher.