Même si nul n'a plus l'art du silence que le paysan du Cotentin, l'un de ses traits les plus caractéristiques est pourtant d'éprouver grand plaisir à manier les mots.
Car ici il est dit que jeu verbal ne signifie pas bavardage !
Ici, aucun point n'est à plus de 21 kilomètres de la mer, pourtant la tradition orale n'en porte que peu de traces.
Ici, le passé est si palpable qu'il semble encore présent.
Pourtant, ici, personne ne cherche l'avenir dans un folklore de mauvaise aloi !
Fermé sur trois côtés par la mer, et sur le quatrième par les marais de Carentan, le Cotentin est un "kio".
René Lepelley était un enfant du Val de Saire, professeur à l'université de Caen.
Monique Léon, native du Plain, était professeur à Toronto.
Tous les deux étaient d'éminents linguistes.
Tous les deux ont signé ce livre.
Tous les deux étaient persuadés que, même si la manière de raconter a changé, l'on raconte toujours et que ce que l'on raconte a du sens.
Ils ont donc tout naturellement collecté une série de contes, de récits et d'anecdotes dont se nourrit encore la tradition orale.
Les textes ont été soigneusement choisis pour représenter chacun des cinq "pays" du Cotentin :
- la Hague au nord-ouest, le Val de Saire au nord-est, le Plain au sud-est, le Bauptois au sud et le bocage de Valognes au centre.
Certains de ces textes sont donnés avec leur transcription intégrale en patois.
Le corps du livre est articulé en 12 parties :
- "des tours et des farces", "facéties religieuses", "contes et anecdotes", "histoires de fraudeurs", "histoires de sorciers", "histoires du diable", "histoires extraordinaires", "histoires de saints", "histoires d'animaux", "contes de mensonge", "fatrasies", "contes et proverbes".
De plus, il est enrichi par un petit glossaire de patois, et par une liste détaillée et annotée des sources de chaque texte.
Saisir l'âme du Cotentin, là est le propos de ce livre précieux.
Là est aussi son mérite.
Mais il se peut aussi qu'il contienne quelques histoires de goubelins qui pourraient bien faire tourner le sang aux plus peureux !
Une dizaine de pages sont consacrées à la légende du moine de Saire qui, à Réville, avait vendu son âme au diable.
Quatre versions de l'histoire y sont données ...
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C'est ainsi que des habitants de chaque commune ont bien souvent reçu de leurs voisins un nom imagé emprunté soit à leur caractère (ou prétendu caractère), soit à tel ou tel événement de la petite histoire locale.
Pour ne prendre nos exemples que dans le Val de Saire, nous citerons :
- les clichoux de Barfleur,
- les galochyis de Brillevast,
- les têtes d'Ourme de Canteloup,
- les queues de Carneville,
- les cocus de Cosqueville,
- les dahus de Clitourps,
- les rebelles de Gatteville,
- les grenouilles de Montfarville,
- les ogres de Néville,
- les fous de Quettehou,
- les climpins de Réthoville,
- les solards de Réville,
- les raplotins de Saint-Pierre,
- les thouins de Saint-Vaast,
- les touênots de Theurtéville,
- les chorchyis du Theil,
- les rhodins de Varouville,
- les pimpins du Vast ...
On serait deux coups jeunes, on ne serait pas deux coups niais ...
En suivant la fantaisie cotentinaise dans sa relation naturelle avec l'occulte et le sacré, on se retrouve bientôt sur les chemins de la création poétique ...
Ce qui vient de flot s'en va de jusant ...