Il faut savoir que je suis un fan absolu du personnage de
Jules Lermina, « Toto Fouinard », le petit détective parisien.
Du coup, j'aurais pu m'intéresser à toute la bibliographie de
Jules Lermina, mais ceux qui connaissent un petit peu la bibliographie de
Jules Lermina savent qu'il a beaucoup contribué aux genres « aventures » ou un peu « fantastiques », quelques oeuvres politiques, quelques dictionnaires, des essais historiques... mais très peu de textes policiers hormis la série des « Toto Fouinard ». Malgré toute l'admiration que je peux avoir pour la plume de l'auteur, mon plaisir de lecteur ne peut s'exprimer que dans le polar, le roman policier, le thriller, bref, tout ce qui tourne autour de crimes et d'enquêtes avec toute la latitude de temps et d'ambiance possible. Ainsi, je puis me régaler autant avec une aventure de Sherlock Holmes que celle d'un
San Antonio, avec «
Les rivières pourpres » de
Jean-Christophe Grangé, qu'avec un « le Poulpe » de
Jean-Bernard Pouy, avec un polar à l'aube de la Première Guerre mondiale qu'avec un polar d'
A.D.G....
Heureusement pour moi,
Jules Lermina a développé, durant sa carrière, un autre personnage de détective très intéressant. Malheureusement pour moi, l'auteur n'a écrit que quatre enquêtes pour son personnage.
Maurice Parent travaille dans un ministère. Il est plutôt froid sans être antipathique, poli sans être exubérant, observateur et perspicace. S'il est serviable, il ne cherche pas à obtenir ni à offrir son amitié à tout prix.
Maurice Parent a pour très grand ami son collègue de travail. Celui-ci estime Maurice Parent plus que tout et a une confiance immense dans son jugement qui s'est toujours révélé justifié. Pourtant, quand il essaie de rapprocher Maurice Parent d'un autre collègue qu'il compte parmi les amis qu'il affectionne, Maurice fait la moue en lui disant que son ami est un coquin, entendez par là un gredin de la pire espèce. Pourtant,
Charles Lambert est un homme calme, doux, enjoué, bien marié, serviable, heureux...
Mais, quand la femme de Lambert meurt suite à un stupide accident, Maurice Parent, qui s'ennuie terriblement dans son travail, décide de démissionner et de voyager à travers le monde, emmenant son ami, avec lui.
Un an plus tard, Maurice Parent décide de rentrer à Paris en apprenant que
Charles Lambert va bientôt se remarier. Maurice a la volonté de démontrer que
Charles Lambert a tué sa première femme et qu'il en fera de même avec la suivante.
Contrairement à Toto Fouinard, Maurice Parent a beaucoup de Sherlock Holmes en lui. Enquêteur par ennui plus que par sacerdoce, l'homme est doué d'une belle intelligence et d'un sens aigu de l'observation. Mais là où Holmes observe les objets, Parent observe les gens.
Car Maurice Parent est un Cal Lightman (le héros de la série télévisée « Lie to me », psychologue spécialiste de la détection du mensonge par l'analyse des « micros expressions ») avant l'heure.
Ses certitudes, il les forge non pas à l'instinct, mais en observant les regards, les gestes, des gens qu'il côtoie. Et c'est le regard de
Charles Lambert qui l'a trahi.
C'est donc à une sorte de Sherlock Lightman que l'on a affaire dans quatre enquêtes écrites par
Jules Lermina :
— le Clou.
— La Chambre d'hôtel.
— le Tout pour le Tout.
— La Sacoche.
Quatre enquêtes, seulement, et c'est fort dommage tant le personnage et le style sont intéressants.
Si, comme Sherlock Holmes, Maurice Parent est accompagné d'un ami qui est le narrateur, si, comme le détective anglais, l'enquêteur français est intelligent et perspicace, ce dernier est bien moins négatif que son homologue anglo-saxon tout en conservant une réserve « so british », tellement britannique.
On est loin du personnage fantasque de Toto Fouinard, de la gouaille du petit détective parisien, et de sa propension à foncer dans le tas quitte à risquer sa peau et se faire des bosses.
Non, Maurice Parent n'est pas un enquêteur physique, il est avant tout cérébral, même s'il n'hésite pas à s'investir également physiquement dans ses enquêtes.
Pour Maurice Parent, résoudre une enquête passe par l'observation, la mise en situation, se mettre dans la peau du tueur ou de la victime, puis à user de réflexion sans se laisser guider par des idées, par des suppositions ou par des évidences.
Mais l'intérêt de ces textes ne passent pas que par le personnage, mais aussi, et surtout par la disparité des épisodes.
Effectivement, alors qu'il est d'usage d'utiliser le même cahier des charges d'un épisode à un autre d'une série,
Jules Lermina fait totalement exploser cette coutume.
Ainsi, l'auteur propose des épisodes de longueurs différentes, usant d'une narration différente à chaque fois et, plus encore, se permet de ne faire apparaitre qu'en filigrane son personnage dans un épisode, de mettre en avant le narrateur ou, au contraire, de le mettre en retrait, en fonction de son envie.
Le style, également, n'est pas figé.
Jules Lermina peut s'étendre en explications, user d'un style journalistique, d'un style procédural, se lancer dans l'aventure, dans le classicisme du roman policier à l'anglaise et, même, ponctuer son enquête de notes d'humour.
Bref, il est fort dommage que « Les Aventures de Maurice Parent » ne dépassent pas les quatre enquêtes, tant le personnage avait du potentiel et que la disparité stylistique était plaisante à lire.