JuganJérôme Leroy
roman
La Table ronde, 2015, 214p
Jugan est le nom de famille d'un monstre au physique comme au moral. C'est un ancien leader du groupe d'extrême-gauche Action Rouge, un fils de la bonne société normande, de Noirbourg précisément en plein Cotentin, qui a des idées révolutionnaires et veut changer ce monde capitaliste, injuste et minable dans lequel il vit. Il vient de sortir de prison dont il était un détenu particulièrement surveillé et il est en liberté conditionnelle précisément dans sa ville natale.
le narrateur est un professeur qui est en train de passer ses vacances à Paros avec sa femme et sa petite fille. Tout jeune professeur, il a connu
Jugan qui travaillait après sa libération dans le même centre social que lui, en présence de jeunes enfants, lui un meurtrier notoire, et il fut le témoin passif du mal qu'il causait et de l'événement qui provoqua sa fuite.
A Noirbourg, Les Forges ont fermé, faisant un grand nombre de licenciés.
Jugan se radicalise et tue le président des Forges. Ses actions deviennent de plus en plus sanglantes. Ses anciens partenaires le lâchent et se rangent, dont Clotilde, la CPE du collège où travaille le narrateur. Clotilde est surnommée la boîteuse parce qu'elle a une jambe atrophiée. Elle a aussi le coeur et la tête qui boîtent, elle qui n'a pas d'enfant de
Jugan, qui se repent de l'avoir lâché. Elle a sympathisé avec le narrateur parce qu'il est fait pour le métier d'ensseignant. C'est ainsi qu'elle le recrute pour le centre social. Il aidera les gamins dans leur scolarité. Il y rencontrera Assia, une brillante élève, qui aide aussi les enfants. Elle est la soeur de Rachid que le narrateur a comme élève.
Noirbourg donne sur la lande de Lessay, où vivent les Gitans qui boivent un alcool qui fait voir des scènes passées et même présentes de la vie, où vit une sorcière marginale qui jette des sorts. Cette lande est la même que celle de Barbey d'Aurevilly l'auteur qui donne son nom au collège.
C'est une suite de rêves que le narrateur conduit des années après le drame. A Paros, l'île blanche et bleue, il veut vivre jusqu'au bout par le rêve les événements tragiques et monstrueux auxquels il a été mêlé, et être débarrassé enfin de cette noirceur.
le livre est peu convaincant. Les personnages n'ont rien d'attachant, il leur manque de l'épaisseur, Assia, un pantin, Clotilde une suiveuse aveuglée, l'écriture n'a rien de remarquable, et l'angle choisi pour narrer l'histoire n'est pas le bon. Que peut savoir le narrateur de l'intimité d'Assia, même si le père de celle-ci a donné quelques informations ?
Jugan fascine. Comment ? Par son visage atrocement abîmé, et des gendarmes seraient en partie responsables de ce ravage? Parce qu'il tue sans scrupules, parce qu'il fait d'une jeune fille, qu'il se plaît à humilier sans cesse, son esclave sexuelle à seule fin de rajeunir sexuellement ? Parce que ce qui lui importe, c'est de ne pas retourner en prison ? La fin laisse flotter comme une vapeur de superstition et de fantastique, soit que le narrateur en ait vraiment fini avec cette tragédie, soit qu'il rende un ultime hommage à l'innocente victime. La fin comme le reste du roman est bancale.
Bien sûr, ce roman veut être la version moderne de L'Ensorcelée de Barbey d'Aurevilly. Ce n'est pas un coup de maître. Où la tension dramatique, où l'atmosphère qui angoisse, où le pouvoir de la « sauvage et fameuse » lande ? Certes
Jugan est lui aussi fidèle à des idéaux d'un autre temps tout comme l'abbé de la Croix-
Jugan, mais où sont les ombres, où la prose onirique ?
S'il faut ne lire qu'un livre, pardon
Jérôme Leroy, lisez L'Ensorcelée.
Jérôme Leroy est né à Rouen en 1964. Il fut par choix pendant vingt ans professeur en zone d'éducation prioritaire à Roubaix. Il est le compagnon de route d'un communisme sans dogme, un anar des chemins buissonniers. Il écrit de tout, poésie, livres pour la jeunesse, romans noirs, romans.