Dans son Prière d'insérer,
Cendrars prévient : "(...) Mon livre est plein d'oiseaux, d'ailes, d'anges, de saints, d'enfants, de fleurs, de lumière, de rêve éveillé, mais il contient aussi toute la faune et toute la flore redoutable de la nuit et des ailes de chauve-souris (...)".
Le Lotissement du ciel est une splendeur et
Cendrars un poète thaumaturge... Cette rhapsodie chantée par le bourlingueur manchot est à prendre au sens premier de son étymologie : une couture de chants et quels!
Cet Objet Poétique (Non Identifié) se compose de trois morceaux (de beaux morceaux) :
le Jugement dernier, dans lequel le mythographe nous balade de Pernambouc à Cherbourg en compagnie d'un fourmilier, de ouistitis-lions "à crinière oxygénée" et de 250 sept-couleurs ;
le Nouveau Patron de l'aviation est une hagiographie de Joseph de Cupertino, le saint volant qui "est encore le seul à avoir réussi un vol en marche arrière, retrorsum volantem". A travers ce patchwork de lectures savantes, de témoignages et de récits édifiants,
Cendrars nous parle de lui et des siens. Ésotérique, le texte nous échappe souvent, on devine qu'il nécessite une initiation mais baste, nous lévitons tout de même à la suite de "Bouche bée", mus par le plaisir de côtoyer si simple et bel esprit.
Enfin La Tour Eiffel sidérale avec laquelle on monte plus haut, toujours plus haut... Nous voici dans la fazenda do Morro Azul, en compagnie d'une nuée de colibris et d'un poète transi d'amour pour
Sarah Bernhardt, le docteur Oswaldo Pedroso, découvreur de la constellation de la Tour Eiffel (à ce jour toujours non homologuée). On y croise un Sac à Charbon énigmatique, l'ombre d'
Arthur Cravan, vagabond, boxeur et poète et un Blaise adolescent, négociant en pierres précieuses. Une expédition sidérante... une odyssée interstellaire...
Une fois le précieux ouvrage refermé, les pieds sur la terre ferme, on se sent plus vivant... C'est le pouvoir du poète de transformer le quotidien en inédit.
"A dada, à dada ! Au fou ! Quel cinéma !"