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EAN : 9782072984730
432 pages
Gallimard (06/04/2023)
3.88/5   316 notes
Résumé :
Les prétendants au poste de président de la République française se bousculent à la suite de la décision de Nathalie Séchard de ne pas se présenter pour un second mandat. Tandis que les émeutes se multiplient dans ce pays en proie au chaos et à une pandémie, Clio, 20 ans, normalienne d'ultragauche et fille d'un candidat aux élections, est victime de menaces.
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Critiques, Analyses et Avis (73) Voir plus Ajouter une critique
3,88

sur 316 notes
Si vous hésitez dans votre choix pour l'élection du prochain président de la république, voilà un roman " enlevé " qui pourrait bien ...ne pas vous aider .
L'introduction est " chaude " , très " chaude " ( ...et ...originale ...) et donne le ton que l'on retrouvera tout au long de ce roman qui , cela ne vous échappera pas , aborde de nombreux problèmes liés au monde politique et pas les moins osés. Comment trouver des personnages " recommandables " dés lors que , désir absolu de pouvoir oblige , tous les " coups " sont permis .Bienvenue dans le monde des fauves où seuls les plus retors , les plus hypocrites , les plus immoraux peuvent espérer l'emporter . Inutile de vous dire que l'on ne s'ennuie pas et il faudra patienter jusqu'à la fin pour trouver une once d'espoir . Par contre , même à ce moment - là, pas certain que la " lumière " soit parvenue à éclairer votre " lanterne " où tout a commencé , le roman , bien entendu , et la réflexion de la présidente sortante et pas pressée de renouveler le bail , celui promis par son jeune amant ayant l'air de la motiver nettement plus.
Oui , la Lanterne , ce lieu si prisé pour les " petits mystères " de nos politiques ou ...leurs rejetons , et qui en raconterait des choses si ...Après, jeu de devinettes : qui est qui ? Jérôme Leroy , comme Maurice , le génial poisson rouge du petit garçon de la pub , " pousse le bouchon un peu loin " . le procédé est un tantinet cynique , le résultat plutôt convaincant , déroutant mais loin d'être perturbant ....Ajoutez y une écriture maîtrisée, des dialogues de qualité et , soyez en sûr, vous allez passer un bon moment ...enfin , peut - être, hein , à condition de bien choisir votre " parti " .
Aujourd'hui " les fauves " ont quitté les cirques qui ne vont pas tarder à reprendre la route . Il est bien dommage que d'autres " fauves " n'aient pas quitté, eux aussi , le " Cirque Politique " qui nous est décrit dans le roman . Il est vrai que la vie est suffisamment triste ...Si , en plus , on nous enlève ces héros....de la " piste aux étoiles " .
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Nous sommes à la veille de l'élection présidentielle de 2022. En 2017 a été élue, à la surprise générale, une femme, Nathalie Séchard, qui a créé un mouvement politique appelé Nouvelle Société (NS dans les deux cas, avez-vous remarqué ?). Ni de droite ni de gauche, elle s'est entourée de ministres venant à la fois de la droite et de la gauche, comme son ministre de l'Intérieur, Patrick Beauséant, issu des rangs de la droite dure, et Guillaume Manerville, son ministre de l'Environnement, venu de la gauche écologiste. Alors qu'elle hésite à se représenter, sa principale concurrente est Agnès Dorgelles, leader du Bloc Patriotique. le mandat de Nathalie Séchard a été émaillé de deux graves crises : celle des Gilets Jaunes, et celle d'un virus qui ne cesse de muter. (Dans les deux cas, les crises sont plus graves que celles qui ont eu lieu dans la réalité.) Tout cela se déroule avec en toile de fond la menace d'un effondrement total du système en raison notamment des problèmes écologiques et démocratiques. ● On l'aura compris, Jérôme Leroy s'est amusé à réécrire l'histoire, tout en observant avec une amusante ironie page 17 qu'il ne le fera pas car « l'exercice de l'uchronie est toujours délicat. Imaginer un cours différent aux événements politiques désormais connus de tous, comme l'élection de Nathalie Séchard, le 6 mai 2017, serait un défi que le narrateur ne se sent pas capable de relever. » ● L'abondance de noms (et de personnages) balzaciens (Bianchon, Félix Vandenesse, Marsay, Manerville, Beauséant, Lucien…) paraît montrer que comme son illustre prédécesseur Jérôme Leroy a pour objectif de peindre la société de son temps. Mais tout en conservant de nombreuses similitudes avec la réalité, il a toutefois changé de nombreuses données, en aggravant systématiquement ce qui pèse sur le monde. Comme Balzac, il s'est efforcé de nous montrer l'envers barbouzeux du décor politique français, à ceci près que chez lui le complotisme s'associe à la collapsologie dans un récit crépusculaire qui ne rend pas optimiste, si l'on partage sa conception du monde. ● Je dois dire que j'ai été plutôt déçu par ce roman malgré son inventivité et son originalité, car justement je ne le suis pas dans cette vision zadiste du monde.
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A la manière de la trilogie de l'emprise de Marc Dugain (un gros ❤️), les derniers jours des fauves narrent les petits arrangements entre amis, les manigances et la manifeste collusion entre services secrets et politique. Sur fond de crise des gilets jaunes, de Covid 19, d'urgence climatique et de menace terroriste, Jérôme Leroy relate la lutte sans merci entre les différents candidats putatifs à l'élection présidentielle de 2022. Une lutte sans merci mais pas sans morts. Les fauves sont lâchés…
Un roman captivant et un vrai condensé de cynisme.
Les personnages ont du corps (j'imagine que toute ressemblance avec des personnes existantes ne peut être que purement fortuite 😉), l'intrigue est brillante, la plume bien noire…Bref. J'ai adoré ! Un texte absolument jubilatoire.
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Nathalie s'en va.

Élue présidente de la République en remportant un de ces concours de circonstances qui animent parfois la vie politique française, usée par quatre premières années de mandat marquées du sceau de la pandémie et des décrets restrictifs, Nathalie Séchard ne rempilera pas pour un second quinquennat.

La surprise passée, le microcosme des prétendants entre en ébullition. de Bauséant, le ministre de l'Intérieur opportunément rallié qui entrevoit le moment tant attendu d'engranger les bénéfices de ses contradictions-compromissions, à Manerville le ministre de l'environnement, autre prise de guerre soufflée aux écolos, un peu mou du genou pour tenter l'aventure mais trop faible pour y renoncer, les écuries se préparent. Et les coups bas sont de sortie.

Ça vous rappelle quelque chose ? Toute ressemblance nananinanère… Vous connaissez le refrain. Avec Les derniers jours des fauves, Jérôme Leroy poursuit son exploration des coulisses peu reluisantes de la real politique française, livrant comme une mise à jour de le Bloc sorti il y a plus de dix ans.

Si son livre est toujours aussi bien documenté sur la face cachée de nos élus – et notamment les arcanes de l'ultra droite - il y gagne en puissance et en profondeur. Doublant sa trame romanesque d'une belle étude de personnages, Leroy s'attarde sur ces derniers rugissements de grands fauves politiques évoluant dans un monde qui a changé. Sans eux.

Parallèlement, il porte un regard attendri sur les familles ou seconds couteaux de ces grands fauves, mari de présidente, fille de ministre ou sbires dont la servilité aveugle fait office de cerveau, victimes collatérales d'un système qu'ils n'ont pas choisi, pas compris ou, pire, qu'ils ont déjà renié pour un autre.

Comme dans Vivonne ou Un peu tard dans la saison, la possibilité du changement et de l'espoir retrouvé continue à guider l'oeuvre de Leroy, pour suppléer ce grand cirque politique que les spectateurs ont quasi-déserté, abandonnant leurs grands fauves à l'indifférence.

Enfin, Leroy sait comme toujours nous surprendre avec ses fulgurances poétiques, surgies sans prévenir au détour d'une phrase : « Il pleuvait comme il sait pleuvoir dans ces régions de mélancolie froide, de pierres grises, de toits de lauzes… ». Perso, je suis fan !

Sans oublier Rouen, dont les réminiscences de jeunesse continuent à ponctuer ses pages et font mon bonheur, au point – c'est vous dire - de lui pardonner d'appeler « avenue », la rue Jeanne d'Arc, qui le guida naguère tant de fois vers le Métro. Faut revenir Jérôme, tu oublies…

Bref le Leroy de cette rentrée est un bon cru et on peut se précipiter !
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Jeune romancier, Lucien vit en couple avec Clio, la fille de Guillaume Manerville, ministre de l'Écologie sociale et solidaire. Il travaille comme nègre pour Patrick Beauséant, ministre de l'Intérieur et d'un tas d'autres choses, qui souhaite rédiger ses mémoires.
Lorsque la Présidente de la République, Nathalie Séchard, annonce qu'elle ne sera pas candidate pour un second mandat, Manerville et Beauséant, que tout oppose, se retrouvent en concurrence pour lui succéder. Et tout va déraper...

La lutte pour le pouvoir est au coeur de l'intrigue. Pour cela, l'auteur convoque un couple présidentiel aux couleurs des Macron inversés (la présidente a épousé un très jeune étudiant), un Pasqua ressuscité, à la fois moteur et otage d'une redoutable Association (le Service d'Action Civique des années 1960 ?), un ministre écolo un peu trop innocent (un Nicolas Hulot propre sur lui ?), etc. Quelques grands fauves politiques, donc.
Bien sûr, on est dans la caricature. Mais l'auteur va un peu trop loin. Sans être naïf sur ce que fut la barbouzerie, lui faire commettre, dans les années 2020, autant de crimes et d'attentats, en partie imputés aux islamistes... À l'heure des réseaux sociaux et de la circulation rapide de l'information, c'est hautement improbable. Certains y verront peut-être même un zeste de complotisme...
Le bouquin est sauvé par l'écriture de Jérôme Leroy, plutôt agréable à lire, et la dynamique du roman. Il y a de l'action, des retournements, des changements d'angles de vue... Tout ce qu'il faut pour entretenir l'attention du lecteur et passer un bon moment.
Un thriller facile à lire, porté par une caricature un peu trop outrancière du monde politique, qui ne m'a pas vraiment emballé.
Lien : http://michelgiraud.fr/2022/..
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critiques presse (5)
Culturebox
31 juillet 2023
Jérôme Leroy a une ligne directrice. La littérature est celle du polar politique, inventé par Jean-Patrick Manchette, et il en est l'un des dignes héritiers.
Lire la critique sur le site : Culturebox
Telerama
09 mai 2023
Les Derniers Jours des fauves est un roman noir qui se déroule en 2022, en France, pendant une pandémie, à l’approche de l’élection présidentielle. On l’aura compris, entre réalité et fiction, le décalage est ténu, comme un léger flou, ou plutôt un grincement.
Lire la critique sur le site : Telerama
LeFigaro
10 mai 2022
C’est le premier coup de génie de son nouveau roman: laisser l’imagination exercer ses qualités de folle du logis en faisant éclater toutes les références habituellement établies.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
LaCroix
24 mars 2022
En digne successeur de Frédéric H. Fajardie et de Jean-Patrick Manchette, Jérôme Leroy déroule un thriller politique autour de la macronie qui tient toutes ses promesses.
Lire la critique sur le site : LaCroix
SudOuestPresse
14 mars 2022
Dans « Les derniers jours des fauves », Jérôme Leroy travestit à peine la réalité pour moquer la foire d’empoigne à une élection présidentielle. Drôle et terrifiant.
Lire la critique sur le site : SudOuestPresse
Citations et extraits (60) Voir plus Ajouter une citation
Nathalie Séchard, cheffe des armées, grande maîtresse de l’ordre national de la Légion d’honneur, grande maîtresse de l’ordre national du Mérite, co-princesse d’Andorre, première et unique chanoinesse honoraire de la basilique Saint-Jean-de-Latran, protectrice de l’Académie française et du domaine national de Chambord, garante de la Constitution et, accessoirement, huitième présidente de la Ve République, en cet instant précis, elle baise.
Et Nathalie Séchard baise avec ardeur et bonheur.
Nathalie Séchard a toujours aimé ça, plus que le pouvoir. C’est pour cette raison qu’elle va le perdre. C’est comme pour l’argent, a-t-elle coutume de penser, quand elle ne baise pas. Les riches ne sont pas riches parce qu’ils ont un génie particulier. Les riches sont riches parce qu’ils aiment l’argent. Ils n’aiment que ça, ça en devient abstrait. Et un peu diabolique, comme tout ce qui est abstrait. Dix milliards plutôt que huit. Douze plutôt que dix. Toujours. Ça ne s’arrête jamais.
Le pouvoir aussi, il faut l’aimer pour lui-même. Il faut n’aimer que lui, ne penser qu’à lui, vivre pour lui. Pas pour ce qu’il permet de faire. Nathalie Séchard, qui baise toujours, a mesuré ces dernières années, que le pouvoir politique n’en est plus vraiment un. La présidente est à la tête d’une puissance moyenne où plus rien ne fonctionne très bien, comme dans une PME sous-traitante d’un unique commanditaire au bord de la faillite.
« J’aurais dû rester de gauche », songe-t-elle parfois, quand elle ne chevauche pas son mari.
Là, elle sent quelques picotements sur le dessus de ses mains. Chez elle, ce sont les signaux faibles annonciateurs, en général, d’un putain d’orgasme qui va déchirer sa race, et elle en a bien besoin, la présidente.
La nuit est brûlante, et ce n’est pas seulement une question d’hormones, c’est que la météo est caniculaire et que la présidente ne supporte pas la climatisation : elle a laissé ouverte la fenêtre de la chambre du Pavillon de la Lanterne. On entend des chouettes qui hululent dans le parc de la plus jolie résidence secondaire de la République.
Il convient par ailleurs que le lecteur le sache dès maintenant : cette histoire se déroulera dans une chaleur permanente, pesante, qui se moque des saisons et provoque une propension à l’émeute dans les quartiers difficiles soumis à un confinement dur depuis quinze mois, mais aussi de grands désordres dans toute la société qui prennent le plus souvent la forme de faits divers aberrants. Ils permettent de longues et pauvres discussions sur les chaînes d’informations continues dont la présidente Séchard estime qu’elles auront été le bruit de fond mortifère de son quinquennat.
Elle est de la chair à commentaires comme d’autres ont été de la chair à canon.
C’est pour chasser ce bruit de fond qu’elle préfère de plus en plus, à l’exercice d’un pouvoir fantomatique, faire l’amour et écouter Haydn, ce musicien du bonheur. Parfois, elle fait les deux en même temps, et c’est le cas maintenant, puisque derrière ses soupirs entrecoupés de gémissements impatients, on peut entendre dans la chambre obscure, la Sonate 41 en si bémol majeur avec Misora Ozaki au piano.
Bien sûr, le pouvoir, il lui en reste l’apparence. Elle a aimé les voyages officiels, elle a aimé présider les Conseils des ministres, elle a aimé les défilés du 14 Juillet, les cortèges noirs de Peugeot 5008 et puis aussi l’empressement des hommes de sa protection rapprochée.
Elle n’aime même plus ça, cette nuit.
Cette nuit, elle aime son mari en elle, et la Sonate 41 en si bémol majeur. Penser à inviter Misora Ozaki à l’Élysée, avant la fin du quinquennat.
À propos de sa sécurité rapprochée, celle assurée par le GSPR, elle a mis un certain temps à savoir qu’on lui avait donné, juste après son élection, le nom de code de « Cougar blonde ». Quand elle l’a appris, elle a encaissé. Elle était habituée à ce genre de sale plaisanterie. Alors, Never explain, never complain. Sinon, ça aurait fuité dans la presse. Trois semaines nerveusement ruineuses de polémiques crapoteuses sur les réseaux sociaux. Et toute la France qui l’aurait appelée Cougar blonde.
Elle s’est juste donné, une fois, le plaisir de faire rougir une de ses gardes du corps, une lieutenante de gendarmerie qui l’accompagnait lors d’un déplacement houleux – mais a-t-elle connu autre chose que des déplacements houleux, la présidente Séchard ? – dans une petite ville du Centre dont la sous-préfecture avait brûlé après une manifestation des Gilets Jaunes.
Il pleuvait comme il sait pleuvoir dans ces régions de mélancolie froide, de pierres grises, de toits de lauzes, de salons de coiffure aux lettrages qui ont été futuristes à la fin de la guerre d’Algérie. Ces régions peuplées par des volcans morts et par les dernières petites vieilles qui ressemblent à celles d’antan, pliées par l’ostéoporose sous un fichu noir comme si elles avaient quatre-vingt-dix ans depuis toujours et pour toujours. C’est émouvant, a songé la présidente qui a eu, dès son élection, des accès de rêveries assez fréquents qui l’inquiètent parce qu’ils sont peu compatibles avec sa fonction.
La petite ville sentait l’incendie mal éteint. La présidente écoutait sans trop les entendre les explications du sous-préfet devant les bâtiments sinistrés : ça braillait colériquement au-delà des barrières de sécurité, à une cinquantaine de mètres. Ça disait Salope. Ça disait Pute à riches. Ça disait Dehors la vieille. D’habitude, ils étaient plus polis quand même, les Gilets Jaunes. Le soir, on s’est indigné sur les plateaux de télé. On volait à son secours, pour une fois. Ce n’est pas qu’on l’aimait soudain, mais enfin, chez les journalistes assis et les politiques de tous les bords, on détestait encore plus les Gilets Jaunes.
La lieutenante de gendarmerie, une grande fille baraquée avec une queue de cheval de lycéenne, dans un tailleur pantalon noir, la main serrée sur le porte-documents en kevlar prêt à être déplié pour protéger Cougar blonde, crispait la mâchoire. Nathalie Séchard a été la première surprise de l’entendre dire :
– Ce serait un homme, ils ne parleraient pas comme ça, ces connards sexistes !
– Parce que Cougar blonde, vous trouvez ça sympa, lieutenant ? Il n’y a pas eu de femmes pour protester au GSPR ? Vous êtes quand même une vingtaine sur soixante-dix, non ?
– Madame la Présidente, je…
La semaine suivante, elle n’était plus « Cougar blonde » mais « Minerve ». Le commissaire qui commandait le GSPR connaissait la mythologie et voulait se rattraper. Minerve, la déesse de la raison : on passait d’un extrême à l’autre.
Non, décidément, la présidente qui sent maintenant la sueur perler sur son front alors qu’elle modifie légèrement sa position pour poser les mains sur les pectoraux de son mari qui la tient par les hanches, n’est plus dans cet état d’esprit qui consiste à se shooter aux apparences du pouvoir et elle n’est même pas certaine de l’avoir jamais été.
Elle a eu plus de chance que de désir dans sa conquête de l’Élysée. Mais sa chance a passé, c’est le moins qu’on puisse dire.
Ces derniers temps, elle repense souvent aux riches sur lesquels elle a voulu s’appuyer et à l’énergie mauvaise que leur donne la rage de l’accumulation. On lui a reproché de leur avoir exagérément facilité les choses depuis son élection. Ça n’est pas pour rien dans son impopularité. Pourtant, elle ne les apprécie pas. Ils ne sont pas très intéressants à fréquenter, ils sont vite arrogants avec le personnel politique depuis qu’ils comprennent qu’ils pèsent plus sur l’avenir du monde qu’une cheffe d’p tat comme elle, de surcroît mal élue face à Agnès Dorgelles, la leader du Bloc Patriotique.
Sans compter que les plus jeunes, chez les riches, ne se donnent même plus l’excuse du mécénat ou de la philanthropie. Ils sont d’une inculture terrifiante et d’une remarquable absence de compassion. Elle a refusé de le voir, avant son élection, mais il s’agit, pour la plupart, de sociopathes ou de pervers narcissiques. Ce mal qu’elle a pour les faire cracher au bassinet pour de grands projets patrimoniaux ou éducatifs, malgré tous les cadeaux fiscaux dont elle les couvre. Il en faut des sourires, des mines, des chatteries pour quelques pauvres millions mis dans la restauration d’une abbaye cistercienne ou l’implantation d’écoles de la deuxième chance dans une région industrielle qui n’a plus d’industries, mais beaucoup d’électeurs du Bloc Patriotique.
La présidente Séchard ne dit jamais qu’elle les méprise, parce qu’elle est pragmatique. Comme Minerve, protectrice du commerce et de l’industrie. Les médias sont d’une servilité rare avec les riches et on la traiterait de populiste si soudain elle changeait son fusil d’épaule et commençait à les presser comme des citrons, histoire qu’ils rendent un peu de leur fric pour aider à la relance alors que la pandémie met à genoux le pays. Mais elle a beau se rendre compte qu’ils sont moins utiles qu’un médecin réanimateur, les riches, surtout par les temps qui courent, dès qu’ils pleurnichent, elle obtempère.
Le résultat est que Nathalie Séchard préside maintenant un pays riche peuplé de pauvres.
De temps en temps, tout de même, les pauvres se mettent en colère contre les riches. Et comme elle a trop aidé les riches pour qu’ils soient encore plus riches, une de ces colères a explosé pendant son quinquennat. On ne parle plus que de la pandémie ces temps-ci, mais elle est certaine que personne n’oubliera les Gilets Jaunes. Ils lui ont plus sûrement flingué son quinquennat que le virus.
Aider les riches avait pourtant semblé un bonne idée à la présidente Séchard. Elle a misé sur une forme de rationalité du riche, à défaut d’humanité. Sur une forme d’instinct de conservation : il finirait par être tellement riche qu’il voudrait sauver ce qu’il a amassé et donc, malgré lui, contribuerait à préserver l’écosystème nécessaire à sa survie. Que les pauvres en profiteraient un peu. Que ça ruissellerait à un moment ou à un autre.
Même pas : ils se comportent comme le v
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(Les premières pages du livre)
Nathalie s’en va
Nathalie Séchard, cheffe des Armées, grande maîtresse de l’ordre national de la Légion d’honneur, grande maî¬tresse de l’ordre national du Mérite, co-princesse d’Andorre, première et unique chanoinesse honoraire de la basilique Saint-Jean-de-Latran, protectrice de l’Académie française et du domaine national de Chambord, garante de la Constitution et, accessoirement, huitième présidente de la Ve République, en cet instant précis, elle baise.
Et Nathalie Séchard baise avec ardeur et bonheur.
Nathalie Séchard a toujours aimé ça, plus que le pouvoir. C’est pour cette raison qu’elle va le perdre. C’est comme pour l’argent, a-t-elle coutume de penser, quand elle ne baise pas. Les riches ne sont pas riches parce qu’ils ont un génie particulier. Les riches sont riches parce qu’ils aiment l’argent. Ils n’aiment que ça, ça en devient abstrait. Et un peu diabolique, comme tout ce qui est abstrait. Dix milliards plutôt que huit. Douze plutôt que dix. Toujours. Ça ne s’arrête jamais.
Le pouvoir aussi, il faut l’aimer pour lui-même. Il faut n’aimer que lui, ne penser qu’à lui, vivre pour lui. Pas pour ce qu’il permet de faire. Nathalie Séchard, qui baise toujours, a mesuré ces dernières années, que le pouvoir politique n’en est plus vraiment un. La présidente est à la tête d’une puissance moyenne où plus rien ne fonctionne très bien, comme dans une PME sous-traitante d’un unique commanditaire au bord de la faillite.
« J’aurais dû rester de gauche », songe-t-elle parfois, quand elle ne chevauche pas son mari.
Là, elle sent quelques picotements sur le dessus de ses mains. Chez elle, ce sont les signaux faibles annonciateurs, en général, d’un putain d’orgasme qui va déchirer sa race, et elle en a bien besoin, la présidente.
La nuit est brûlante, et ce n’est pas seulement une question d’hormones, c’est que la météo est caniculaire et que la présidente ne supporte pas la climatisation : elle a laissé ouverte la fenêtre de la chambre du Pavillon de la Lanterne. On entend des chouettes qui hululent dans le parc de la plus jolie résidence secondaire de la République.
Il convient par ailleurs que le lecteur le sache dès maintenant : cette histoire se déroulera dans une chaleur permanente, pesante, qui se moque des saisons et provoque une propension à l’émeute dans les quartiers difficiles soumis à un confinement dur depuis quinze mois, mais aussi de grands désordres dans toute la société qui prennent le plus souvent la forme de faits divers aberrants. Ils permettent de longues et pauvres discussions sur les chaînes d’informations continues dont la présidente Séchard estime qu’elles auront été le bruit de fond mortifère de son quinquennat.
Elle est de la chair à commentaires comme d’autres ont été de la chair à canon.
C’est pour chasser ce bruit de fond qu’elle préfère de plus en plus, à l’exercice d’un pouvoir fantomatique, faire l’amour et écouter Haydn, ce musicien du bonheur. Parfois, elle fait les deux en même temps et c’est le cas maintenant, puisque derrière ses soupirs entrecoupés de gémissements impatients, on peut entendre dans la chambre obscure, la Sonate 41 en si bémol majeur avec Misora Ozaki au piano.
Bien sûr, le pouvoir, il lui en reste l’apparence. Elle a aimé les voyages officiels, elle a aimé présider les Conseils des ministres, elle a aimé les défilés du 14 Juillet, les cortèges noirs de Peugeot 5008 et puis aussi l’empressement des hommes de sa protection rapprochée.
Elle n’aime même plus ça, cette nuit.
Cette nuit, elle aime son mari en elle, et la Sonate 41 en si bémol majeur. Penser à inviter Misora Ozaki à l’Élysée, avant la fin du quinquennat.
À propos de sa sécurité rapprochée, celle assurée par le GSPR, elle a mis un certain temps à savoir qu’on lui avait donné, juste après son élection, le nom de code de « Cougar blonde ». Quand elle l’a appris, elle a encaissé. Elle était habituée à ce genre de sale plaisanterie. Alors, Never explain, never complain. Sinon, ça aurait fuité dans la presse. Trois semaines nerveusement ruineuses de polémiques crapoteuses sur les réseaux sociaux. Et toute la France qui l’aurait appelée Cougar blonde.
Elle s’est juste donné, une fois, le plaisir de faire rougir une de ses gardes du corps, une lieutenante de gendarmerie qui l’accompagnait lors d’un déplacement houleux – mais a-t-elle connu autre chose que des déplacements houleux, la présidente Séchard ? – dans une petite ville du Centre dont la sous-préfecture avait brûlé après une manifestation des Gilets Jaunes.
Il pleuvait comme il sait pleuvoir dans ces régions de mélancolie froide, de pierres grises, de toits de lauzes, de salons de coiffure aux lettrages qui ont été futuristes à la fin de la guerre d’Algérie. Ces régions peuplées par des volcans morts et par les dernières petites vieilles qui ressemblent à celles d’antan, pliées par l’ostéoporose sous un fichu noir, comme si elles avaient quatre-vingt-dix ans depuis toujours et pour toujours. C’est émouvant, a songé la présidente qui a eu, dès son élection, des accès de rêveries assez fréquents qui l’inquiètent parce qu’ils sont peu compatibles avec sa fonction.
La petite ville sentait l’incendie mal éteint. La présidente écoutait sans trop les entendre les explications du sous-préfet devant les bâtiments sinistrés : ça braillait colériquement au-delà des barrières de sécurité, à une cinquantaine de mètres. Ça disait Salope. Ça disait Pute à riches. Ça disait Dehors la vieille. D’habitude, ils étaient plus polis quand même, les Gilets Jaunes. Le soir, on s’est indigné sur les plateaux de télé. On volait à son secours, pour une fois. Ce n’est pas qu’on l’aimait soudain, mais enfin, chez les journalistes assis et les politiques de tous les bords, on détestait encore plus les Gilets Jaunes.
La lieutenante de gendarmerie, une grande fille baraquée avec une queue de cheval de lycéenne, dans un tailleur pantalon noir, la main serrée sur le porte-documents en kevlar prêt à être déplié pour protéger Cougar blonde, crispait la mâchoire. Nathalie Séchard a été la première surprise de l’entendre dire :
– Ce serait un homme, ils ne parleraient pas comme ça, ces connards sexistes !
– Parce que Cougar blonde, vous trouvez ça sympa, lieutenant ? Il n’y a pas eu de femmes pour protester au GSPR ? Vous êtes quand même une vingtaine sur soixante-dix, non ?
– Madame la Présidente, je…
La semaine suivante, elle n’était plus « Cougar Blonde » mais « Minerve ». Le commissaire qui commandait le GSPR connaissait la mythologie et voulait se rattraper. Minerve, la déesse de la raison : on passait d’un extrême à l’autre.
Non, décidément, la présidente qui sent maintenant la sueur perler sur son front alors qu’elle modifie légèrement sa position pour poser les mains sur les pectoraux de son mari qui la tient par les hanches, n’est plus dans cet état d’esprit qui consiste à se shooter aux apparences du pouvoir et elle n’est même pas certaine de l’avoir jamais été.
Elle a eu plus de chance que de désir dans sa conquête de l’Élysée. Mais sa chance a passé, c’est le moins qu’on puisse dire.
Ces derniers temps, elle repense souvent aux riches sur lesquels elle a voulu s’appuyer et à l’énergie mauvaise que leur donne la rage de l’accumulation. On lui a reproché de leur avoir exagérément facilité les choses depuis son élection. Ça n’est pas pour rien dans son impopularité. Pourtant, elle ne les apprécie pas. Ils ne sont pas très intéressants à fréquenter, ils sont vite arrogants avec le personnel politique depuis qu’ils comprennent qu’ils pèsent plus sur l’avenir du monde qu’une cheffe d’État comme elle, de surcroît mal élue face à Agnès Dorgelles, la leader du Bloc Patriotique.
Sans compter que les plus jeunes, chez les riches, ne se donnent même plus l’excuse du mécénat ou de la philanthropie. Ils sont d’une inculture terrifiante et d’une remarquable absence de compassion. Elle a refusé de le voir, avant son élection, mais il s’agit, pour la plupart, de sociopathes ou de pervers narcissiques. Ce mal qu’elle a pour les faire cracher au bassinet pour de grands projets patrimoniaux ou éducatifs, malgré tous les cadeaux fiscaux dont elle les couvre. Il en faut des sourires, des mines, des chatteries pour quelques pauvres millions mis dans la restauration d’une abbaye cistercienne ou l’implantation d’écoles de la deuxième chance dans une région industrielle qui n’a plus d’industries, mais beaucoup d’électeurs du Bloc Patriotique.
La présidente Séchard ne dit jamais qu’elle les méprise, parce qu’elle est pragmatique. Comme Minerve, protectrice du commerce et de l’industrie. Les médias sont d’une servilité rare avec les riches et on la traiterait de populiste si soudain elle changeait son fusil d’épaule et commençait à les presser comme des citrons, histoire qu’ils rendent un peu de leur fric pour aider à la relance alors que la pandémie met à genoux le pays. Mais elle a beau se rendre compte qu’ils sont moins utiles qu’un médecin réanimateur, les riches, surtout par les temps qui courent, dès qu’ils pleurnichent, elle obtempère.
Le résultat est que Nathalie Séchard préside maintenant un pays riche peuplé de pauvres.
De temps en temps, tout de même, les pauvres se mettent en colère contre les riches. Et comme elle a trop aidé les riches pour qu’ils soient encore plus riches, une de ces colères a explosé pendant son quinquennat. On ne parle plus que de la pandémie ces temps-ci, mais elle est certaine que personne n’oubliera les Gilets Jaunes. Ils lui ont plus sûrement flingué son quinquennat que le virus.
Aider les riches avait pourtant semblé une bonne idée à la présidente Séchard. Elle a misé sur une forme de rationalité du riche, à défaut d’humanité. Sur une forme d’instinct de conservation : il finirait par être tellement riche qu’il voudrait sauver ce qu’il a amassé et donc, malgré lui, contribuerait à préserver l’écosystème nécessaire à sa survie. Que les pauvres en profiteraient un peu. Que ça ruissellerait à un moment ou u
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Il pleuvait comme il sait pleuvoir dans ces régions de mélancolie froide, de pierres grises, de toits de lauzes, de salons de coiffures aux lettrages qui ont été futuristes à la fin de la guerre d'Algérie. Ces régions peuplées par des volcans morts et par les dernières petites vieilles qui ressemblent à celles d’antan, pliées par l’ostéoporose sous un fichu noir, comme si elles avaient quatre-vingt-dix ans depuis toujours et pour toujours.
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Un désastre multifactoriel sur une planète à bout de souffle ou tout était interconnectée manque d'eau allait provoquer des guerres, les guerres des migrations incontrôlables, les migrations incontrôlables des dérives autoritaires-il n'y avait qu'à écouter Agnès Dorgelles.Le système financier s'affolerait, les assurances ne pourraient plus couvrir les dégâts...
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Manerville avait plutôt imaginé que la première alerte sérieuse serait climatique. Par exemple, une canicule de trois mois sur l'Europe, 40° même la nuit, de Malmö à Palerme. Des émeutes de l'eau, des centaines de milliers de morts, des services publics débordés. Cela pouvait encore arriver d'ailleurs. Une catastrophe n'a jamais été la garantie qu'une autre n'allait pas se produire.
C'était ça, l'effondrement.
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Vidéo de Jérôme Leroy
Maître et rénovateur du roman noir français, Jean-Patrick Manchette a réinventé le genre du polar dans les années 1970 et 1980. Nicolas Herveaux invite le spécialiste Nicolas le Flahec et l'auteur Jérôme Leroy pour découvrir ou redécouvrir la vie et l'oeuvre de l'écrivain.
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