Quatre-vingt-dix ans après notre ère, l'humanité a réussi à vivre en harmonie avec son environnement. Les gens habitent dans des yourtes, les quelques rares « voitures » en circulation fonctionnent aux énergies renouvelables – et vont beaucoup moins vite –, les smartphones et compagnie ont disparu… Macha a cent sept ans et est désormais une des seules à avoir connu notre société. Il faut maintenant qu'elle témoigne, qu'elle raconte son histoire pour que plus jamais les erreurs du passé ne refassent surface.
Actuellement, ce n'est pas seulement la littérature young adult qui est à la dystopie, mais c'est toute notre société qui voit l'avenir d'un oeil sombre. Le réchauffement climatique, la montée du radicalisme et de l'islam, la question des immigrés, la politique, l'économie sont autant de sujets d'inquiétude qu'on nous rabâche.
Macha ou l'évasion fait figure d'exception. C'est presque audacieux de présenter un futur radieux, mais Jérôme Leroy l'a fait. Et si les écolos arrivaient vraiment à faire bouger les choses ? Et si on arrivait enfin à renoncer à tous nos privilèges pour se contenter de vivre simplement ? Et si on oubliait nos différends et nos différences pour non plus vivre les uns à côté des autres, mais les uns avec les autres ?
Une belle idée, vraiment.
Mais il y a quelques bémols.
J'ai trouvé ce roman un peu trop caricatural. Par exemple, la famille de Macha est terriblement clichée. L'héroïne a passé son enfance dans une famille bourgeoise et élitiste où les idées patriarcales sont si racistes et rétrogrades que l'un des grands frères est nazi, que la grande soeur milite fermement contre l'évolution de la femme dans la société, que Macha ne se sente proche que de sa mère dépressive. Finalement, les personnages qui composent cette famille ne sont là que pour être détestés : ils n'ont aucune profondeur – et ça, je l'ai regretté. Olivier n'existe que pour être haï des lecteurs, Monsieur Le Vigan n'est là que pour représenter une toute petite partie de la population française et la rendre absolument détestable. Et le monde dans lequel a grandi Macha (le nôtre) est très manichéen : il y a ceux qui sont contre l'immigration (des personnages égoïstes, hautains et prétentieux) et ceux qui sont pour (de braves gens ouverts d'esprit qui aident l'héroïne dans sa quête) ; de gentils écolos contre de méchants fascistes.
J'ai trouvé ça vraiment dommage. Si certaines personnes s'opposent à l'intégration des immigrés et votent pour Marine Le Pen, c'est qu'elles ont des raisons (qui leur paraissent valables) de penser de cette manière, de s'agripper à des valeurs qui ne sont plus partagées par l'ensemble de la société. Peut-être ne sont-elles plus rien sans ces valeurs ? Peut-être pensent-elles ainsi parce qu'on les a éduqués dans ce sens ? Peut-être veulent-elles rentrer dans un moule et appartenir à une communauté ? D'autres, sans doute, ont l'impression de perdre leur identité… En bref, il m'a semblé que ces personnes-là étaient diabolisées et ça m'a un peu dérangée. Je n'ai pas pu m'identifier à eux, ni même les considérer comme des personnages à part entière. Pour moi, ce ne sont que des représentations des idées radicales qui se développent actuellement. Rien de plus.
D'un autre côté, c'est un roman qui s'adresse à un public jeune, appelé à être les citoyens de demain. Ne faut-il pas les éduquer ? Ne faut-il pas leur montrer que les extrêmes sont mauvais, quitte à caricaturer ?
En parallèle de la jeunesse de Macha, on voit son présent, dans la Douceur. Tout est dit dans le titre : Douceur. Comme par miracle, l'homme semble être soudainement devenu une créature responsable et paisible. Il semblerait qu'il n'y ait plus de guerre, plus de racisme, plus de recherche de profit ou de gain de temps ; voire même plus de conflit du tout.
Mais aussi harmonieuse que sa relation à la nature puisse l'être, je ne pense pas qu'il soit vraiment possible que l'être humain effectue une telle évolution si rapidement. Nous ne sommes pas parfaits et nous le deviendront jamais. Nous aurons beau renoncer au confort technologique et préserver notre environnement, jamais nous ne cesserons de nous battre et de détester ceux qui ne nous ressemblent pas. Et tôt ou tard, nous finirons par renouer avec le profit – ce vieil ami.
Mais peut-être est-ce mon cynisme qui parle. Peut-être ai-je l'esprit trop formaté par cette vision de l'avenir qu'on nous inculque très tôt. Et si effectivement nous pouvions évoluer rapidement ? Et si effectivement nous parvenions à développer un esprit de tolérance et de paix à l'échelle planétaire en moins d'un siècle ?
Le futur n'existe pas, tout est encore possible.
En réalité, je ne sais trop que penser de cette lecture. Jérôme Leroy écrit vraiment bien, les chapitres se lisent très rapidement et j'ai été si happée par le roman que je suis arrivée à la fin en deux jours. Le monde de la Douceur m'a faite rêver (même s'il m'a paru caricatural et inatteignable), mais les personnages secondaires m'ont gênée (à l'exception du Capitaine, seul à avoir une attitude un peu ambiguë). C'est le principal défaut que je peux reprocher à Macha ou l'évasion : tellement de manichéisme que c'en est dérangeant.
Commenter  J’apprécie         30
C'est un roman jeunesse tout à fait lisible par les adultes et d'ailleurs, je le recommande chaudement malgré quelques écueils !
Macha a 107 ans, elle a connu le monde la Fin (l'actuel nôtre), mais l'a un peu oublié depuis que La Douceur s'est installée. Seulement, les plus jeunes ont envie de savoir, ils se font cueilleurs d'Histoires et voici comment Macha se retrouve à raconter comment elle a vécu les derniers moments de la Fin. C'est un roman à la fois : facile à lire et puissant, court, angoissant et plein d'espoir. Dans le monde de la Fin, cela ressemble à notre société actuelle, mais plus chaotique, égoïste, les extrémistes sont sur le point de prendre le pouvoir en France (tous les sondages sont en leur faveur), les Zadistes s'organisent, et Macha nous raconte alors ses dernières semaines entre sa prison dorée à N. (Nantes, même si les noms des rues, lieux sont fantaisistes, exprès, on reconnait clairement) et son arrivée dans une ZAD normande. C'est un roman d'anticpation et pour ce faire, l'auteur a volontairement grossi tous les traits. La famille (semi adoptive) de Macha fait partie de la grande bourgeoisie et en a tous les traits les plus sombres (cela me rappelle Bussi dans Un avion sans elle où les riches sont nécessairement méchants et les pauvres gentils), les zadistes sont tous des écolos pacifistes... mais il a le mérite, en forçant sur les doses, de nous faire réfléchir à notre monde actuel, et celui que nous voulons laisser à nos enfants. Il manque, cependant, une explication sur le passage de la Fin à a Douceur, on aurait aimé avoir la clé, même si je suis persuadée que la réponse à la haine, n'est pas la haine, serons-nous un jour assez nombreux pour que la violence prenne fin ?
En e, au collège ou au lycée, il me semble que ce livre serait une bonne source de discussion, décortiquer les peurs des uns, les espoirs des autres, que peut-on faire à notre niveau ? Je fais partie de ces citoyens convaincus que TOUS nos gestes ont des impacts. Certes, il n'est pas facile (voire impossible) d'être parfait, nous avons tous nos faiblesses, mais si chacun y met du sien, un monde meilleur est possible et pour cela, il faut commencer par s'y mettre SOI en arrêtant de toujours accuser le voisin de ne pas faire d'effort, c'est par l'exemple que l'on peut faire bouger les choses, pas par le mépris...
Bref, ce roman a le mérite de faire réfléchir et pour cela, il vaut le coup d'être lu.
Commenter  J’apprécie         00
cela mais de l'espoir dans notre avenir , j'espere et j'aspire à la "douceur"
Commenter  J’apprécie         00