Un grand merci à Babelio et aux éditions de l'Herne pour m'avoir permis de découvrir ces Cahiers d'anthropologie sociale, et tout particulièrement celui de juin 2013, intitulé "
Leurrer la nature".
En préambule, soulignons que ce volume rassemble les actes d'un colloque tenu au
Collège de France les 25 et 26 janvier 2012. Ce haut parrainage, conjugué à ma méconnaissance partielle des enjeux liés à la discipline et du sujet traité, m'a fait craindre une lecture difficile. Sur un plan d'abord formel, mon appétence pour cet ouvrage a été stimulée par la qualité et la clarté de sa présentation : l'introduction dressée par Hélène Artaud met en évidence trois ensembles de textes, que j'ai souhaité lire de bout en bout, et sur lesquels je ne m'étendrai pas dans le détail, préférant renvoyer le lecteur avide à ladite introduction et aux dernières pages de résumés.
Je me permets néanmoins de reprendre ici un élément directeur, emprunté à Hélène Artaud : toutes les réflexions rassemblées dans ce volume se fondent sur une structure triadique stable (leurre/leurrant/leurré), qui a vocation à dépasser "des oppositions substantielles - entre nature et culture, homme et animal, sujet et objet, réalité et fiction". L'extrême diversité des approches aussi bien que des sujets / objets observés démontrent cette "nécessaire érosion des champs disciplinaires", que "travaille ultimement la pensée du leurre".
Ces éléments introductifs me semblent nécessaires pour appréhender l'ensemble de cet ouvrage collectif. L'aridité de certains textes, notamment la contribution d'Andrea Luz Gutierrez Choquevilca, "Face-à-face interspécifiques et pièges à pensée des Quechua de Haute Amazonie", ne doit pas tant nous effrayer mais plutôt nous faire prendre conscience de nos "prédispositions culturelles" pour citer une nouvelle fois Hélène Artaud (p.152). Dans la mesure où nous ne voyons de la "complexité du monde du sujet leurré - humain ou non-humain - que ce que [notre] matrice culturelle [nous] aura prédisposés à voir", les enseignements que j'ai pu retirés de la lecture de ce corpus me semblent également imprégnés de mon "schéma culturel".
Aussi, je ne saurais conclure cette critique sans évoquer subjectivement (comme d'autres l'ont fait) quelques éléments de réflexion, tirés en premier lieu de la contribution de
Sergio Dalla Bernardina sur le "roccolo" : sur l'interprétation de la surreprésentation des membres de l'Eglise dans le monde des oiseleurs et le parallèle avec le raisonnement qu'
Alain Testart porte sur les femmes et la chasse (avec cette assertion qui depuis ne me quitte plus : "connotés du côté du sang en raison de leur physiologie, elles ne peuvent accéder directement au sang des animaux sans produire une sorte de court-circuit symbolique") puis sur le trait commun que l'auteur relève des oiseleurs professionnels : "l'inachèvement' (que je n'ai pas pu m'empêcher d'appliquer, toutes choses égales par ailleurs, à la catégorie des chasseurs titulaires d'un permis de chasse validés en France, après avoir lu quelque part que 30% d'entre eux sont "inoccupés"). Dans une toute autre mesure, je suis reconnaissante à Muriel Berthou, Julie Noirot et
Frédéric Keck pour leurs réflexions sur certaines tendances de l'art contemporain.
De cet ouvrage dense, j'espère pouvoir en tirer d'autres enseignements à la relecture et à l'approfondissement de certaines réflexions.