Poussin se soucie peu de quitter Rome et sa tranquille existence dans sa petite maison du Pincio. Il fait la sourde oreille, résiste à toutes les avances. On lui garantit qu’il ne s’engage que pour cinq ans; on lui offre mille écus pour le voyage et mille écus de gages par an, un logement commode et confortable ; on lui promet de ne le faire peindre, ni en plafond ni en voûte. M. de Chantelou ne lui impose qu’une condition : Vous ne peindrez pour personne que par ma permission; car je vous fais venir pour le roi et non pour les particuliers.
C'est à des artistes tels que lui que s'applique la devise fameuse: Le génie est une longue patience Et c'est précieusement parce qu'il repose sur un labeur incessant, sur une constante recherche du mieux que le génie de Poussin a connu cette fortune de traverser les siècles sans éclipse et de ne subir aucune de ces fluctuations de gloire, que les peintres les plus illustres, à commencer par Raphaël, ont éprouvées. Glorieux de son vivant, il l'est encore de nos jours où l'on fait si volontiers profession de démolir les vieilles renommées.
Un gentilhomme italien, rencontrant un jour Poussin dans la campagne romaine, lia conversation avec lui. Au cours de l'entretien, il lui demanda "par quelle voie il était arrivé à ce haut point d'élévation qui lui donnait un rang si considérable entre les plus grands peintres de son temps". A quoi Poussin répondit modestement: "Je n'ai rien négligé".