La poésie et l'histoire l'attirent surtout par leur côté pittoresque ou théâtral; son imagination s'exalte aux récits héroïques et son jeune crayon s'exerce à les traduire.
A treize ans, il exécute d'assez intéressantes esquisses au fusain représentant les batailles d'Arbelles, d'Issus et de Rocroy. Il serait évidemment puéril d'y rechercher des qualités de dessin que le jeune néophyte ne pouvait posséder, mais on y remarque toutefois une fougue, un sens du mouvement qui sont de bon augure.
En 1857, Henri Regnault, qui a tout juste quatorze ans, s'attaque à la glaise et sculpte, avec une précoce habileté, un cheval appartenant à l'empereur qu'il a aperçu, quelques minutes à peine, pendant une visite aux écuries de Saint-Cloud.
Il est enthousiaste de la campagne romaine qu'il parcourt à cheval avec un sculpteur de ses amis, Renaudot, devenu plus tard le mari de Maria Latini, l'original de la Salomé. La campagne romaine est merveilleuse; c'est elle qui m'impressionne le plus vivement. Et la Chapelle Sixtine! Pour moi il n'y aurait pas besoin d'autre chose à Rome. Il ne trouve pas d'expressions assez enflammées pour célébrer le génie de Michel-Ange, dont la prodigieuse force le plonge dans la stupeur: Je suis broyé, s'écrie-t-il, ce géant de Michel-Ange me laisse à moitié mort. C'est un coup de foudre que ce plafond, c'est un vrai cauchemar. En tombant du cinquième, on ne se ferait pas plus mal; c'est trop beau.
Toutes les minutes qu'il peut dérober aux ateliers de M. Lamothe et de M. Cabanel, il les consacre fiévreusement à se perfectionner lui-même, dans le sens de ses goûts propres.A ses maîtres, il emprunte la science du dessin qu'il devine indispensable et qui chez eux, comme chez tous les classiques, est poussée aux dernières limites de la minutie; mais il sent également la nécessité d'animer ces belles lignes, de réveiller cette froideur académique par la vérité de la nature vivante, spontanée, prise sur le vif.
Le voici à Rome. L'impression première est celle d'un profond désenchantement. La Ville éternelle ne correspond pas à l'idée grandiose qu'il s'en est fait. Tout lui paraît mesquin, rapetissé, étriqué. Eh quoi! c'est donc là la ville des Césars, la cité qui domina le monde!
Toutefois, ses succès d'école ne diminuent en rien ses goûts d'artiste. Comme tous les adolescents prédestinés à la peinture, il couvre ses cahiers de dessins et illustre les marges de ses livres avec des compositions, naïves encore, mais non dénuées d'habileté.