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Critique de Melpomene125


Une critique de DanD sur Lazarillo de Tormes m'a permis de retrouver dans le fond de ma bibliothèque deux livres que j'avais oubliés et qui méritent un meilleur traitement. Il s'agit du fameux Lazarillo de Tormes dont l'auteur est anonyme (édition espagnole de Francisco Rico, CATREDA, Letras hispanicas) et d'Histoire de Gil Blas de Santillane de Lesage.

Ce sont, pour moi, de bons souvenirs de lecture car j'avais bien aimé l'humour, l'impertinence et l'esprit satirique qui émanent de ces deux livres. Même si j'avais lu le texte de Lazarillo de Tormes en espagnol et que ce n'est pas ma langue natale, j'avais perçu l'essentiel de cet esprit et l'avais trouvé du meilleur goût. L'ouvrage date des années 1550 et est fondateur d'un courant littéraire qui a influencé d'autres écrivains, notamment Lesage (1715-1735), presque deux siècles après.

Histoire de Gil Blas de Santillane, dont l'auteur est français, s'inscrit dans la tradition du roman picaresque espagnol. le héros est un « picaro », qu'on pourrait traduire par voyou, un personnage qui appartient à une classe sociale pauvre et non à la noblesse ou la bourgeoisie. Il part sur la route, fréquente des brigands puis grimpe l'échelon social et finit par fréquenter la noblesse après avoir été simple valet.

Le récit amusant des aventures de Gil Blas est prétexte à une fine observation de la nature humaine et des dysfonctionnements de la société. Cet antihéros raconte avec humour son histoire comme si elle était vraie et fait partager au lecteur ses expériences, sa découverte de l'hypocrisie, de la duplicité, de l'ironie du sort, de la cruauté de l'existence et des êtres humains. Il apprend à vivre, tirer son épingle du jeu et éviter les pièges dans lesquels il était précédemment tombé afin de progresser, gagner sa vie, se sortir de la misère et pourquoi pas s'établir !

Un passage en particulier m'a marquée, celui consacré à l'état de la médecine à une époque où régnait en maître l'art de la saignée, censée soigner les malades mais qui ne faisait que hâter leur décès par hémorragie. Les techniques de la chirurgie, qui aujourd'hui sauvent des vies, tuaient systématique l'opéré car Rome ne s'est pas faite en un jour et il a fallu tuer beaucoup de patients pour que les chercheurs obtiennent un résultat. À l'époque, ils étaient donc plus perçus comme des bouchers sanguinaires et des assassins que comme des sauveurs. C'est le cas du Dr Sangrado à Valladolid (la sangre en espagnol signifie le sang). Gil Blas, au gré de ses pérégrinations, devient médecin à ses côtés et en arrive à définir la médecine comme « l'art de tuer les gens impunément » !

Gil Blas parcourt ainsi, avec le même esprit moqueur et subversif, bon nombre de professions et de catégories sociales : les brigands, les comédiennes, les intendants et, bien sûr, les institutions religieuses et royales, l'archevêque de Grenade, la Cour à Madrid, où vit son ami Fabrice, un auteur. Il côtoie enfin la crème de la société : les ministres, les ducs, tous aussi corrompus les uns que les autres. Les péripéties sont variées et les épisodes sont racontés d'une manière drôle et savoureuse.

On comprend que l'auteur de Lazarillo de Tormes ait dû rester anonyme pour éviter les ennuis, comme le risque d'aller faire un tour en prison pour avoir déplu aux puissants du pays, s'ils s'étaient reconnus ! Quant à Lesage, il n'avait pas besoin de se cacher derrière la protection de l'anonymat puisque son Gil Blas se promène en Espagne et non en France, habile stratagème. Toute ressemblance ne serait donc que fortuite !

Qu'en est-il aujourd'hui de l'art de la satire, qui pointe avec un humour corrosif les dysfonctionnements de la société ? Qui oserait transposer Gil Blas ou Lazarillo (le petit Lazare) à notre époque ? Ne devrait-il pas se cacher lui aussi ?
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