AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Seraphita


« J'attendais l'Italien, c'est Antoine qui est venu, dans le silence de la ville qui est une autre ville, lointaine et familière à la fois. » (p. 55) La neige a blanchi Paris en ce petit matin. le Jardin des Plantes n'ouvrira pas aujourd'hui, condamnant la narratrice à contempler de l'extérieur l'immensité blanche des lieux dont elle est coutumière. C'est un homme qu'elle ne connaît pas qu'elle attendait, en vain, c'est un autre – disparu depuis longtemps – qui va surgir, au fil d'une promenade qui s'étire, à l'image de l'infini des souvenirs qui jaillissent.

Dans « Un lac immense et blanc », Michèle Lesbre a réussi à étirer le temps d'une journée blanche d'hiver, à rendre la densité et l'opacité de souvenirs, en un nombre de pages extrêmement réduit. L'échec d'une rencontre improbable va ici ouvrir la narratrice à d'autres rencontres, plus intérieures, plus douloureuses peut-être, aussi, car fondées sur le souvenir de temps heureux et perdus, irrémédiablement. Elle dérive au fil des résurgences qui s'offrent à elle : les temps de sa jeunesse, mai 68 et un amour disparu, sur fond de l'immensité de la neige ; l'Italie et le temps de l'exil, la rencontre avec des Soeurs que tout sépare ce qui, paradoxalement, les unit : « Elles croyaient en un dieu auquel je ne crois pas et c'était ce qui nous rapprochait sans doute, nos tâtonnements maladroits et différents pour éviter de sombrer. Ce bel exil m'éloignait d'un chagrin prolongé, de son infertile entêtement. J'apprenais la solitude, je m'y déployais dans un champ nouveau de liberté et de désir que la ville embellissait encore. » (p. 53-54.) Restent les mots qui tentent de réunir et filer ensemble les temps qui reviennent du fond de la mémoire, des mots qui s'efforcent d'ouvrir « l'étanche barrière de silence qui se referme sur l'absence, disent le chagrin et la suite inexorable des jours, les petites démissions. » (p. 71).
L'écriture est magnifique, empreinte d'une poésie douce-amère, même si l'érudition du propos vient parfois faire obstacle à l'avancée du récit.
Commenter  J’apprécie          50



Ont apprécié cette critique (5)voir plus




{* *}