AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Pecosa


Pecosa
11 décembre 2019
Ce Beaufort-là n'a rien à voir avec le fromage au lait cru. C'est le nom d'une forteresse, ancien château médiéval en ruine situé près du village d'Arnoun au Liban, que les Croisés appelaient  « Beau fort » . Cet éperon rocheux qui offre une vue sur le sud-Liban et le nord d'Israël a toujours représenté un enjeu stratégique.
Le fort est tenu par l'O.L.P. dès 1976. Tsahal s'en empare en 1982 et renforce la forteresse. Le Hezbollah y envoie régulièrement des tirs de missiles et de mortiers.

Dans Beaufort, Ron Leshem raconte les derniers jours d'une petite unité avant que l'armée israélienne n'évacue le Liban en mai 2000. Erez Lebrati, 22 ans, commande une dizaine de très jeunes soldats venus de tous les milieux, des laïques, des religieux, des yéménites, des ashkénazes, un éthiopien, un Argentin… enfermés 24 heures sur 24 dans cette boite à sardines.
Les soldats, qui suivent des directives plus que vaines, tombent les uns après les autres. Quand ils ne doivent pas effectuer de sorties, ils se gavent de sucreries, passent leur temps à parler de sexe, à regarder des films avec Bruce Willis, ou le Roi Lion, se fichent la trouille, se vantent de leurs conquêtes, et pensent aux planqués qui se la coulent douce à Tel-Aviv.

Le récit atteint son acmé lorsque l'ordre d'évacuation reçu, les derniers soldats doivent faire exploser le camp pour éviter que le Hezbollah ne le récupère.
J'ai rarement lu un récit militaire aussi fort, écrit à la première personne, exercice casse-gueule s'il en est. J'ai même pensé qu'il était autobiographique tant l'immersion dans la forteresse paraît entière. Or l'auteur est journaliste et ce roman est le produit d'une longue enquête réalisée auprès des jeunes vétérans de l'unité.
L'âge des appelés, l'absurdité de la tâche qu'on leur a confiée (occuper le terrain et rester en vie), le nombre de morts, m'a immédiatement fait penser à la guerre du Vietnam et à l'excellent Retour à Matterhorn de Karl Marlantes, dans lequel de très jeunes hommes venus de toute l'Amérique s'acharnaient à prendre une colline, à la fortifier, et à l'abandonner.

Beaufort c'est l'ennui d'une bande de gamins d'une vingtaine d'années livrés à eux-mêmes, sous les tirs de roquettes du Hezbollah, l'intimité saisie au plus près, la promiscuité, et un avenir hypothétique pour ceux qui s'en sortiraient vivants: « C'est qu'il va bien se terminer un jour, notre centre aéré de guérilleros. Sur le terrain, on est très proches les uns des autres, puis survient l'évocation du retour à la vie civile et de la vie tout court, et alors là, on découvre que nous sommes si différents les uns des autres que c'en est incroyable »
Le style percutant, pétri d'argot, est le miroir de ce qui se passe à l'intérieur. C'est le cinquième roman israélien que je lis dont l'action se déroule dans un lieu quasi-clos, à croire que les petits espaces offrent une belle caisse de résonance.
Beaufort reste l'un des meilleurs récits de garnison et de combats que j'ai lus jusqu'ici, et le fait que l'auteur n'y ait jamais mis les pieds m'impressionne beaucoup.
Je vais quand même faire une pause en ce qui concerne ma découverte de la littérature du Proche Orient, et me tourner plutôt vers la Principauté d'Andorre ou du Bhoutan, pour un retrouver un peu de sérénité.
Commenter  J’apprécie          6313



Ont apprécié cette critique (57)voir plus




{* *}