Filles impertinentes

« Il semble qu'il m'ait fallu toute une vie pour comprendre mes parents, au long d'un chemin jalonné de surprises. Un processus mystérieux d'autant plus effrayant qu'on ne peut l'infléchir en rien, nous mène d'une adolescence féroce – on croirait que parents et enfants se tiennent chacun à un bout du champ de bataille, armes en main – à un stade où l'on peut à tout moment s'imaginer à leur place. »

Il détestait les dîners, les réceptions, les garden-parties et les pique-niques, alors qu'elle ne s'en lassait jamais. Il racontait qu'un Anglais habitant en Perse et pressé par les siens de les emmener pique-niquer hissa ses enfants sur des ânes, leur banda les yeux et leur fit faire le tour du jardin en tous sens pendant une heure. Une fois le bandeau enlevé, ils découvrirent le festin qui les attendait dans un coin de leur propre jardin. Entre-temps, l'homme s'était réfugié dans la bibliothèque. Un frère spirituel ! Ma mère ne faisait qu'en rire. "Ne t'avise pas d'essayer !" disait-elle.

C’était comme si souvent, quand meurent des vieillards – tout le monde sait qu’ils ne seraient pas morts s’ils avaient réellement eu de quoi s’occuper, s’ils s’étaient sentis désirés, si quelqu’un avait eu besoin d’eux. (p. 137)

Les femmes avaient le devoir de se sacrifier pour… (p. 133)

Mon frère est récemment venu d’Afrique me rendre visite et nous avons parlé de notre enfance, dans cette vieille chaumière en pleine brousse. Quelle chance prodigieuse ! Nous étions sur des terres qui n’avaient jamais été cultivées auparavant, dans une brousse encore épargnée par les imbéciles blancs ou noirs, entourés d’une faune sauvage, libres de vagabonder à notre guise sur des milliers d’hectares, en jouissant de notre trésor le plus précieux, la solitude… Mais notre mère restait éveillée la nuit, malade de chagrin parce que ses enfants étaient déshérités, n’étaient pas de bons petits bourgeois dans une banlieue quelconque de Londres. (p. 89)

Il est difficile pour les gens compétents, mettant toute leur volonté dans ce qu’ils entreprennent, de comprendre ceux qui sont simplement incapables de réussir. (p. 64)

Il [le père] était si bon, si généreux, elle n’avait jamais rencontré quelqu’un comme lui – mais il y avait en lui un côté détaché qu’il était difficile de supporter. Et ce détachement était lié à sa caractéristique la plus profonde, qui était une compréhension du changement, de l’impermanence. (p. 22-23)