Les contes de cupidité sont aussi nombreux que les contes de gourmandises, des étoiles hautes placées dans le paysage des livres, pour nous rappeler.
Les histoires aiment à se moquer de ceux et celles qui manquent de raisonnement face aux fortunes sonnantes et trébuchantes, qui en veulent toujours plus.
Nous devons le confesser nous sommes toujours de bons clients de ces facéties.
En voici une que peut-être les jeunes lecteurs ne connaissent pas encore.
"La ceinture de Feu".
Le titre est accrocheur, l'évocation d'un tour de taille flamboyant est séduisant.
La ceinture perdit pourtant un personnage qui voulut un jour l'acquérir à tous les prix de sa fortune.
Il était une fois un tailleur appelé Moshen.
Ce n'est pas lui qui voulut obtenir la ceinture, Moshen était un artisan modeste et sans fortune.
Où se passe l'histoire?
Agnès de Lestrade ne nous le cite pas, ce qui élargit le propos à une dimension universelle. L'illustratrice Delphine Jacquot nous laisse toutefois, dans le décor, des détails caractéristiques, les costumes certe, mais aussi des personnages tous représentés à leur fenêtre avec des longue-vues, des représentations récurrentes de lunes dans tous leurs états et des pendules qui filent dans le temps.
Il y a là une référence évidente à l'Astronomie, l'Astronomie servait au calcul du temps.
"Elle est par contre florissante dans le monde musulman à partir du ixe siècle", nous dit Wiki et les écritures alambiquées d'arabesques qui sont prêtées en décoration de fond ne détrompent pas sur l'époque ou le lieu.
Revenons à Moshen.
Le brave artisan fut sollicité un jour par un drôle de personnage qui voulut apprendre le métier.
Il avait les moyens de rémunérer Moshen en conséquence pour se former.
C'était très noble de la part de ce personnage, penserions-nous, apprendre un métier tandis que sa fortune est déja faite.
Moshen se montrait pédagogue et réclamait patience pour apprendre.
Abkir n'en avait cure et se montra surtout très impatient de réaliser son vrai projet, il ouvrit sa propre boutique.
Moshen perdit sa clientèle, les vêtements d'Akbir même coupés de travers se trouvaient moins chers. C'était l'argument de poids pour que la clientèle ne regarde pas aux fronces sauvages et à la définition du Sur-mesure toute inédite d'Akbir.
Moshen fit une proposition intéressante à son concurrent, il fallait bien qu'il fasse vivre sa famille, il demanda aussi à se faire embaucher sous ses ordres.
Agnès de Lestrade ne nous dépeint pas Moshen comme un personnage rancunier, il apparaît plutôt comme un père responsable.
En revanche, il ne pourra résister à donner la dernière pichenette qui précipitera Akbir son bienfaiteur dans le propre piège de son obsession.
Il lui promet la conception de la fabuleuse ceinture de feu.
Mais pour cela, il faudra dépenser, beaucoup dépenser, vous le verrez.
Abkir profitera d'une nouvelle leçon de patience qu'il ne pourra refuser si il veut obtenir la dite ceinture incomparable.
Le conte nous fait sourire doucement de ce pauvre Akbir qui en devient négligeant avec sa clientèle tant il est obsédé par l'acquisition de cette ceinture.
Les illustrations en aplats et joliment colorées sont agréables à l'oeil.
Et la fin?
Elle est subtile, conférant à la ceinture un double pouvoir étonnant;
Les belles choses ne sont pas diabolisées dans cette histoire comme dans un conte sur l'orgueil.
Qui n'aime pas les belles choses, après tout?
Les jeunes lecteurs seront riches d'une interprétation philosophique liée à l'objet et offerte par l'auteure en fermant l'album.
Nous y retrouveront le bon plaisir de l'artisan et du vrai commerçant, "Joie d'offrir, plaisir de recevoir".