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Bertrand Tavernier (Préfacier, etc.)
EAN : 9782917819425
385 pages
La tour verte (09/10/2017)
4.43/5   7 notes
Résumé :
Octobre 1940. Un producteur allemand, Alfred Greven, crée dans Paris occupé une société de production cinématographique, la Continental Films, où il enrôle les plus célèbres vedettes (Danielle Darrieux, Fernandel, Raimu, Harry Baur) et des cinéastes de renom (Marcel Carné, Maurice Tourneur, Henri Decoin, Henri-Georges Clouzot). Durant les quatre années d’Occupation, la Continental produit trente films, dont certains chefs d’œuvre, comme Les Inconnus dans la maison e... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Pour se faire une petite idée de ce qu'était le cinéma français sous l'Occupation, il faut regarder Laissez-passer de Bertrand Tavernier, qui dépeint dans son film les conditions de tournage sur les plateaux parisiens, entre bombardements, résistance, (l'assistant-réalisateur Jean Devaivre, les scénaristes Jean Aurenche et Paul le Chanois), « aryanisation » des studios et directives allemandes imposées par le producteur allemand Alfred Greven, directeur de la Continental-Films.

Greven est nommé par Goebbels à la tête de la Continental-Films, crée la SOGEC, société d'exploitation des réseaux de salles de cinéma, puis l'ACE, filiale de la UFA dédiée à la distribution. de février 1941 à avril 1944, la Continental produit 30 films (sur 280 durant cette même période), dont beaucoup sont des réussites: L'Assassinat du Père-Noël, Les Inconnus dans la maison, L'Assassin habite au 21, La Main du diable, le Corbeau… Pour l'occupant, le cinéma est une industrie, qui doit rapporter de l'argent et surtout divertir les masses en évitant de préférence de susciter la réflexion. Mais Greven, lui, veut travailler avec les meilleurs. Pour les metteurs en scène, actrices, comédiens, techniciens, tourner pour la Continental est un cas de conscience. Quelques-uns, comme Renoir ou Gabin, ont pu quitter la France. La majorité est restée et il faut bien gagner sa vie. Entre menaces, pressions, censure, ou ruses des intéressés (certains faisant preuve d'un grand courage, comme le Chanois, ou de beaucoup de sang froid comme Christian-Jacque, Carné, Decoin...), la Continental fait tourner Raimu, Danielle Darrieux, Maurice Tourneur…

Dans ce remarquable ouvrage, Christine Leteux nous propose un voyage au coeur du cinéma français sous contrôle allemand. C'est en parcourant les archives pour un livre consacré à Maurice Tourneur que la chercheuse découvre des milliers de pages de procès-verbaux des commissions d'épuration du cinéma qui permettent d'en finir avec les idées reçues sur cette période, de revenir sur des évènements (mal) connus de tous, comme le tournage du Corbeau de Clouzot, le voyage à Berlin organisé en 1942 pour lequel des chantages sont exercés sur une partie des acteurs, ou sur l'assassinat du comédien Harry Baur.
En choisissant de donner la parole aux femmes et aux hommes qui ont vécu « la Continental », de l'intérieur, en revenant sur la préparation, le tournage et la réception des films produits, l'auteure dresse un panorama complet de ce que fut le cinéma français sous tutelle, un cinéma populaire puisque les Français fréquentèrent avec assiduité les salles obscures, un cinéma sous cloche et pourtant parfois subversif grâce à l'ingéniosité des scénaristes et des réalisateurs. Point de manichéisme donc, et beaucoup d'interrogations quant à la personnalité assez complexe de Greven, un nazi peut-être francophile, sans doute cinéphile, inconscient parfois, qui prend des libertés avec les directives de Goebbels mais qui n'hésite pas à user de menaces et de chantage pour parvenir à ses fins.

Bertrand Tavernier qui signe l'éclairante préface de Continental Films écrit ces lignes « Oui, je l'avoue, j'ai passé un moment extraordinaire , en parcourant ce livre que je n'ai pu lâcher, qui détruit tant de clichés, rend certains comportements plus humains, certaines motivations plus complexes. » Comme Tavernier, je l'ai lu d'une traite et j'ai de nouveau visionné son Laissez-Passer, histoire de boucler la boucle.
Je remercie Babelio et les éditions La Tour Verte pour cet ouvrage reçu dans le cadre de l'Opération Masse Crique.

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Le cinéma français à l'heure allemande


Drôle d'époque que celle de l'occupation.

Drôle d'époque pour le cinéma français.

Drôle d'époque qui vit émerger de nouveaux réalisateurs et scénaristes suite au départ de nombreux anciens qui ont fui le nazisme.

Drôle d'époque qui vit se réaliser un certain nombre de chefs-d'oeuvre sous production de la "Continental films" aux ordres du producteur allemand Alfred Greven.

Drôle d'époque où la fréquentation des salles de cinéma et de théâtre n'a jamais été aussi importante.

Drôle d'époque où des artistes français acceptent de faire un voyage en Allemagne largement médiatisé, donnant l'impression de soutenir le régime nazi.

Drôle d'époque suivie d'une période d'épuration, de la chasse aux mauvais français qui ont collaboré avec l'occupant.

C'est toute cette période que nous raconte Christine Leteux.
Elle s'attache d'abord au fonctionnement de cette société de production, à la personnalité de son fondateur ainsi qu'à ceux qui ont travaillé pour elle, qu'ils soient réalisateur, acteur ou technicien. Elle aborde ensuite la création des quelques uns des 30 films réalisés par la firme allemande, en revenant plus particulièrement et en détail sur les quelques films admirables qui font maintenant, sans discussion aucune, partie du patrimoine cinématographique français.

Une étude très détaillée qui s'appuie sur les archives françaises et surtout allemandes. L'auteur utilise également beaucoup les procès-verbaux des dossiers d'épuration d'après-guerre. C'est malheureusement la seule "faiblesse" de l'ouvrage. La consultation de ces dossiers manquant de recul, d'esprit critique, les intervenants se donnant toujours le beau rôle, ne serait-ce que pour sauver leur peau.
Le livre se conclut sur la période épouvantable de l'épuration qui vit des carrières brisées à jamais mais qui, dans l'ensemble, concernant le milieu cinématographique, fut assez "indulgente".


D'ailleurs, avec le recul, il en fut ainsi, dans le monde des arts comme dans celui de l'industrie, du commerce et pour une multitude de français. L'auteure démontre, tout au long de ce livre, que certains parmi ces hommes et ces femmes, qu'ils soient réalisateurs, acteurs, scénaristes ou surtout techniciens, ont travaillé certes pour l'occupant, rarement en épousant les théories nazies mais bien avant tout pour survivre...
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Certains titres comme « L'Assassinat du Père Noël », « La Main du diable », « Premier Rendez-vous » et d'autres encore dont le plus célèbre d'entre tous : « Le Corbeau » demeurent des films emblématiques du cinéma français.
Sauf que ceux-ci furent tournés sous le label de la « Continental films » de triste mémoire.
En effet, cette société vit le jour à Paris en octobre 40 sous l'égide du producteur allemand Alfred Greven.

Christine Leteux, docteur en sciences, a écrit ce livre détaillé sur cette période sombre de l'histoire du cinéma. Cet essai a d'ailleurs reçu le Prix du Meilleur Livre Français sur le Cinéma 2017 décerné par le Syndicat français de la Critique de cinéma.
Il commence par une préface de Bertrand Tavernier que personnellement j'aurais préférée en postface après avoir lu et compris les tenants et aboutissants de cette période.

Des noms connus, d'autres moins popularisés et d'autres oubliés, des noms de metteurs en scène, de scénaristes, de décorateurs, de régisseurs, de m aquilleurs, de monteurs, de chefs opérateurs, d'actrices et acteurs sont racontés grâce aux recherches fouillées de l'auteure, d'extraits des dossiers d'épuration, de lettres, de témoignages, etc…

La manière dont se déroulaient les pressions sur les les candidats « élus » par le directeur et ses sbires, les choix difficiles, le renoncement sous le chantage et l'atteinte familiale ou privée… est racontée sans concessions en balayant aussi les clichés qui perdurent, les jugements hâtifs, les condamnations trop rapides… sans occulter les comportements troubles ou franchement collaborants.

Harry Baur, victime, double victime, nous touche et devient un symbole de l'inhumanité de cette époque, de l'antisémitisme qui demandait la preuve de la non appartenance à la race juive, de l'horreur absolue de ces années et de la difficulté de croire en l'homme (l'amitié bafouée).

Des cinéastes, des vedettes, des prises de position, des collaborations, des surveillances continues, des chantages, le voyage à Berlin en mars 42, l'opprobe sans savoir ce qui se cachait, le malaise…

L'épuration lourde pour certains, injuste parfois, trop légère voire sans sanctions, une période dont certains ne se relevèrent pas.

Ce livre nous raconte l'histoire de cette maison de productions, sa genèse, son évolution, son poids, sa disparition et ces films qui demeurent parce qu'ils sont des chefs d'oeuvre et les témoignages d'une époque.

Riche de documents, il tente d'établir la vérité sur le milieu cinématographique de ces années d'occupation.

Merci à Babelio et aux Éditions de la Tour Verte pour m'avoir permis cette lecture passionnante et instructrice.

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l'assassinat du père Noël, Les inconnus dans la maison, La main du diable, le corbeau, Pierre et Jean, La vie de plaisir. Ces classiques du cinéma français ont en commun d'avoir été produits par la Continental Films, société française dirigée par un allemand Alfred Greven, sur ordre de Goebbels. Dans son livre, Christine Leteux tord le cou à un certain nombre de clichés concernant cette période trouble de l'Occupation. Elle s'appuie sur une documentation et des archives très riches, jamais consultées jusqu'alors. Conditions de travail, pression sur les metteurs en scènes, attitude des grandes vedettes de l'époque (de Darrieux à Fernandel en passant Michel Simon), accueil des films ..., aucun détail n'est négligé dans cet ouvrage remarquable. On y trouve notamment le compte-rendu du célèbre voyage en Allemagne des artistes français qui aujourd'hui encore, à tort, constituerait une tâche sur la carrière de Danielle Darrieux. Cette période de l'Occupation, pleine de zones grises, est revisitée avec un grand souci de compréhension de Christine Leteux qui évite les jugements trop hâtifs tout en confirmant les comportements plus que douteux de certaines personnages (Simenon). Très agréable à lire et passionnant comme un thriller, Continental Films est le livre définitif sur la question et permettra, on l'espère, de ne plus entendre tout et n'importe quoi sur ce passage douloureux de notre histoire.
Lien : https://cin-phile-m-----tait..
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critiques presse (1)
NonFiction
18 juillet 2018
Le livre de Christine Leteux prolonge donc l’exploration de cet angle-mort historiographique, tout en contribuant à balayer les fantasmes sur cet épisode complexe. [...] Ce livre offre ainsi un regard à la fois neuf et complet sur la firme Continental et sur la période de l’Occupation.
Lire la critique sur le site : NonFiction
Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Les cas d'Arletty et de Mireille Balin relevaient plus de la "collaboration horizontale", que d'une quelconque collaboration artistique. Arletty affirme haut et fort avoir toujours refusé de participer à un film Continental. Elle donne d'ailleurs la liste des films qu'elle a refusés: "Pendant l'Occupation, j'ai refusé de tourner de nombreux films de la Continental (Le Dernier des Six, Vingt-cinq ans de bonheur, Les Evadés de l'an 4000 et L'Affaire des poisons...), films qui m'auraient rapporté trois ou quatre millions. (...) J'ai refusé la proposition d'Otto Abetz de quitter Paris pour Baden-Baden. Je lui ai répondu que je préférais Paris-Paris à Baden-Baden, mon affaire étant purement sentimentale et n'ayant rien de commun avec les événements politiques."
Si l'aventure d'Arletty avec Hans Jürgen Soehring est bien documentée, en revanche le destin de Mireille Balin est toujours entouré d'un certain mystère. On raconte qu'elle aurait été arrêtée près de la frontière italienne le 28 septembre 1944 avec son amant, un officier allemand. Puis on mentionne qu'elle aurait été violée et son amant assassiné. Un rapport des Renseignements généraux du 9 novembre 1945 nous raconte une toute autre histoire.
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Dès son arrivée à Paris, Alfred Greven n'a qu'un seul but: contrôler l'industrie du cinéma français du point de vue économique et artistique . Le recrutement des metteurs en scène et des stars du cinéma français pour la Continental Films n'est que la partie visible et médiatique de son activité. Il a un plan extrêmement ambitieux: créer une société verticalement intégrée qui comprendra non seulement la production de films, mais aussi l'acquisition de studios, le tirage des copies dans son laboratoire, et la distribution des films dans son propre circuit de salles, sans oublier la distribution à l'étranger.
Bien entendu, cette activité ne fait pas l'objet de la moindre publicité dans la presse. Greven fait cela en toute discrétion, en utilisant des hommes de paille de nationalité française et espagnole pour ne pas ébruiter les transactions. (...)
Greven rachète ainsi avec ses collaborateurs plusieurs circuits de salles et créé la Société de gestion et d'exploitation de cinémas (SOGEC) le 1er novembre 1940. (...) Lors de l"'aryanisation " des biens, le producteur rachète ainsi le circuit Siritzky qui comprend grand nombre de salles parisiennes, ainsi qu'au Havre, à Bordeaux, Toulouse, Nancy et Lyon. Il acquiert par la suite également le circuit Bel, composé de douze salles dans le Midi de la France.
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En plus d'un documentaire, les séances sont également pourvues d'une bande d'actualités. Le public ne semble guère goûter la propagande qui lui est servie si on en croit cette note des Renseignements généraux: "Au cours du passage d'un film d'actualités, dans le cinéma Marbeuf à Paris, représentant les bombardements de Londres, des murmures de protestation fusèrent dans la salle. Par contre, des applaudissements se firent entendre au moment où l'on passait les résultats des raids de la R.A.F sur Berlin." Seulement les démonstrations du public n'enchantent pas les occupants qui vont leur faire comprendre tout de suite ce qui est interdit: "A la sortie du cinéma, les états-civils des spectateurs furent relevés par des fonctionnaires de police allemande et la salle fut fermée par les autorités d'Occupation. "
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(A propos du roman de Simenon, Signé Picpus)

Le roman est adapté par Jean-Paul Le Chanois, qui doit tailler sur mesure le rôle du commissaire Maigret pour son interprète Albert Préjean, qu'on n'attendait pas dans le personnage. Contrairement à ce qu'on pourrait croire, Georges Simenon a beaucoup apprécié le travail de Le Chanois et lui a même écrit une lettre pour le remercier. En tant que résistant de la première heure, le scénariste prend plaisir à inclure des dialogues à double sens: "J'ai mis contre la police le maximum de choses dans mon dialogue, sans outrepasser les bornes permises, mais suffisamment pour avoir marqué le coup. Je me suis amusé à faire la chose suivante: d'avoir une chatte que j'avais appelée Déa, de façon à pouvoir dire à un moment donné: "Déa est crevée." (Marcel Déat, collaborateur notoire) Ce sont des plaisanteries innocentes qui nous faisaient plaisir." Par contre, la censure ne laisse pas passer une scène où un serveur amène une bouteille de vin en disant: "1918...Une bonne année!"
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A propos de l'Epuration et de Pierre Fresnay (lettre du directeur de théâtre et résistant Edouard Bourdet)

Il a toujours refusé de collaborer avec les organismes de la propagande ennemie, tels que Radio-Paris et n'a entretenu aucune relation avec des Allemands. Je suis en mesure d'apporter à cet égard un témoignage personnel. Comme je lui demandais en mars dernier, s'il pouvait m'aider dans les démarches que je tentais à l'égard de mon fils, Claude Bourdet, arrêté par la Gestapo, il ne me marchanda pas son concours et entre autres choses, il écrivit à un certain Dr Knochen, chef de la Gestapo de Paris, une lettre qui devait lui être portée par un industriel français qui avait été son camarade de collège. A cette occasion, Pierre Fresnay me fit cette déclaration: " C'est la première, et j'espère bien, la dernière exception que je fais à la règle que je m'étais fixée de n'avoir jamais de rapport avec un Allemand. Je suis heureux que ce soit en faveur de votre fils."
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Regard 321. Maurice Tourneur. Entretien avec Christine Leteux.
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