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sur 237 notes
“Eux, les épaves imbibées d'alcool qui ne sont plus l'ombre des fiers chasseurs qu'ils ont été, eux dont les formidables talents ne trouvent plus leur utilité dans notre assourdissante modernité, eux massacrés jusqu'à la moelle par l'une ou l'autre des merdes qui, paraît-il, viennent inévitablement avec la civilisation.”
Eux, sont les Inuits, un autre de ces peuples abusés, délaissés par “les Blancs” , qui vivent dans des conditions sanitaires dignes de 1850, que ce petit livre reintégre dans la conscience humaine.

Un cri désespéré, comme un cri d'oie sauvage, nirliit !, dans le silence du froid polaire,

Où les bêtes sont plus tendres que les hommes,

Où les enfants souffrent le plus, maman suicidée, papa alcoolique, des enfants qui ne comptent pas, conçus sous l'emprise de l'alcool, enfants violés, maltraités,
“Dix ans tout au plus, en t-shirt, il dormait en boule sur une planche devant un cabanon. Les policiers l'ont amené à l'hôpital, on va soigner son hypothermie, mais qui va soigner le reste ?”
““I used to smoke weed a long time ago.”* A long time ago, quand on a dix ans, ça veut dire quoi.”
“Il y a la petite fille aux yeux rouges, elle aime beaucoup la marijuana, elle a treize ans et pas les moyens de s'en acheter, une pipe un joint, c'est la loi de l'offre et de la demande.”

Où tout n'est pas pourtant gris,
“Elisapie, enfant adoptée, comme tant d'autres au village. C'est si simple, pour vous, l'adoption, vous avez le don de tout compliquer, mais pas l'adoption, et je vous aime tellement d'aimer les enfants des autres comme les vôtres, si simplement.”

Où tout les Blancs ne sont pas des méchants,
“Suzanne levée aux aurores chaque jour pour préparer ses célèbres sandwichs aux oeufs, vendus à l'école toute l'année pour payer des séjours au Sud à ses élèves les plus persévérants.”

Où il y a aussi des histoires d'amour, mais qui sont trop tristes......

C'est la voix douce d'une Blanche, qui témoigne sans jugement, sans apitoiement mais avec beaucoup d'amour, “j'aime les enfants, les gens, la langue, les chiens, le paysage, le soleil de minuit, les aurores boréales,...”. Une Blanche qui s'y rend chaque été pour s'occuper des enfants inuites. Une prose magnifique chargée d'émotion, d'amour, de poésie et de sensibilité pour raconter une situation inhumaine. Quel talent !
Que puis-je dire ? Crisse, ça m'a touchée, émue, profondément ! Merci Viou.

“des régiments d'outardes filent .......donnent le signal aux voyageurs qu'il est temps de rentrer, et les autres oiseaux du Sud leur emboîtent tranquillement le pas, un par un, ils s'en vont. Nirliit. « Des oies ».....


*Je fumais des joints il y a longtemps.”
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De la littérature québécoise, autant dire que je ne connais rien. Juste une incursion, délirante, en compagnie d'Aliss de Patrick Sénécal.
Avec Nirliit , direction le Grand Nord, le Nunavik, le village de Salluit, 1483 habitants.

Ce qui m'a le plus surprise, c'est le travail formel sur la langue. Une écriture organique, paradoxale : apaisée, emplie de poésie pour décrire la toundra, les fjords, puis soudain les mots s'entrechoquent, rythmés par une ponctuation très vivante, se répètent jusqu'à s'exténuer.

En fait, on sent battre le coeur de l'auteure à chaque phrase, un coeur qui vibre d'amour pour le peuple inuit, mais vibre aussi de rage à le voir sombrer dans l'assistanat, l'infantilisation, la violence et l'alcoolisme.
Juliana Léveillé-Trudel s'est crée un double de fiction pour incarner ce cri d'amour et de rage : la narratrice, blanche, pleure son ami autochtone, Eva, jetée dans un fjord par un ancien amant.
Eva a disparu mais son âme, son visage semble flotter partout dans la toundra grâce au regard et aux mots de son amie.

A travers une riche galeries de portraits, on découvre un monde inuit authentique, loin de tout cliché, sans aucun mythe folklorique qui pourrait éloigner l'auteur de son propos. On découvre le drame vécu par les jeunes, surtout les femmes, «  prises comme des sculptures en pierre en savon, un joli souvenir », séduites, rejetées, violées, battues, enceintes très jeunes, abandonnant leurs études très tôt, alcooliques … leurs beautés majestueuses fanées à vingt ans, leurs existences abimées.

" Et moi, Eva, je refuse qu'on te salisse, je refuse qu'on crache sur ta beauté, je refuse qu'on te condamne pour avoir aimé le mari d'une autre. Je refuse qu'on écrase brutalement ceux qui sont trop lumineux pour le reste du monde, je refuse qu'on empêche les étoiles de briller, je refuse qu'on force les comètes à ralentir pour ne pas faire de jaloux. Je refuse que certains trouvent que c'est bien fait pour toi, je veux te porter comme un drapeau dans les rues de Salluit, à bout de bras, je veux te jeter au visage des bien-pensants et leur hurler qu'ils ont tort, je veux que tu reviennes, Eva. "

Cela fait quinze jours que j'ai refermé Nirliit, et sa beauté rude crépite encore en moi.

Merci à Léa du Picabo River Book Club pour cette magnifique découverte.
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Comme les oies sauvages (Nirliit en langue inuite), la narratrice fait chaque année le voyage vers Salluit, dans le Grand Nord québécois. le temps d'un été sans nuit, elle quitte Montréal pour s'occuper des enfants du village, livrés à eux-mêmes pendant les vacances scolaires. Au fil du temps, cette jeune femme du Sud s'est liée d'amitié avec Eva, jeune femme de ce coin de Nord perdu dans la toundra. Mais cette année est différente. Eva n'est plus. Elle a disparu dans le fjord, accident, assassinat, personne ne sait, tout le monde s'en fiche. La narratrice s'adresse à elle, lui raconte comment la vie continue à Salluit. Ou la survie, plutôt. Salluit au taux de suicide trop élevé, aux habitants laissés-pour-compte subsistant grâce à l'assistance publique, abrutis de malbouffe, d'alcool et de drogue, qui se donnent parfois la peine de travailler mais laissent le plus souvent le boulot aux émigrés du Sud. Ceux-ci, installés à demeure ou saisonniers, viennent dans le Grand Nord chercher un salaire plus lucratif. Ils résistent rarement à la tentation de la chair fraîche. Qui est d'ailleurs peu farouche, les (parfois très) jeunes filles s'y laissent prendre, s'accrochant au maigre espoir d'un vrai amour et d'une vie meilleure. Las ! La fin de l'été sonne l'heure du déchirement. Et si beaucoup d'enfants naissent quelques mois plus tard, et que beaucoup de ces jeunes filles ne se donnent pas la peine de les élever, qu'à cela ne tienne, le village y pourvoira...
Entre rage et désespoir, la narratrice se confie à Eva, elle s'emporte contre la violence et la rudesse qui tourmentent Salluit, dont les adolescentes sont les premières victimes et les enfants les dégâts collatéraux, eux qui "appartiennent au village", c'est-à-dire à tout le monde, c'est-à-dire à personne, en tout cas personne qui les protège. Rage et désespoir donc, et lucidité, mais aussi énormément d'amour et de tendresse pour ce peuple qui se laisse mourir à petit feu, à coup d'inertie et d'existences gâchées faute d'avenir, au milieu d'une Nature grandiose.
Nirliit est autant un roman qu'un documentaire sur l'extinction silencieuse d'un peuple malmené par la "civilisation" blanche et qui semble incapable de lutter pour sa survie et celle de ses traditions. le texte met particulièrement en lumière la condition effarante des femmes et celle des enfants, encore plus révoltante. L'auteure a la formule percutante, son écriture est implacable et sans concessions mais elle est sincère, belle et âpre, puissante. Ce roman offre un témoignage nécessaire et urgent. Rage, désespoir, amour, amitié, il est un cri du coeur, un crève-coeur et au final, un coup de coeur.
En partenariat avec les Editions La Peuplade et le Picabo River Book Club, que je remercie vivement tous deux !
#picaboriverbookclub
#MarsQuébécois
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« Je me sens coupable de mon pays riche, de ma famille unie, de mon éducation, j'ai besoin d'éteindre des feux et de sauver des enfants, j'ai besoin de faire quelque chose dans ce monde pourri, j'ai besoin de courir d'une bande de laissés-pour-compte à une autre, j'ai besoin sinon je pourrais m'asseoir et pleurer ou lancer des bombes. »


Nirliit est un cri du coeur : celui de la narratrice qui, se sentant coupable de ce qu'a fait son peuple blanc à celui des Inuits, travaille avec cette communauté. « Il faut venir par les airs ; comme les oies, nirliit, je refais inlassablement le chemin du sud au nord puis du nord au sud, chaque fois que l'été revient, chaque fois que l'été se termine. » Son cri devant la beauté du paysage et des personnes qu'elle y rencontre se mue en cri de tristesse, devant la vie d'une population dont les terres ont été spoliées par les Blancs, puis que l'on a payée à ne rien faire en dédommagement. Or, « La meilleure façon de tuer un homme est de le payer à ne rien faire ». La vie des Inuits étant désormais régie par les activités des occidentaux, ils se retrouvent dépossédés de leur utilité, de leur identité et donc de sens à leur vie. On les entasse gratuitement dans des logement trop familiaux, où la promiscuité implique de trop nombreuses errances et des dérapages incontrôlés.


« Il y a de l'amour violent entre les murs de ces maisons presque identiques, il y a de la jalousie féroce, il y a confusion entre aimer et posséder, vous qui possédez beaucoup mais si peu de choses. Votre maison ne vous appartient pas. Votre terrain non-plus. Tout ça vous est gracieusement prêté par le gouvernement. N'est-ce pas qu'on est fins ? On vous pique votre territoire, mais on vous le prête après. Est-ce pour cela que vous avez tellement besoin de posséder ? Des motoneiges, des bateaux, des quads, des camions pour faire le tour d'un village de quatre rues. Pour échapper à vos maisons surpeuplées où vous vivez les uns sur les autres. Vous manquez d'espace dans votre immensité nordique. Comment se fait-il que toute cette richesse ressemble tellement au tiers-monde ? »


A force de venir chaque année, la narratrice québecquoise a ses repères qu'elle nous égraine : temporels, géographiques, humains. Elle rencontre des têtes connues, se désole de l'évolution des enfants dont elle s'occupe d'une année sur l'autre, dans ce pays où l'alcool et la drogue réchauffent ces corps, enfermés dans l'hiver éprouvant de leurs coeurs gelés, meurtris par les moeurs des envahisseurs qui ne les voient que comme une distraction : des âmes interchangeables, des corps jetables, des femmes poupée au coeur gonflé, au corps gigogne, dont les enfants ne seront jamais reconnus.


« Parce qu'on vous abandonne tout le temps, on a fait de vous des parenthèses à l'infini, des aventures que l'on vient vivre pour un temps avant de retrouver nos vies rangées du Sud ou repartir vers de nouvelles expériences qui nous semblent maintenant plus alléchantes que votre exotisme du Nord. »


Si le ton est dépité et nostalgique, c'est qu'Eva, l'amie Inuit que la narratrice retrouvait tous les ans, est décédée de cette vie dissolue, laissant derrière elle son fils Elijah.


« Ton corps dans l'eau et ton esprit partout, sur la mer, dans la toundra, au ciel jamais noir de l'été arctique, danse, Eva, danse, je dis avec le même français cassé que le tien : « je manque de toi. » »


La première partie du récit du retour de la narratrice s'adresse à Eva. C'est un pêle-mêle d'émotions, de sensations et d'images du Nord d'aujourd'hui, qui m'ont donné les grandes lignes du paysage mais n'a pas suffit à m'immerger vraiment dans sa vie et son ambiance : En se contentant d'un panorama rapide des situations rencontrées sensées planter le décor, les gens sont à peine effleurés et l'on n'a pas l'occasion de s'attacher à eux. Or l'humain, dans un roman, c'est pour moi l'essentiel. Mais par bonheur arrive la seconde partie où la narratrice s'adresse à Elijah. Celle-ci s'attache aux personnages et est plus vivante, même si elle ne peut se dépêtrer d'une certaine tristesse, comme une fatalité face à laquelle on se sent impuissant.


« Vous êtes là avec vos vies de tragédies grecques, vous feriez baver Shakespeare avec vos douleurs lancinantes et votre désespoir, et je ne sais pas comment vous faites pour endurer ça, moi qui en arrache déjà avec ma petite misère ordinaire ».


Les deux parties se complètent opportunément, s'imbriquant comme que le yin et le yang pour former un tout convainquant. Au total, ce roman est une dénonciation sensible des conséquences de la colonisation, des ravages dont se sont, une fois de plus, rendus coupables les occidentaux en s'appropriant des terres, puis en voulant compenser leurs actes par de l'argent aux populations, ce qui ne leur a appris qu'à délaisser le travail pour noyer dans l'alcool et les drogues la misère due à leur dépossession originelle.


« Ça leur fait du bien, tsé, aux Inuits, plus ils ont du sang Blanc, plus ils s'améliorent. Ça paraît déjà je trouve. » (!)


Un texte d'une belle sensibilité, tissé de douceur, de chaleur humaine et de mélancolie.
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Ce que j'ai ressenti:

***Jour et Nuit en peuple Inuit…
Eva est au centre du récit. Vivante et absente à la fois. Au coeur d'un peuple en souffrance et fantôme d'amitié. Incarnation d'un visage Inuit et disparition d'une culture ancestrale. Eva, jeune fille aimante…

Elijah est au centre des commérages. Père ou amant, qui saura vraiment? Au coeur de la vie et des tourments d'amour. Témoin de la vie et Effacement devant la peine. Elijah, future descendance…

Deux façons d'appréhender la vie du côté Nord, entre anthropologie et intimité des coeurs, nous voyageons jusqu'à Salluit. Là où la nuit ne vient pas, là où le froid rythme le quotidien, là où la toundra donne ses présents…

Julianna Léveillé-Trudel met beaucoup de coeur et de mystère dans son écriture, une sincérité désarmante, pour que l'on puisse ressentir toutes les qualités et les contradictions de cette population, entre la richesse des mots empruntés à la langue Inuit, l'Anglais et le Québécois, nous avons un joli panel qui nous emmène, tout simplement, en Evasion. Qu'il est doux de partir à l'autre bout du monde, de lire d'autres paysages éblouissants, de connaître d'autres moeurs…

« Vas-y, frappe, c'est rien à côté de ce que j'ai enduré. »

***Un coeur qui s'arrête et des oies qui s'envolent…

Je suis trop sensible, et ça me joue des tours…Des tours de sang, des loopings au coeur, des vertiges au corps…Il est difficile de lire que toute une jeunesse est désenchantée, que leur avenir se fracasse sur la violence, la drogue et l'alcool…Les seuls dérivatifs qu'on leur a proposé à leur culture, après leur avoir volé leurs terres…Du vent et de la superficialité contre la richesse de leur enseignement face à un climat rude…De la frivolité contre le froid.

J'ai trouvé Juliana Léveillé-Trudel avait une écriture incisive mais aussi une immense douceur…Un curieux mélange entre dénonciation et fascination. C'est un cri de détresse, un ultime cri d'amour et de déchirement pour que l'on prenne conscience au delà des frontières, d'une réalité brute. Et pourtant, au delà de la rudesse, il y a aussi de la tendresse, pour décrire l'enchantement qu'elle ressent à faire ses allers-retours en terre froide…Nirliit, où le vol au dessus des fjords…

« Tout le monde veut toujours entendre le sordide, le scandaleux, le juteux, le violent, le troublant. »

***Ulluriaq is born…
J'ai mis du temps à écrire cette chronique, parce que l'impact de cette lecture a été plus intense que l'on aurait pu le croire…175 pages, et un coeur en miettes, c'est le résultat de ce bouleversement…Je suis à la fois révoltée et remplie d'une douceur protectrice envers ces enfants, ceux du village, ceux qui appartiennent à tout le monde, mais que personne ne protège…Tellement de peine à voir le sort de ses jeunes filles, tellement de mal à réaliser que, encore de nos jours, de telles pratiques soient commises…J'avais une appréhension à les quitter à leur triste sort…Mais, si vous découvrez cette histoire, il se peut aussi, que la glace réchauffe vos sangs…En tout cas, Julianna Léveillé-Trudel a captivée mon attention avec ce premier roman…

J'ai ressenti une myriade d'émotions, j'espère vous en avoir fait passer quelques unes, pour que vous preniez un envol prochain pour Salluit…

« Je manque toi » Eva, et je t'admire Nirliit, petit étoile mauve de cette rentrée littéraire…



« (…), mais peut-on empêcher un coeur d'aimer? »


Ma note Plaisir de Lecture 10/10
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Salluit, « un nid de misère parfait pour nourrir une criminalité florissante et rafler année après année le titre de communauté la plus violente du Nunavik. »
La narratrice vit à Montréal.
Chaque été, elle rejoint le grand Nord pour s'occuper d'enfants à Salluit, un village canadien inuit, pourri depuis plusieurs décennies par la colonisation économique occidentale, à l'instar des communautés indiennes aux Etats-Unis.

Les populations locales ont été dépossédées de leur mode de vie ; le supermarché de la malbouffe a remplacé la chasse et la pêche traditionnelles ; le chômage, l'alcool, les armes et la promiscuité dans des logements exigus font des ravages.
Bagarres, accidents mortels, viols, suicides...

L'auteur rend bien compte de la misère, de la violence, du n'importe-quoi : les enfants qui traînent dehors, qui sont à tout le monde donc mal pris en charge, qui décrochent de l'école dès dix-onze ans ; les filles dont le destin bascule à l'aube de l'adolescence, au gré d'une grossesse (avec un local ou un 'blanc' venu travailler pour la saison), qui sombrent dans l'alcool, la drogue...

Mais l'ouvrage, bien que court, devient vite redondant, et l'on se perd parmi tous les personnages.
S'il s'agit de montrer que tout le monde est voué au même sort sinistre, c'est réussi.
C'est quand même dommage pour le lecteur. Je n'ai pas compris qui était Eva, ce qui lui était arrivé, et je me suis souvent égarée dans les tourments d'Elijah, de la femme qu'il aime, de l'homme du sud que celle-ci aime mais qui en aime finalement une autre, partie avec un autre homme...

Moins immersif, le témoignage de Julien Blanc-Gras sur son séjour en Arctique ('Briser la glace') me semble tout aussi instructif, montrant bien également la misère et la violence induits par "l'homme blanc" pour son profit, quand il détruit tout mais prétend réparer avec du fric ou des gadgets.

« [Elle] prie pour opposer la force de Dieu à celle puissante et autodestructrice des hommes de son pays, au suicide collectif à petites doses, à l'autogénocide programmé. »

« La meilleure façon de tuer un homme, c’est de le payer à ne rien faire. »
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Amoureuse des Inuits, l'auteure laisse parler son coeur écorché, son impuissance, sa rage devant la déchéance de ce peuple assisté, paresseux, devant les ravages de l'alcoolisme, les accidents mortels, les suicides, les maladies, les viols....

Elle raconte l'histoire du breton saisonnier Félix qui n'en finit pas de quitter la silencieuse Maata pendant que son chum Elijah va se consoler avec Aleisha amoureuse du beau Tayara qui rentre bourré chez Annie tous les soirs après avoir été faire la manche au centre commercial...
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Ce roman nous conte la réalité des réserves autochtones dans le nord du Québec. Nous sommes à Salluit, sur les rives de la baie d'Ungava, la narratrice, Nirliit, nous dépeint la vie dans la réserve, entre alcool, drogues, viols, prostitution, bagarres, suicides... ça ne fait pas vraiment rêver, pourtant ce témoignage est précieux, bouleversant, loin des clichés, dans une écriture, une langue vraie, très rythmée, brutale mais aussi beaucoup de sensibilité et d'amour, car d'amour il en est question dans ce livre, l'amour vrai, l'amour des enfants, l'amour de la vie. Il est aussi beaucoup question de la femme et de ses conditions.
Une lecture bouleversante, percutante dans une écriture saisissante, un roman puissant qui crépite encore en vous plusieurs jours après avoir refermé le livre.
Je le souligne c'est un premier roman, une auteure à suivre.
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Recommandé par ma libraire québécoise, Nirliit est le premier roman de Juliana Léveille-Trudel. Travaillant dans le domaine de l'éducation au Nunavik depuis 2011, elle nous parle de situations qu'elle côtoie au quotidien et cela confère au récit un accent de sincérité indéniable.

L'action se déroule à Salluit, sur les rives de la baie d'Ungava dont elle nous fait de magnifiques descriptions. Les paysages sont grandioses dans ce Nord mais la vie est rude et impitoyable, comme le climat, ce qui nous offre des pages tout en contrastes.

La narratrice revient à Salluit, s'occuper des enfants comme tous les étés. (Nirliit « oie » en inuktitut, ces grands oiseaux migrateurs.) Mais cette fois, son amie Eva n'est pas là pour l'accueillir. Disparue ? Assassinée ? Qui s'en soucie ? Elle lui manque terriblement et lui confie ses pensées, comme un compte rendu de la vie au village. Des conditions de vie inacceptables. Sans espoir, sans avenir.
Désoeuvrés, les Inuits s'abrutissent d'alcool qui réchauffe le corps et panse un temps les plaies de l'âme. L'ivresse est cause de bagarres, d'accidents, d'abus de toutes sortes... L'ennui pousse les jeunes dans les bras les uns des autres prématurément et de toutes jeunes filles mettent au monde des enfants qu'elles n'élèveront pas pour la plupart, les confiant à d'autres. "Ils appartiennent à tout le village, les enfants." Les femmes, elles, sont attirées par la peau claire des Blancs qui viennent travailler quelque temps à Salluit. Ils sont une possibilité d'ailleurs, d'une autre vie. Un peu de bonheur peut-être.

"Ils appartiennent au village, les enfants." Mais tout le monde ne les protège pas. La narratrice prend Eva à témoin et crie sa révolte et sa colère de voir le sort réservé aux filles, parfois des fillettes encore. Tout le monde sait. Tout finit toujours par se savoir. Mais on garde le silence, on fuit la vérité devant ces existences gâchées, sacrifiées.

Juliana Léveillé-Trudel raconte la vie brute des Premières Nations, ne déguise pas la réalité. Son regard est à la fois implacable et tendre, lucide et gonflé d'amour. Et cela en fait un témoignage dur, précieux et nécessaire. Sa proximité lui donne toute crédibilité et fait de son récit une lecture saisissante et indispensable. Un cri d'amour pour un peuple qui se meurt et qu'elle voudrait vivant.

Superbe.
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Voilà un petit livre hybride qui avait tout pour me plaire, mais qui m'aura au final laissé sur ma faim. Nirliit de Juliana Léveillé-Trudel m'a fait l'effet d'un de ces livres où je me retrouve en position de spectateur d'une histoire dans laquelle je n'ai jamais réussi à rentrer. RDV un peu raté. Dommage.

Livre hybride car sous un même thème et dans une même histoire, ses deux parties sont bien différentes. Dans la première, la narratrice canadienne profite d'un de ses voyages annuels en terre du Grand Nord pour nous compter la vie de ce petit village de Salluit et du peuple inuit qui l'habite. Regard émerveillé face à la beauté des paysages ; regard désolé sur un peuple de plus en plus déraciné ; regard amoureux sur ces enfants attachants qu'elle vient aider chaque été.

C'est surtout l'occasion d'évoquer Eva, l'amie disparue dont la deuxième partie, plus noire et romancée, s'attachera à suivre la vie de son fils Elijah. Une histoire d'amour qui finit mal (mais les Ritas nous avaient bien prévenu), complexe, passionnée, torturée. Avec en toile de fond, la reprise sous un angle différent de la thématique d'un peuple inuit livré à lui-même, pour le pire plus que pour le meilleur.

Si j'ai vraiment apprécié le style de l'auteure, notamment dans la première partie plus naturelle, je n'ai jamais réussi à trouver d'empathie pour chacun de ces personnages, rarement présentés sous leur meilleur jour, souvent faibles, dérangés et inactifs, et en particulier ces femmes, soit soumises soit torturées. Difficile alors d'entrer dans cette histoire dont les caractères forment le coeur.

Mais pas grave, car ce livre a déjà et heureusement trouvé son public !
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