AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782907530224
51 pages
Sables (30/11/-1)
3.83/5   15 notes
Résumé :
Dans ce texte introuvable qui n'avait pas été édité depuis plus de quarante ans, l'auteur fait entrer le Père Noël dans la plus rigoureuse histoire des mythes et révèle l'organisation profonde du rite de Noël.
Que lire après Le Père Noël suppliciéVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Rapide relecture de cet article de saison par Claude Lévi-Strauss, sur l'engouement de nos sociétés pour le Père Noël. Il a pour point de départ un fait divers qui s'est déroulé la veille de Noël de 1951 :
L'Eglise s'inquiétait de la paganisation des fêtes de Noël, qui empiétait sur l'esprit chrétien de cette commémoration. Quand on sait que Noël est un descendant de fêtes païennes utilisées l'Eglise pour promouvoir la foi, ça fait sourire. En réalité, sous le prétexte que le mensonge des parents n'est pas une méthode d'éducation, et qu'il ne peut éveiller le sentiment religieux de l'enfant, ce qui gênait réellement était que le Père Noël avait remplacé Jésus dans le coeur des enfants.
Un évêque a alors décidé d'organiser devant les jeunesses des patronages, qui y ont été volontairement associées, un autodafé du Père Noël sur le parvis de la cathédrale de Dijon : il a été pendu, puis brûlé. le but était, d'une part, de diffuser l'idée selon laquelle il n'existait pas, et que mentir aux enfants sur un mythe était les tromper en encourageant le mensonge ; et d'autre part, qu'il décrédibilisait la croyance en Dieu, en détournant l'attention du seul que l'on doit célébrer : la naissance du sauveur.


L'opinion publique s'est enflammée contre ce geste. En effet, outre le fait que tout le monde n'est pas chrétien et a le droit de croire ou célébrer ce qu'il veut, ce geste a profondément choqué la jeunesse dans son ensemble : la pendaison et le bûcher sont des actes extrêmement violents, surtout s'ils sont destinés à marquer les enfants autant que les parents. Cet holocauste (au sens de sacrifice religieux) est-il un exemple à suivre, d'humanité et de tolérance ? Finalement, les contradicteurs de ceux qui ont tenté de s'immiscer dans une tradition dont la population avait besoin - tradition qui trouvait justement sa légitimité dans ce qu'elle pouvait apporter aux gens - ont contrattaqué en ressuscitant le Père Noël sur la place de l'Hôtel de Ville ! Nous voilà rassurés, cela n'a fait que renforcer sa popularité et sa légitimité.


« Dans cette affaire, tout se passe comme si c'était l'Eglise qui adoptait un esprit critique avide de franchise et de vérité, tandis que les rationalistes se font les gardiens de la superstition. Cette apparente inversion des rôles suffit à suggérer que cette naïve affaire recouvre des réalités plus profondes. Nous sommes en présence d'une manifestation symptomatique d'une très rapide évolution des moeurs et des croyances (…). »


Cela amène à se poser quelques questions : La principale, quelles sont les raisons qui ont poussé les adultes à inventer le Père Noël ?
Et des complémentaires : Pourquoi les gens en ont besoin aujourd'hui ? Pourquoi l'Eglise en a peur ? D'où vient ce mythe ?


Dans ces 50 pages vous trouverez quelques éléments de réponse ou au moins de réflexion. Car certes, on peut trouver pas mal d'origines anciennes au personnage du Père Noël et aussi de la date du 25 décembre. Mais ça ne répond pas à la question du pourquoi avons-nous besoin de perpétuer sa tradition ? Quel est son véritable rôle social : Est-il simplement d'apporter un peu de joie aux enfants ? de faire rêver les parents en les faisant retomber en enfance ? Est-il simplement le moyen de cantonner les réclamations de jouets des enfants à une seule période de l'année, ou encore le moyen de les faire rester sage… ?
Ou bien le Père Noël représente-t-il quelque chose de plus profond dans l'imaginaire collectif ?
Vous pourrez y réfléchir avec Claude Lévy-Strauss et peut-être vous faire votre propre opinion.


Et pour vous, est-il important de perpétuer cette tradition du Père Noël, et pourquoi ? Est-ce que vous y contribuez ? Est-ce que vous avez aimé qu'on le fasse avec vous ?
Commenter  J’apprécie          4233
Gardez bien ce texte sous le coude pour Noël, quand il sera question d'ensevelir les mioches sous des cadeaux tous plus moches les uns que les autres. Au gamin pas content de ses offrandes, dites-lui que de toute façon, Noël n'est qu'un mythe chthonien destiné à apaiser les colères des morts dans l'au-delà et qu'à la limite, ce qu'il a de plus réjouissant, c'est de donner l'occasion aux adultes de se prouver mutuellement qu'ils ont franchi plein d'étapes dans la vie, pas comme ces petits cons pour qui il faut dresser un sapin de Noël et tout le bordel chaque année.


C'est pas pour ça qu'on doit pas s'amuser pour autant, si ça vous fait rire de fêter Noël, de recevoir les bribes éparses de famille, et quelques cadeaux aux intentions peu louables.
Commenter  J’apprécie          142
Quand il est question d'ethnologie, il est souvent question de sociétés éloignées de nous par les kilomètres et le mode de vie. Cet article est intéressant parce qu'il applique à nous-mêmes les techniques habituellement appliquées à d'autres.
Et ce que je retiens c'est surtout que, de fil en aiguille, on étire le raisonnement peut-être un peu trop. L'analyse de la valeur du don dans l'évolution des traditions de Noël, je suppose que c'est normal. Mais comment relier le Noël moderne avec notre rapport quasi psychanalytique à la mort.
Je dois avouer qu'en définitive, s'il est amusant de noter que les cris d'orfraie de l'Eglise quant à la paganisation de Noël ne datent pas d'hier, je suis un peu déçue de la ténuité du raisonnement de Lévi-Strauss et je garderai l'oeil ouvert pour essayer de ne pas me faire avoir par des démarches similaires dans des civilisations qui me sont moins familières.
Commenter  J’apprécie          100
Un livre accessible par sa manière d'être écrit, et qui peut se lire au détour d'un trajet ou d'un après-midi. On découvre des notions plus profondes d'analyses autour du Père Noël. Ce mythe, qui n'en est peut-être pas un, a mis à mal nombre de religions et d'individus. L'influence de la nature humaine et des sociétés est très intéressante.
Commenter  J’apprécie          10
Merci à mon prof de philo de nous avoir fait découvrir cet essai. J'ai adhéré, je pourrais le lire et le relire des milliers de fois. II est tellement bien écrit et on en apprend beaucoup.
Commenter  J’apprécie          00

Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Le Père Noël est vêtu d'écarlate : c'est un roi. Sa barbe blanche, ses fourrures et ses bottes, le traineau dans lequel il voyage, évoquent l'hiver. On l'appelle "Père" et c'est un vieillard, donc il incarne la forme bienveillante de l'autorité des anciens. Tout cela est assez clair, mais dans quelle catégorie convient-il de le ranger, du point de vue de la typologie religieuse ? Ce n'est pas un être mythique, car il n'y a pas de mythe qui rende compte de son origine et de ses fonctions ; et ce n'est pas non plus un personnage de légende puisqu'aucun récit semi-historique ne lui est attaché. En fait, cet être surnaturel et immuable, éternellement fixé dans sa forme et défini par une fonction exclusive et un retour périodique, relève plutôt de la famille des divinités ; il reçoit d'ailleurs un culte de la part des enfants, à certaines époques de l'année, sous forme de lettres et de prières ; il récompense les bons et prive les méchants. C'est la divinité d'une classe d'âge de notre société, et la seule différence entre le Père Noël et une divinité véritable est que les adultes ne croient pas en lui, bien qu'ils encouragent leurs enfants à y croire et qu'ils entretiennent cette croyance par un grand nombre de mystifications.
Le Père Noël est donc, d'abord, l'expression d'un statut différentiel entre les petits enfants d'une part, les adolescents et les adultes d'autre part. A cet égard, il se rattache à un vaste ensemble de croyances et de pratiques que les ethnologues ont étudié dans la plupart des sociétés, à savoir les rites de passage et d'initiation.
(...) Il est bien certain que rites et mythes d'initiation ont, dans les sociétés humaines, une fonction pratique : ils aident les ainés à maintenir leurs cadets dans l'ordre et l'obéissance.
(...) la grande différence entre religions antiques et religions modernes tient à ce que "les païens priaient les morts, tandis que les chrétiens prient pour les morts". Sans doute y-a-t-il loin de la prière aux morts à cette prière toute mêlée de conjurations, que chaque année nous adressons aux petits enfants - incarnation traditionnelle des morts - pour qu'ils consentent, en croyant au Père Noël, à nous aider à croire en la vie.
Commenter  J’apprécie          139
« […] il ne s’agit pas de justifier les raisons pour lesquelles le Père Noël plaît aux enfants, mais bien celles qui ont poussé les adultes à l’inventer. […] Nous sommes en présence d’une manifestation symptomatique d’une très rapide évolution des mœurs et des croyances, d’abord en France, mais aussi sans doute ailleurs. Ce n’est pas tous les jours que l’ethnologue trouve ainsi l’occasion d’observer, dans sa propre société, la croissance subite d’un rite, et même d’un culte ; d’en rechercher les causes et d’en étudier l’impact sur les autres formes de la vie religieuse ; enfin d’essayer de comprendre à quelles transformations d’ensemble, à la fois mentales et sociales, se rattachent des manifestations visibles sur lesquelles l’Eglise –forte d’une expérience traditionnelle en ces matières- ne s’est pas trompée, au moins dans la mesure où elle se bornait à leur attribuer une valeur significative. »
Commenter  J’apprécie          20
« Le Père Noël est donc, d’abord, l’expression d’un statut différentiel entre les petits enfants d’une part, les adolescents et les adultes de l’autre. A cet égard, il se rattache à un vaste ensemble de croyances et de pratiques que les ethnologues ont étudiées dans la plupart des sociétés, à savoir les rites de passages et d’initiation. »
Commenter  J’apprécie          30
C’est la divinité d’une classe d’âge de notre société (classe d’âge que la croyance au Père Noël suffit d’ailleurs à caractériser), et la seule différence entre le Père Noël et une divinité véritable est que les adultes ne croient pas en lui, bien qu’ils encouragent leurs enfants à y croire et qu’ils entretiennent cette croyance par un grand nombre de mystifications. – p.31
Commenter  J’apprécie          00
Tous ces usages qui paraissaient, il y a quelques années encore, puérils et baroques au Français visitant les États-Unis, et comme l’un des signes les plus évidents de l’incompatibilité foncière entre les deux mentalités, se sont implantés et acclimatés en France avec une aisance et une généralité qui sont une leçon à méditer pour l’historien des civilisations. – p.20
Commenter  J’apprécie          00

Videos de Claude Lévi-Strauss (78) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Claude Lévi-Strauss
Lukas Bärfuss présente "Le carton de mon père – Réflexions sur l'héritage", en librairie dès le 2 février 2024.
À la mort de son père, il y a vingt-cinq ans, Lukas Bärfuss refuse l'héritage, constitué essentiellement de dettes. Il ne garde qu'un carton, rempli d'une triste paperasse. Quand, à la faveur d'un grand rangement, il l'ouvre et passe en revue ce qu'il contient, c'est toute son enfance précaire qui défile. À la lumière de la Bible, Darwin, Claude Lévi-Strauss ou Martine Segalen, l'écrivain décortique les notions de famille et d'origine, ces obsessions dangereuses de notre civilisation. Il en profite pour évoquer les "biens jacents", ces biens sans propriétaires que sont les océans, les animaux sauvages, et surtout les déchets. Dans cet essai qui est sans doute son livre le plus personnel, Lukas Bärfuss démontre une fois encore son esprit critique acéré.
https://editionszoe.ch/livre/le-carton-de-mon-pere
Réalisation: Fran· Gremaud Tournage réalisé dans les locaux de la HKB Berne Avec le soutien de Pro Helvetia
+ Lire la suite
autres livres classés : riteVoir plus
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus


Lecteurs (47) Voir plus



Quiz Voir plus

Lévi-Strauss et son œuvre

Lévi-Strauss est mort à l'âge de...

90 ans
95 ans
100 ans
105 ans

10 questions
11 lecteurs ont répondu
Thème : Claude Lévi-StraussCréer un quiz sur ce livre

{* *}