C'est un grand livre, incontestablement, écrit par un grand homme, d'une très grande culture, qu'il faut lire comme un monument littéraire, philosophique, sociologique, un monument tellement élevé qu'il est forcément difficile de se hisser jusqu'à son sommet, tant la lecture est semée d'embûches.
Alors, du style d'abord. Des phrases très souvent longues, structurées, ponctuées à bon escient, des envolées lyriques parfois avec une richesse d'écriture devenue rarissime.
Il a été écrit en 1955 et relate des explorations ethnologiques réalisées environ vingt ans plus tôt. Je suis frappé par la pertinence et l'intemporalité de la plupart des réflexions de l'auteur. Mais, l'impression qu'il m'a laissée est celle de tristesse devant ce gâchis de l'humanité, gâchis de la conquête de Colomb en Amérique Latine, gâchis de toutes ces destructions de la nature pour du café, de l'or, des diamants, gâchis dans les souffrances quotidiennes de ces peuples primitifs, hommes, femmes, enfants.
Ce n'est que vers les pages 200 à 450 que l'auteur évoque en profondeur ces
Tristes tropiques à travers la vie des Bororo, des Nambikwara et des Tupi-Kawahib. Et là, c'est une immersion dans des modes de vie que
Claude Lévi-Strauss présente à ses lecteurs avec tellement de détails que l'on peut inévitablement ressentir l'impression de longueurs; pourtant, je crois qu'il faut comprendre ce souci de l'ethnologue d'aller au bout de sa quête.
Ce qui me paraît dommage aujourd'hui, c'est que ce texte foisonnant est sûrement peu accessible pour les plus jeunes qui manquent donc à la fois du temps et du goût d'aller explorer à la suite de l'auteur ces civilisations. Peut-être faudrait-il reprendre l'ensemble de ce monument, le toiletter, l'alléger pour le rendre attractif et en faire une outil pédagogique.
Pour terminer cette appréciation personnelle, j'ai beaucoup aimé les descriptions de la nature, curieusement de la mer et de la montagne que je n'attendais pas dans cette oeuvre, de la forêt et je reste sur un goût de trop peu dans ces développements descriptifs.
En revanche, c'est vraiment très, très long et certaines digressions n'enrichissent pas, me semble-t-il, cette
oeuvre si importante par sa dimension humaine et souvent divine.