Opposant être et sujet, sujet à sujet, temps à mémoire, espace et transparence, le philosophe de l'un-pour-l'autre revisite la phénoménologie en un vertigineux tour d'horizon qui est aussi un tour de force. Sans ériger de système, avec la modestie d'un discours original qui sape les concepts les plus glorieusement établis depuis l'aube de la philosophie occidentale, Autrement qu'être ambitionne rien moins que de nous découvrir ce qui se passe avant que tout arrive, autre chose que le monde qui vient à exister, et ce que signifier veut dire. Emmanuel Levinas indique allusivement que le fugitif objet de sa recherche pourrait évoquer l'Un des pré-socratiques, le Bien, source de lumière platonicienne, ou l'éternel défi du scepticisme à la pensée triomphale. Au bord des gouffres de l'indicible, réhabilitant la sensibilité qui m'assujettit, il identifie l'autre dans sa proximité, qui, sans se perdre en moi-même, requiert la substitution, l'autre qui m'accuse comme le clair-obscur accuse les traits d'un visage. Assez miraculeusement, à partir de cet impalpable "au-delà de l'essence", Levinas recrée le panorama des notions universelles, touche à tout ce qui se dit et remet en question l'idée même de sens. La conclusion en choral fugué reprend les thèmes et, réfutant toute utopie, résout l'altérité des proches dans une harmonie politique fondamentale, toujours encore à construire.
l'homme moderne se prend pour un être d'entre les êtres, alors que sa modernité éclate comme une impossibilité de demeurer chez soi
Il faut que dans la temporalisation récupérable, sans temps perdu, sans temps à perdre […] se signale un laps de temps sans retour, une diachronie réfractaire à toute synchronisation, une diachronie transcendante.
La trace se dessine et s’efface dans le visage comme l’équivoque d’un dire et module ainsi la modalité même du Transcendant.
la poésie du monde n'est-elle pas antérieure à la vérité des choses et inséparable de la proximité par excellence, de celle du prochain ou de la proximité du prochain par excellence. (p.122)
Jostein Gaarder fut au hit-parade des écrits philosophiques rendus accessibles au plus grand nombre avec un livre paru en 1995. Lequel?