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EAN : 9782268065335
201 pages
Les Editions du Rocher (05/06/2008)
2.62/5   4 notes
Résumé :
1957 : un jeune homme de vingt ans succède à Christian Dior, roi de la Haute Couture. Yves Saint Laurent va bouleverser la mode, hisser le prêt-à-porter au niveau d'un art, imposer son style à la rue. C'est le dernier prince de l'élégance et le premier des mass-modistes. Il habille l'époque qui l'habite : révolution sexuelle, revendication homosexuelle, libération de la femme, rien ne lui échappe. Vingt ans .à l'avance, il décrypte notre façon de vivre d'aujourd'hui... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Tout au long de la biographie on ressent un homme qui souffre constamment. Qui souffre de vivre, d'être incompris, de respirer, de créer aussi, d'aimer. Un homme vraiment à fleur de peau qui laissera son empreinte sur le monde avec flegme. J'ai beaucoup aimé !
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Pour accentuer la provocation, Saint Laurent répand les mannequins noirs dans un monde qui n’y était pas encore habitué. Une ancienne se souviendra : « Elles avaient les cheveux trop frisés, les jambes trop maigres. Mais elles étaient divines. On nous traitait de racistes à l’envers parce qu’il n’y avait pratiquement pas de Blanches. »

En même temps, le rose shocking « pète » mieux sur une peau noire, et ces modèles plaisent au maître par leurs bustes plats, leurs épaules carrées, leurs jambes interminables. L’antithèse de la « femme femme » de papa Christian, en quelque sorte : « Les mannequins noirs ont le privilège d’avoir des proportions et des gestes particulièrement modernes. Ils s’adaptent parfaitement à ce que je veux, et je dois dire qu’ils m’ont toujours énormément apporté. J’aime la lumière qu’ils donnent aux tissus. Je pense que la profondeur de la couleur de leur peau fait ressortir davantage l’intensité des couleurs. Ils ne m’ont jamais déçu. J’aime leur expression, l’éclat de leurs yeux, leurs lignes longues et la souplesse irrésistible de leur manière de bouger. Elles possèdent pour moi ce qu’il y a de plus magique chez une femme. Le mystère. Pas le vieux mystère des femmes fatales, mais le mystère dynamique d’une femme d’aujourd’hui[…] »

La « femme contemporaine » a en effet une morphologie particulière. Il y a un « corps Saint Laurent ». Il a commencé à se dessiner dès l’hiver 1959 chez Dior encore. « Une longue souple créature née du même souffle que les nymphes de Botticelli, pareille aux filles fleurs de l’Ombrie », notait alors la critique. La silhouette va se préciser par la suite. Saint Laurent lancera la mode des mannequins étiques, qui porteront ses pantalons sans les remplir. Ils atteignent « la limite de mort par dénutrition », selon Barjavel. L’aboutissement de ce lean look en 1975 met le romancier en verve : « On ne nous montre plus de seins parce qu’il n’y a plus de seins. Chaque année, quand je retourne chez Saint Laurent, je me demande si les filles dévouées qui lui servent de mannequins auront réussi à maigrir encore un peu. Eh bien oui. Une année viendra où il n’en restera plus rien. Les robes de crêpe dont les pointes flottent sans poids défileront sur leurs fantômes. Cette année, elles ont permis à leur maître de construire autour d’elles des tailleurs totalement masculins, sans plus aucune trace d’obstacles constitués par la poitrine, les hanches ou les fesses. Nous aimerions voir quelque courbe. Hélas, c’est plat ou même creux. Où nos pauvres mains vont-elles pouvoir se poser ?  »
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La femme rendue à sa force primitive, à sa séduction brute, à ses gestes que transcrit une ligne nette. La femme débarrassée de ses ornements, de ses afféteries, de ses roses et de ses bouillonnés, c’est-à-dire du regard tyrannique et bêta que la société portait traditionnellement sur elle. Débarrassée aussi de ses rôles esthétique, social, moral, sexuel. Tel est le sens de la « simplicité » de Saint Laurent, de la « sobriété » qu’il cherche toujours plus. « La beauté ? Aucun intérêt. Ce qui compte, c’est la séduction, le choc. Ce qu’on ressent.  »
[…]
Il déteste aussi les gants, les chapeaux, les diamants, la mode de 1947 à 1964. La femme Saint Laurent ne porte jamais de sac à main, juste un paquet de cigarettes. L’enfant aux doigts d’or tue ainsi son père Christian Dior, en se moquant de ses élégantes qui portaient leur sac au bout de leur bras comme un cabas : « Il ne leur manquait que les poireaux. »

L’esthétique, le social et le politique se mêlent dans cette aversion méprisante, où Yves englobe également « les cheftaines, les bonnes grosses, les sportives ». La rive gauche est exclusive.

Ainsi débarrassée (« libérée »), la femme Saint Laurent doit s’affirmer. Une réclame pour le parfum Rive Gauche montre en 1971 une rousse outrageusement maquillée qui manque d’écraser un policier avant de se goinfrer de gâteau à la crème. Commentaire : « Il fut un temps où les femmes étaient dociles, soumises… Comme elles savaient bien rester à leur place ! Rive Gauche n’est pas un parfum pour les femmes effacées. »

Bien entendu, la femme Saint Laurent doit aussi se libérer sexuellement. L’époque est à cela. La loi Neuwirth a autorisé la vente de la pilule. On édite des manuels d’éducation sexuelle et des encyclopédies érotiques, Sexus, d’Henry Miller, se vend comme des petits pains, Sylvia Kristel incarne Emmanuelle au cinéma, Jane Birkin chante 69, année érotique, plus personne ne veut mourir idiot. En ces années-là, Yves fréquente beaucoup Marrakech et ses vergers d’abricotiers, il y rencontre la femme de Paul Getty, Talitha, une Batave déjantée née à Bali, il bavarde des nuits entières avec ses copines-copains, les filiformes Betty Catroux et Loulou de La Falaise, on fume de l’herbe, on porte des foulards indiens. 
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Cette femme, il l’observe d’un œil chaste, non pas froid, mais sans désir. Il ne l’envisage que comme catalyseur de rêve, chalut à sensations, bourgeon d’idée, support à tissus, en attendant qu’elle épouse ses vêtements et qu’elle les enfante en même temps. Et c’est à ce moment que Saint Laurent va trouver un paradoxe de génie. Pour qu’elle puisse s’exprimer, cette femme moderne, qu’elle se trouve à l’aise dans les vêtements qu’elle habite, il va l’habiller comme un homme. Sans craindre de l’enlaidir ni de la trahir. Il part en effet du principe que : « La féminité est dans la femme, pas dans ce qu’elle porte. »

Donc une femme féminine sera féminine en pantalon ! Donc le couturier mise à fond sur le pantalon à un moment où cela soulève pourtant des polémiques interminables. C’est l’époque où Stone chante : « Est-ce une fille ou un garçon ? un garçon aux cheveux longs ? ou une fille en pantalon ? C’est là la question. »
[…]
Le tailleur-pantalon, lui, représente une révolution de masse. Le city pants, qui s’arrache comme des petits pains, inspire des confidences : « Enfin le droit de desserrer les genoux ailleurs qu’aux toilettes ou chez le gynécologue ! »

Ainsi Saint Laurent habille-t-il une nouvelle manière de se tenir qui devient vite majoritaire. Il s’arrange en effet pour que ses costumes, à la différence de la minijupe, par exemple, puissent être portés sans distinction d’âge ni de silhouette. Il lui suffit pour cela de démoder le vieux concept d’élégance pour le remplacer par celui de séduction : « Une façon de vivre, plutôt que de s’habiller. »

Mais attention. Il se méfie de celles qui voudraient transformer la mode en idéologie. Il refuse de nier les femmes ou de les empêcher de plaire : « Une femme n’est séduisante en pantalon que si elle le porte avec toute sa féminité. Pas comme George Sand. Un pantalon, c’est une coquetterie, un charme supplémentaire, pas un signe d’égalité ou d’affranchissement. La liberté et l’égalité ne s’achètent pas avec une culotte, c’est un état d’esprit. »

Aussi est-ce en observant concrètement les gestes et l’allure des « femmes modernes » qu’il promeut de nouvelles manières de s’habiller.
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« De Gaulle mettra quatre ans à solder les comptes de l’après-guerre en liquidant l’Algérie, mais il fera aussi de la France, politiquement et militairement, la première puissance d’Europe occidentale, la deuxième économiquement, et lui rendra son indépendance. En 1966 Saint Laurent lance ses boutiques Rive Gauche. Une idée génialement simple, une révolution : il s’agit de mettre la haute couture à portée de toutes grâce au prêt-à-porter. C’est le succès d’un jeune entrepreneur dans une France entreprenante et jeune, en qui le monde entier a confiance. En 1968, le franc s’échangera à parité avec le mark, et au plus fort des agitations parisiennes, les commerçants d’Europe l’acceptent tranquillement, à l’intégralité de sa valeur. D’ailleurs, malgré un mois d’inaction, les ventes de Saint Laurent montent. (Celles du vin de Champagne aussi, entre parenthèses. C’est plus qu’un symbole, un pronostic. Ceux qui prétendent combattre la société de consommation en font le lit.) 
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Forme, rigueur, respect des rituels et des codes : est-ce cela qui a instinctivement séduit Mishima en Saint Laurent lorsqu’il l’a rencontré, à Tokyo, en 1963 ? Le grand écrivain nippon s’est-il senti une parenté avec l’extraordinaire jeune homme qui montrait pour la première fois ses œuvres au Japon ? Une parenté intellectuelle, esthétique, morale, sensuelle ? Il a au moins détecté quelque chose d’extraordinaire dans ce corps allongé enfermant un esprit carré, cette silhouette de poulain pas encore débourré masquant la volonté et l’orgueil d’un empereur. Et il lui a consacré plusieurs pages de L’École de la chair. On y voit le couturier harassé, accablé par le retard que les douanes font subir à sa collection, pleurant comme une Madeleine, puis se reprenant pour mener de main de maître ses modèles « aux manières de poissons rouges enfermés dans un bocal ». Jaugeant Yves à travers cette crise, Mishima l’appelle « l’enfant aux nerfs d’acier ».
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