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Critique de CarlmariaB


C'est du travail manuel précaire non qualifié, donc pas du bullshit job au sens de David Graeber. Un monde dans lequel l'uberisation n'a pas de sens car uber ne saurait pas faire pire. En commun avec les jobs du secteur tertiaire de Graeber : le sens s'est échappé. Levison raconte ce qu'aurait pu être la vie professionnelle d'Estragon (ou de Vladimir ?) en pénible. On le descend par le plafond dans une pièce close, il y a un trou dans un coin, une pelle en caoutchouc, une barre entre deux murs au-dessus de sa tête. le plafond se referme, sans explication. Et puis plus rien. Soudain le plafond s'ouvre, quelqu'un gueule « plaque toi au mur » et le contenu d'un chalut entier lui est déversé sur la tête, des milliers de poissons vivants gigotants et luisants dans lesquels il est enseveli jusqu'au cou. A lui de les faire passer dans le trou avec la pelle. Il comprend à quoi sert la barre au dessus de sa tête : s'il y avait davantage de poissons ou s'il mesurait 20 cm de moins... Se suspendre la prochaine fois que ça s'ouvre, donc. Et la prochaine fois…. C'est une autre variété de poissons, dont les nageoires sont hérissées de piquants… les boulots, tous plus horribles et absurdes, s'enchaînent et on vibre et on rit de la tragédie du travail, on se délecte de la subjectivité railleuse du narrateur. le meilleur moment du travail, c'est pas la paye, c'est la démission. La liberté est toujours à sa portée ; elle lui est enlevée avec son dernier dollar. Comme dans la métaphore du poisson frit de Graeber (-je suis ébéniste, -allez donc faire frire le poisson), il est toujours engagé dans un job pour lequel il n'est pas qualifié, et c'est même ce que les recruteurs préfèrent chez lui, son incompétence, la clef de son succès dans les entretiens. A la différence d'Hilsenrath il n'écrit pas un roman, il n'écrit pas de poèmes comme le regretté Joseph Ponthus, il n'apprend pas à écrire comme Martin Eden, il ne joue pas aux courses comme Bukowski, et c'est là qu'il est moderne : il ne fait rien d'autre que des boulots de merde. Un chef d'oeuvre.
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