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Critique de mumuboc


Ce premier roman de Phillip Lewis est pour moi une belle découverte et une réussite. Je me suis laissée porter dès les premières pages par le narrateur, Henry Aster Junior, qui revient sur l'histoire de sa famille. Les origines de ses grand-parents, fermiers pauvres, pauvreté dont son père Henry, a pu s'extraire et lorsque sa mère Maddy montrera des signes de faiblesse, décidera d'acheter une sinistre maison là-bas, où il s' installe avec sa femme Eleonore, son fils Henry Junior et où naîtra, neuf ans plus tard, sa fille Threnody (Bird).

Depuis qu'un drame s'est déroulé dans cette bâtisse (maison-vautour), elle est  inhabitée, voir hantée et considérée par les villageois comme maudite, nous sommes dans l'Amérique profonde, rurale, mais elle possède une immense bibliothèque qui décidera Henry Aster à l'acquérir malgré tout. En effet celui-ci en dehors de son métier d'avocat se rêve écrivain, travaillant à l'écriture du Roman de sa vie, mais aussi un lecteur passionné. Il a presque lu tous les livres qu'elle abrite et est même capable d'identifier un roman à l'écoute d'un passage.

Les livres et la musique vont tenir une place très importante dans la vie de cette famille, à la différence de la génération précédente, plus terrienne, mais où on se parle peu, où les sentiments sont peu évoqués, exprimés. Il y a toujours une certaine distance maintenue entre parents et enfants.

J'ai ressenti dès le début de ma lecture une souffrance portée par le narrateur. La disparition de ce père sans explication, sans motif apparent, qui était son modèle, son phare, son mentor, dont il admirait sa capacité de travail, sa culture, mais qui restait un mystère :

Il me manquera quand je lui aurai pardonné. (p154)
La maison deviendra le symbole de cette douleur et il n'aura qu'une envie c'est de s'en éloigner, malgré l'amour qu'il porte à sa mère et sa soeur. Il n'aura de cesse de se tenir éloigner de Old Buckram*

Il lui faudra pourtant y revenir, accompagné de Story, le jeune fille qu'il aime, afin d'être en paix avec cet absent, d'honorer la promesse faite à sa soeur et pour comprendre que l'on ne peut se construire qu'en comprenant son passé et celui de sa famille.

A la pensée de tout ce qui avait mal tourné, j'éprouvais une amertume mêlée de haine à cause de son absence dans ma vie, de mon incapacité à le comprendre et de son indifférence envers mon incapacité à le comprendre. (p161)
Dans ce récit les livres, l'écriture tiennent une grande place.

C'était une règle dans notre famille que nul ne se déplace jamais sans un livre.
J'ai été très touchée par ses trois générations :

- les grand-parents, couple très uni, très pauvre, dont un seul des cinq enfants ne travaillera pas la terre

- les parents (partie la plus captivante pour moi) dont la figure marquante est ce père sombre depuis la mort de sa mère, s'enfermant des nuits entière à lire ou écrire, buvant beaucoup, trop, dépressif, maniaque quand il s'agit des livres qui l'entourent, ne refusant pas la présence de son fils dans le lieu mais veillant à ce qu'il en fasse bon usage. Sa mère, passionnée par la nature, les fleurs, les animaux est discrète, effacée, attentive à son mari et ses enfants.

- le fils et sa quête de comprendre l'absence de son père, de se construire mais gardant en lui les préceptes de celui-ci, ce père, cet inconnu, si présent même dans l'absence.  Plus il cherche à s'éloigner de celui-ci plus il s'en rapproche et lui ressemble. Etudes similaires, difficulté à exprimer ses sentiments, retour vers la terre natale.

J'ai trouvé que le parallèle fait entre la recherche de son père biologique par Story, la petite amie de Henry Junior, et sa recherche personnelle de savoir qui était son père, que lui connaît était très intéressant. Lui a compris les évidences que Story ne voulait pas voir, mais se voilait sur ce qu'il avait vu ou était sous ses yeux.

La littérature est omniprésente dans ce récit : les livres, comme je l'ai dit, mais aussi l'ignorance, l'inculture, la peur en particulier à travers le personnage du prêtre, poussant à la haine et à l'autodafé des livres de Faulkner en place publique et contre lequel le père d'Henry entrera en révolte :

Avant de brûler des livres, ouvrez-les au moins, et jugez par vous-mêmes. 
C'est très bien écrit mais ce qui m'a le plus touchée c'est ce père, Henry, cet être tourmenté, taiseux, complexe, absent parmi les siens mais pouvant se révolter contre l'ignorance, l'injustice, lecteur passionné, initiant son fils à la littérature, à la musique mais incapable d'exprimer de l'amour à celui-ci.

Certains personnages sont assez caricaturaux en particulier les parents adoptifs de Story, le "beauf" riche et la poupée Barbie, mais tellement à l'opposé ce que le narrateur a pu connaître auparavant. Et pourquoi dans autant de romans est-il nécessaire de trouver la présence de l'alcool, jusqu'aux marques de bière, à presque toutes les pages....

Je pense qu'il y a peut être quelques problèmes au niveau de la traduction, la construction de certaines phrases nécessitant parfois d'y revenir, l'emploi à quelques pages de distance d'un même terme, peu usité (par exemple cryptique....), peut-être quelques longueurs mais sûrement représentant les tergiversations du narrateur en quête de réponse.

Mais j'ai passé malgré tout un joli moment de lecture dans cet univers familial où les mots sont moins dits que lus ou écrits.

J'ai pensé à plusieurs reprises que ce roman pouvait être en partie autobiographique....

*bruckram : grossière étoffe de lin ou de coton raidie à la colle ou une substance similaire, et notamment utilisée pour fabriquer des couvertures de livres.

Lien : http://mumudanslebocage.word..
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