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EAN : 9782757851517
236 pages
Points (12/03/2015)
4.02/5   25 notes
Résumé :

Partout dans le monde, à toutes les époques, les hommes ont cherché à entrer en contact avec les esprits par l'intermédiaire des chamanes et de leurs voyages pendant la transe. Il était donc légitime de chercher à discerner la part de ces pratiques dans l'art préhistorique des cavernes. Paru en 1996, le livre Les Chamanes de la préhistoire a fait date : sans constituer le chamanisme en explication unique, ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
A la fin des années 90 l'étude des ( plutôt les tentatives d'études ) des religions préhistoriques connaît un réel essor ...
Auparavant les thèses officielles tendaient à dire que le sujet était dans une très large mesure impossible à appréhender : cf. par exemple : Les religions de la préhistoire : Paléolithique ( de Gournan ) , si vous lisez ce livre ( au premier abord ) frustrant vous " entendrez " l'auteur dire à chaque page qu'il est le plus fréquemment impossible de se pencher sur le sujet ... il a des arguments ...
Mais il est en grande partie dans l'erreur ...
D'ailleurs lui-même a mis en lumière le fait que l'art paléolithique européen est un langage ..
Je recommande la lecture de ce livre pour réaliser à quel point il est difficile de dégager du sens ( de classer tout simplement! ) les données sur la presque totalité des sites archéologiques dans le but de dégager du sens religieux ...
Jean clottes et d'autres ont donc fait un travail salutaire en décidant d'explorer les pistes chamaniques ..
Fondamentalement l'idée c'est : presque tous les peuples de chasseurs cueilleurs s'expriment religieusement par des religions chamaniques ... beaucoup de peuples de chasseurs cueilleurs se sont exprimés par des peintures sur roches et beaucoup continuent de le faire ( quelquefois en plein air comme dans le Portugal préhistorique ) ..
La démarche de l'auteur repose en partie sur l'énoncé suivant : " ce que font les peuples chamaniques aujourd'hui les hommes de Lascaux le faisait aussi !!! "
Perso j'ai dû dans le cadre d'un certificat d'histoire des religions me pencher entre autres sur le chamanisme des Bouriates de Sibérie ...
Ce que j'en ai retenu ( par comparaison ) c'est que les pratiques chamaniques ont des possibilités de déclinaisons multiples et qu'elles peuvent s'intégrer dans des religions plus complexes avec panthéons .. rituels et clergé ...
Par ailleurs si on se concentre sur la zone refuge des populations pendant les maximums glaciaires ( Espagne atlantique et le sud-ouest de la France ... )
On ne manque pas de constater que nous sommes en face d'une aire culturelle commune ( très probable ) dont les expressions ont varié sur des centaines de siècles et il est probable que ces images ont certainement possédées des valeurs sémiologiques différentes pour les populations préhistoriques qui se sont succédées dans ce territoire ( qui sait combien de sites ( et combien de fois ) ont été oubliés et redécouverts ... )
L'histoire des religions anciennes et les approches historiques sur la longue durée et la continuité variable ( un champ historique spécialisé ) .. enseigne que le conservatisme est une tendance forte dans les groupes religieux mais que sous l'apparence du conservatisme ( par exemple iconographique ) les contenus rituels et dogmatiques évoluent grandement ( pression du milieu naturel ou social ......)
Pour ce qui est des cultures paléolithiques européennes ont doit souligner que les représentations humaines sont très rares ( encore plus rarement imputables à des essais figuratifs de chamanes et quelquefois ce qui a l'air indubitablement humain ne l'est peut-être pas ) et une partie significative de ces représentations sont en rapport avec des figurations clairement liés au symbolisme de la fécondité ( au niveau primaire ( vulves et autres ) ou secondaire ( affrontement de bisons pendant le rut )) ...
Il est probable ( fait démontré ) que des femmes avaient accès aux sanctuaires ( certains du moins et pour l'instant ) ..
Elles y peignaient peut être car quelquefois elles laissaient la marque de leur mains ...
Quand le réchauffement du climat ( fin du paléolithique ) a modifié la donne (( segmentations des peuplements ( et segmentation ethniques ? ) ... dispersions et multiplication du matériel portatif ... )) les figurations de la fécondité féminine occupent une place toujours significative mais le sexe masculin ( au sens propre ) est en pleine floraison figurative ...
La femme fertile se stylise à la fin de l'art pariétal mais elle garde un aspect fécond sur dimensionné ...
Décréter que le culte des déesses mère et fécondes ( et de la fécondité en générale ) est une invention importée par les peuples asianiques ( agriculteurs néolithiques ) qui auraient colonisés l'Europe et modifiés intégralement le peuplement européen est selon moi une vue de l'esprit ...
Si on se penche sur l'Anatolie et le Zagros ( qui sont les régions sources des peuplements paléolithiques comme néolithiques de L'Europe ) on constate que les cultes de la déesse sont en rapport étroit avec les expressions religieuses paléolithiques de ces régions et c'est valable également pour les peuples éleveurs de la fin du paléolithique balkanique ...
Le lecteur intéressé explorera avantageusement les thèmes religieux de catal huyuk ( taureau ... déesse mère ... oiseau ... félin .. etc... )
La comparaison avec l'art pariétal européen plaide très probablement pour l'existence d'une aire culturelle commune de l'atlantique au levant ) ..
Le chamanisme est certainement un facteur à prendre en compte mais à quel moment ?? et surtout selon quelles modalités ?? ...
POUR CONCLURE :
Les deux religions monothéistes ( judaïsme et zoroastrisme ) et patriarcales les plus anciennes gardent des traces de ces substrats paléolithiques et néolithiques ...
Le respect absolu de toute vie animale .. interdiction des souffrances inutiles infligées aux animaux ... par ailleurs dans la genèse l'homme ne reçoit pas la jouissance d'un monde crée pour lui .. : il en est le gardien responsable ..
L'exemple le plus saisissant est la matrilinéarité de la transmission identitaire dans le judaïsme ...
A contrario et toujours dans le judaïsme : l'interdiction quasi absolue ( très réglementé ) de consommer des animaux sauvages est très parlante ...
Il s'agissait de rompre avec la nature sauvage et tous les sentiments religieux qui pouvaient lui être associés ...
Le judaïsme on l'oublie souvent plonge ses racines 3000 à 4000 ans BP ....
D'ailleurs il semble que pour s'imposer le judaïsme ( comme d'autres religions : la religion grecque par exemple ) a essayé de détourner la charge positive des mondes souterrains en y établissant le Shéol biblique les enfers ( qui n'ont d'ailleurs rien d'infernaux !! et en prohibant le culte des morts ...
C'est peut-être de cette façon que l'idée de vie post mortem s'est installé fragilement ( et de manière conflictuelle ) dans le judaïsme ( longtemps cette idée ne sera pas réellement admise )..
Les grecs ont eu le même problème ...
La civilisation crétoise est la seule grande civilisation européenne qui de soit développée en continuité avec la préhistoire européenne ...
Dans cette culture les grottes étaient des lieux sacrés et des lieux de dévotions ( dépôts de figurines féminines principalement ) ...
Les grecs feront du monde souterrain les enfers ( L'Hadès des grecs qui ressemble comme 2 gouttes d'eau au shéol biblique ) ...
Les grecs ont donc vaincu la déesse mère : cf. Thésée et le Minotaure ...
Mais la déesse était maligne !! Déméter déesse entre autre de la fertilité vivait sous la terre ... et elle mettait une pagaille d'enfer dans les cités grecques pendant les fêtes dionysiaques où les femmes avaient la part belle ( le monde et la campagne devenaient leur royaume ! )
Pour percevoir le phénomène de la longue durée dans l'histoire des religions un exemple perso ... :
En Champagne sur un terroir très structuré ... mon grand-père nous a fait découvrir la pierre au fées ( assez connue des habitants du coin et perdue dans la foret ) ... une pierre phallique pas très haute .. elle exhaussait les voeux et il était aussi recommandé de la visiter en amoureux ... ( hum !! ) ...
Pour voir ses souhaits s'accomplir ... il était recommandé de la frapper avec une baguette de noisetier bien droite et décorée d'une frise spiralée et ( ou ) de verser dessus de l'eau de source ...
Ce lieu était perdu dans les bois .. un lieu-dit nommé panvan ... en celte : frontière ... !
Cette anecdote date des années 80 ...
Que dire encore de ces paysans belges qui au début du 19e siècle allaient faire l'amour dans les champs après les labours ...
Enfin on sait souvent que Israël est la terre de la bible ...
Ce que l'on sait moins c'est que c'est aussi un haut lieu de paléoanthropologie et de préhistoire ..
Dans le Néguev il y a un sanctuaire du paléolithique supérieur constitué : d'un foyer .. d'un demi-cercle de pierres orienté vers soleil levant certes .. mais ! : la perspective dominante ( orientation générale ) passe directement entre deux collines qui font penser sans aucun doute possible à une poitrine féminine ...
Visiblement les femmes du paléolithique n'étaient peut-être pas des femmes au foyer !! ( hum !!)
Conclusion : Il est grand temps que les préhistoriens .. les archéologues ... les ethnologues ... les mythologues et folkloristes .. les protohistoriens et j'insiste : les historiens des religions et de l'histoire ancienne collaborent étroitement ... les matériaux désormais en possession des chercheurs le permettent clairement ( et même : " le réclament " ) ...
C'est dans cette mise en commun des compétences que surgira un peu de lumière ....
La question de la parenté de l'art pariétal et des expressions religieuses du paléolithique européen et de celles du néolithique anatolien ne peut sérieusement être remisent en cause ...
Il est certainement difficile de dégager du sens précis mais des données manifestement partagées sont déjà très troublantes .
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1996 : "Les chamanes de la Préhistoire - Transe et magie dans les grottes ornées"... Voyage sans retour aux confins de notre humanité... C'est dire si le livre est d'importance.

Jean CLOTTES (Préhistorien) et David LEWIS-WILLIAMS (Anthropologue) décidèrent d'unir leurs efforts - dès 1994, lors d'un Colloque international sur l'art rupestre à Flagstaff (Arizona) - pour tenter de comprendre ce monde souterrain "illustré" des fameuses peintures rupestres (bisons, taureaux, chevaux, lions, cerfs, bouquetins, mustélidés... mais aussi hommes à tête d'oiseau, "sorciers" à tête, pattes et arrière-train de bison et autres êtres composites) : un monde où l'invisible devient palpable, attendant toujours nos sens aiguisés au plus profond des cavernes ornées ouvrant leurs bouches d'ombre, de par le monde... Les esprits animaux et autres créatures hybrides surgissent alors des reliefs des parois...

"Une fois passé le pont, les fantômes vinrent à sa rencontre." [citant ici le célèbre intertitre de l'étrange "Nosferatu" de F.-W. MURNAU en 1922].

La transe naissant des états altérés de la conscience est, en effet, l'une des plus cohérentes "pistes" explicatives à ce que nous admirerons pour toujours à Niaux, au Mas d'Azil, au Portel, aux Trois-Frères, à Enlène, au Tuc-d'Audoubert, à Fontanet, à Pech-Merle, à Rouffignac, à Lascaux, à Gargas, au Gabillou, à La Madeleine, à "Chauvet", à "Cosquer", à Altamira, à Las Chimaneas, à La Pasiega, au Castillo, à Llonin, à Foz Coâ, à Pindal, etc. : preuves matérielles et témoignages ethnographiques à l'appui...

Nous vous recommandons la version très grand format" somptueusement illustrée (120 pages, 115 photographies couleurs, dessins et gravures) plutôt que l'édition de poche.

L'ouvrage se décompose ainsi :

Chapitre 1 : le chamanisme
Chapitre 2 : L'art des cavernes et des abris
Chapitre 3 : Cent ans de recherche des significations
Chapitre 4 : Art des cavernes et chamanisme
Chapitre 5 : le monde chamanique
Lien : http://fleuvlitterature.cana..
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Ce petit livre est sobre en son volume, mais dense dans son contenu et sa portée en profondeur ; il est constitué de deux parties bien différentes ; l'originelle de 1996 traitant d'une hypothèse sur “l'art paléolithique”, suivie d'un ajout de 2001 d'une disputation polémique.
J.Clottes et D. Lewis-Williams nous proposent une perspective culturelle de l'origine de l'humanité, de « l'Homme moderne », dans un faisceau d'indices cohérents, structurés et multimillénaires, mais encore vivants, et une cosmologie en relation avec les flux internes du système nerveux humain. Ainsi la “grotte”** est le lieu de la représentation symbolique du “voyage intérieur” vers l'univers des états de consciences modifiés donnant accès à une “révélation” ou une “connaissance multidimensionnelle” peu accessible en état de veille du quotidien pragmatique avec ses contraintes.
Cet ouvrage nous parle d'une “vision” où l'Humain développe une perception non séparée de ce qui l'entoure, un flux en mouvement dans lequel il est immergé*.
« Contrairement à une opinion répandue, il nous est plus facile de connaître les expériences religieuses des gens du Paléolithique supérieur que de nombreux autres aspects de leur vie. » (p. 14)
Envisagés donc dans une perspective neuropsychologique d'expériences de la conscience, ces “ancêtres” du Paléolithique supérieur nous apparaissent finalement très proches, du moins si l'on fait l'effort de revenir à l'essentiel de notre humanité en nous, en nous dépouillant de tout le superflu du bagage de névroses encombrants de nos sociétés urbaines contemporaines, ce qui pour certaines personnes aujourd'hui est peut-être devenu inaccessible !?
Quoi qu'il en soit, cet essai nous renvoie à notre cosmologie intérieure : « explorer le cosmos, c'est aussi explorer les univers spirituels » (p. 31)
Car il n'y a jamais eu « d'homme des cavernes », ce mythe péjoratif est né de notre civilisation d'orgueil ! Ces lieux étaient des “lieux privilégiés” au même titre que les “temples” et autres “églises/cathédrales” plus proche historiquement de nos époques, mais de même sens.
« Nous disons simplement qu'à cette époque et dans ces régions, les humains se sont mis à faire un usage délibéré de leur continuum commun d'états de conscience altérée. Grâce à cette exploitation, certains purent se prévaloir de connaissances et de dons spéciaux qui leur assuraient sans doute distinction et statut supérieur. Lorsque la société telle que nous la connaissons a pris naissance, une façon de concevoir la “réalité” et un certain cadre ont vu le jour. Ce cadre a en partie survécu au déclin du chamanisme dans certaines parties du monde. Finalement, il a imprimé sa marque à ce que l'on appelle les « grandes religions ». Elles postulent toujours un monde inférieur et un monde supérieur, des visions les concernant et des personnages extraordinaires qui, de façon symbolique ou réelle, se déplacent entre ces mondes. Nous n'avons pas échappé aux concepts du Paléolithique supérieur. »
(p. 133)
De l'Aurignacien de Chauvet ou de la Grotte de Baume-Latrone, en passant par le Gravettien de Pech Merle et Cosquer, au Magdalénien de Niaux, Lascaux, Grotte d'Altamira, les sociétés de “chasseurs-collecteurs” et de « l'art des cavernes et des abris » (ou art pariétal paléolithique) qui couvre toute l'Europe, de l'Andalousie à l'Oural, nous devons essayer d'appréhender que celui-ci s'est développé au moins pendant vingt-cinq mille ans, soit plus de douze fois la durée du christianisme ! Les maillons de cette chaîne qui couvre des distances et des périodes aussi considérables, sont relativement peu nombreux. On connaît actuellement environ trois cent cinquante sites. Cela correspond à un seul site pour trois ou quatre générations à l'échelle de l'Europe. Il est évident, pour que les traditions puissent se transmettre, que le nombre réel devait être largement supérieur : il a dû y avoir des milliers de sites, qui ne se sont pas conservés ou n'ont pas été découverts. Ces “ancêtres chasseurs-collecteurs”, nos ancêtres, représentaient une réelle « civilisation », dont nous avons hérité, et que nous avons bien maltraitée, nous les descendants, dans notre arrogance incommensurable envers les populations qui les représentent encore malgré tous les génocides invraisemblables !
“La sagesse ne peut pas entrer dans un esprit méchant, et science sans conscience n'est que ruine de l'âme.” extrait de « Pantagruel » Rabelais - 1532
Ceci nous introduit donc à la seconde partie de cet essai, où effectivement il nous est rendu compte de disputations de la part de ceux qui nous semblent être, au-delà de notre propre “ignorance” du sujet, des chiffonniers âpres sur leur propre “territoire d'ignorance” !
APRÈS LES CHAMANES, POLÉMIQUE ET RÉPONSES
RÉACTIONS IRRATIONNELLES
Parmi les réactions à notre ouvrage, trois types d'attitudes peu compatibles avec une saine méthode d'analyse scientifique se distinguent :
— ignorer délibérément les solutions proposées ;
— utiliser l'indignation, les sarcasmes, voire les insultes ;
— dénaturer et caricaturer les idées exprimées.
(p. 154)
« Mais dans tous les cas, c'est par rapport à l'oeuvre de Leroi-Gourhan que chacun a été contraint de se situer » (Demoule, 1997).
Ces affirmations sont stupéfiantes, car le registre choisi, et même le vocabulaire, n'est plus celui de la science, mais celui de la religion ! Leroi-Gourhan est présenté comme le fondateur d'une secte — ou d'une foi nouvelle. Les trois voies citées, présentées comme les seules possibles, sont celles :
— des “disciples”, révérencieux à l'égard du maître ;
— des exégètes, pères de l'Église et autres théologiens qui précisent la doctrine ;
— enfin, des hérétiques qui la récusent.
Il n'est pas étonnant, après cela, que ceux qui sont perçus comme faisant partie de ces derniers soient traités avec tant de virulence et de passion. Dans ce cas, le réflexe du conservatisme joue vis-à-vis de toutes les atteintes, fussent-elles imaginaires, à la doctrine établie une fois pour toutes.
(p. 174)

Ainsi nous devons bien nous résoudre et considérer que le fanatisme sectaire est une tare qui afflige décidément tous les milieux, sans exception !
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*Lorsque j'ai commencé à lire les récits écrits de la tradition navajo et d'autres traditions amérindiennes, j'ai eu le plus grand mal à reconnaître parmi les personnages ceux qui étaient physiquement et essentiellement humains et ceux qui ne l'étaient pas. Peu à peu, cependant, je me suis rendu compte que la distinction ne devait pas nécessairement être faite selon des critères propres à notre mode de pensée occidental. La relation entre l'humain et le non-humain dans les narrations navajos est bien vue par Luckert, qui introduit le terme de « flux préhumain » et explique comment il doit être compris. Cette expression, écrit-il, « se réfère à la parenté originelle de l'homme et de toutes les créatures du monde vivant, et au lien qui existe entre tous les êtres animés ». Dans le monde malléable « des temps mythiques préhumains, tous les êtres vivants existaient en état de flux, avec des formes extérieures interchangeables ». le monde des créatures animées comprenait « tout ce qui se déplace dans l'air et dans le ciel, sur la terre, sous la terre et dans la mer ». Même les dieux faisaient partie de ce monde et de sa population bigarrée d'êtres vivants n'ayant pas encore de forme stable.
(https://www.babelio.com/livres/Zolbrod-Le-livre-des-Indiens-Navajos/476954#critiques)

p. 450 ; note 19.
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Films/documentaires en référence au sujet abordé à voir :
— « Les enfants de Cro-Magnon » © 2019 - Jean Clottes (Conservateur du Patrimoine), Marc Groenen (professeur de préhistoire), Olga Spaey (histotienne de l'art/archéologue), Hubert Reeves (astrophysicien), Catherine Schwab (Conservatrice du Patrimoine)
— « Quand Homo sapiens, faisait son cinéma » © 2015 - Marc Azéma
— « La grotte des rêves perdus » © 2010 - Jean Clottes, J.-M. Geneste, Norbert Aujoulat, Valérie Feruglio, Marc Azéma ...
— «  Grands maîtres de la préhistoire » “Le génie magdalénien” © 2009 - Jean-Michel Geneste
— « Hommes et Dieux des Cavernes » “Messages de l'ère glaciaire” © 2008 - Jean Clottes, Norbert Aujoulat, Michel Lorblanchet, Gerhard Bosinski
— « Lascaux, le ciel des premiers hommes » © 2007 Chantal Jègues-Wolkiewiez
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** livre en forme de compte rendu scientifique à consulter sur les effets d'une claustration volontaire en grotte ...
« Hors du temps » ; Michel Siffre - éditions René Julliard © 1963
//www.babelio.com/livres/Siffre-Hors-du-temps/865596/critiques/1170359
Lien : http://www.versautrechose.fr/
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J'ai découvert ce livre dans la boutique du site de la Grotte Chauvet, sortie éblouie et très émue après la visite de cette magnifique reconstitution.

Les auteurs, respectivement experts européen et sudafricain de la prehistoire, anthropologues etc. avancent et étayent une théorie de l'origine chamanique de l'art pariétal (les peintures rupestres dans les grottes). La virulence et souvent le manque d'objectivité de leurs nombreux critiques et détracteurs, qu'ils reproduisent en deuxième partie du livre, démontrent la très grande résistance d'éminents scientifiques à la possibilité qu'il puisse exister d'autres niveaux de réalité que celle directement visible.

Un grand merci aux auteurs d'oser affronter ce tabou. Juste une critique... Leur analyse gagnerait peut-être a utiliser "spiritualité" là où ils parlent de "religion", ce qui semble trop réducteur pour qualifier l'étendue et la qualité de l'art pariétal...

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Très très bon ouvrage très documenté!!!
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Citations et extraits (40) Voir plus Ajouter une citation
La matérialisation des visions pouvait donc avoir des justifications multiples et complémentaires : les concrétiser par nécessité vitale ; ajouter à leur puissance ; induire de nouvelles visions ; ouvrir une porte dans le monde des esprits avec lesquels on désire entrer en contact ; avoir une utilité mnémonique, comparable à celle de l'iconographie dans la tradition judéo-chrétienne.
Nous avons lu et écouté attentivement les critiques qui nous ont été faites. Certaines nous ont étonnés par leur ton et leur contenu. Elles eurent du moins le mérite de nous obliger à approfondir notre réflexion, à préciser certaines de nos positions, à aller plus loin, à la fois dans notre entreprise de meilleure compréhension de l'art paléolithique, mais aussi sur le plan épistémologique. La recherche scientifique n'est jamais neutre et éthérée. Les passions, les préjugés, les conservatismes, jouent un rôle non négligeable, encore que rarement mis en évidence, dans les prises de position. C'était l'occasion d'analyser ce phénomène à partir de faits concrets, puisqu'il s'est manifesté avec un éclat tout particulier à propos de notre ouvrage. Quatre années écoulées nous donnent un recul suffisant. L'avancée de la recherche en matière d'art pariétal et dans d'autres domaines (ethnologie, par exemple), les découvertes effectuées, à la grotte Chauvet et ailleurs, les éléments que nous ignorions qui ont été portés à notre connaissance ne sont pas allés à l'encontre des hypothèses avancées dans notre livre : ils les ont plutôt renforcées.
p. 220
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Le cosmos chamanique
Parmi les groupes chamaniques, l'ubiquité des croyances concernant la descente sous terre peut s'expliquer par les sensations du tourbillon, d'origine neurologique, qui entraîne les gens dans le troisième stade de la transe, le plus profond, celui où ils sont sujets à des hallucinations et voient des animaux, des monstres et autres visions. Le tourbillon crée des sensations d'obscurité, de resserrement et parfois de difficultés à respirer. La pénétration dans un véritable trou du sol ou dans une grotte reproduit et matérialise physiquement cette expérience neuropsychologique. En outre, comme les comptes rendus cités le montrent clairement, les voyages spirituels souterrains font émerger dans un monde pleinement hallucinatoire, tout comme le tourbillon.
Mais l'entrée dans une grotte ne fait pas que reproduire le tourbillon : elle peut également induire des états de conscience altérée*. L'isolement social, la déprivation sensorielle et le froid qui caractérisent les grottes sont, nous l'avons vu, des facteurs importants pour induire la transe. Pendant le Paléolithique supérieur, l'entrée dans une véritable caverne a donc pu être considérée comme un équivalent de l'entrée en transe profonde par le tourbillon. Les hallucinations engendrées par la pénétration dans une grotte et par l'isolement se combinaient probablement avec les images qui se trouvaient déjà sur les parois pour y créer un monde spirituel riche et animé. Le lien étroit entre grottes et états de conscience altérée paraît irréfutable. Ce point important nous conduit à la caractéristique fondamentale dans l'organisation du chamanisme, au cadre où toutes ses activités se déroulent : l'univers ou cosmos chamanique.
p. 30/31
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* lire à ce sujet « Hors du temps » de Michel Siffre : https://www.babelio.com/livres/Siffre-Hors-du-temps/865596/critiques/1170359
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Quant aux animaux eux-mêmes, ils sont dessinés sans souci d'échelle. Sur les mêmes panneaux voisinent les mêmes espèces avec des figures toutes petites et d'autres beaucoup plus grandes, que ce soit dans l'Aurignacien de Chauvet ou le Magdalénien de Niaux. Les rapports de taille entre animaux d'espèces différentes ne sont pas plus respectés. Généralement, ils sont de dimensions plus faibles que dans la réalité, avec quelques exceptions, comme la belette du réseau Clastres ou les taureaux de Lascaux.
Autre constante : la représentation de profil. Là encore, il aurait pu en aller autrement. A Lascaux, un cheval est vu de face. Il en est de même d'un certain nombre d'animaux (cerfs, bouquetins) dans l'art mobilier du Magdalénien final. Dans l'art pariétal, les vues de face ou de dos (Niaux) sont exceptionnelles, quelle que soit l'époque. Les animaux paraissent flotter en l'air, sans point d'appui, car les lignes de sol ne sont jamais figurées. Parfois, le contour de la roche peut en tenir lieu. En dehors des cadrages par rapport au relief naturel, l'absence générale d'implantation sur un sol ferme, le manque d'ancrage, donne une curieuse impression d'irréalité ou plutôt celle de morceaux de réalité arrachés à leur contexte et juxtaposés sans liaison entre eux. Ce sentiment est accentué par les animaux verticaux ou obliques, qui constituent une minorité non négligeable. Nous verrons au chapitre « Art des cavernes et chamanisme » ce que l'on peut en penser.
Les animaux sont indifféremment entiers ou réduits à leur tête ou à leur avant-train, ce qui suffit pour les identifier.
p. 57
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Les états de conscience altérée
… la capacité de passer, volontairement ou pas, d’une état de conscience à un autre fait universellement partie du système nerveux humain. Toutes les cultures, y compris celles du Paléolithique supérieur, ont été confrontées, d'une façon ou d'une autre, à ce problème d'états de conscience différents. Certaines — bien entendu pas toutes — ont suscité des chamanes.
Dans le monde entier, la mise en œuvre, le contrôle et l'exploitation des états de conscience altérée sont au cœur du chamanisme, que nous envisageons donc dans une perspective neuropsychologique. Les recherches récentes en la matière fournissent le meilleur accès possible à la vie mentale et religieuse des peuples qui vivaient en Europe occidentale pendant le Paléolithique supérieur, car eux aussi étaient des Homo sapiens sapiens. À ce titre, nous pouvons supposer à bon droit qu'ils possédaient le même système nerveux que les humains d'aujourd'hui. Contrairement à une opinion répandue, il nous est plus facile de connaître les expériences religieuses des gens du Paléolithique supérieur que de nombreux autres aspects de leur vie.
Les états de conscience altérée sont liés, puisque l'on passe de l'un à l'autre, et ils sont de toute évidence difficiles à définir. On peut cependant considérer qu'ils font partie d'un ensemble continu (ou continuum). À l'une des extrémités de cet ensemble se situe ce que nous pouvons appeler en gros la « conscience en éveil ». À l'autre extrémité, c'est la transe profonde observée par les premiers explorateurs.
La conscience en éveil est l'état où, pleinement conscients de ce qui nous entoure, nous sommes capables de réagir à notre environnement de façon rationnelle. Cet état n'est cependant ni facilement définissable ni évident, car, même éveillé dans la vie quotidienne, l'on passe souvent d'états plus introspectifs à d'autres où l'on est davantage tourné vers l'extérieur. Les états intérieurs, ou de réflexion, font progresser quelque peu le long du continuum. Lorsqu'on se trouve dans ce léger état de conscience altérée que l'on appelle « être dans la lune », on est beaucoup moins éveillé ; on peut presque oublier ce qui nous entoure. Le rêve est un autre état de conscience altérée, plus loin encore dans le continuum. Dans certaines cultures, les rêves des gens ordinaires sont interprétés comme des aperçus furtifs, laïques, d'un monde que les spécialistes religieux visitent pleinement, eux, pendant la transe profonde. Pendant le rêve, on contrôle beaucoup moins ses expériences mentales que lorsqu'on est dans la lune, encore que, dans l'état intermédiaire entre veille et sommeil appelé « rêve lucide », on peut contrôler (ou plutôt apprendre à contrôler) les images du rêve. Cette capacité fait d'ailleurs partie des techniques spirituelles de certains chamanes.
p. 14/15
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On peut se demander alors combien, parmi les animaux apparemment bien caractérisés, correspondent en fait à des transformations achevées ou à des esprits auxiliaires, avec lesquels le chamane s'identifie et dont le rôle est si important dans le chamanisme. Il n'est pas possible de répondre à cette question, ce qui ne veut pas dire qu'il soit interdit de se la poser.
Toujours est-il que les esprits auxiliaires « sont conçus sous forme animale dans les sociétés de chasse » (Hamayon, I1990, p. 433) et que « tout dans le comportement du chamane donne à croire qu'il s'identifie à un animal — et c'est bien ce qui lui est demandé : c'est à un être surnaturel de forme animale qu'il doit s'accoupler, contre d'autres êtres surnaturels à forme animale qu'il doit lutter ; c'est donc de sa part un changement d'essence qui est requis » (ibid., p. 533). C'est bien pourquoi, malgré ses réserves sur la transe (cf supra), R. Hamayon déclare : « J'ai toujours été convaincue que l'art des grottes avait un rapport avec le — vrai — chamanisme : il y a un lien fondamental entre chamane et chasse. Il me paraît tout à fait vraisemblable que ces sociétés où la vie dépendait tellement des animaux aient eu recours au chamanisme » (La Croix, 20 décembre 1996).
p. 208Divers exemples indiscutables sur le caractère hallucinogène des grottes profondes nous ont été signalés, soit par témoignages directs de spéléologues, soit dans des articles ou ouvrages (Renault, 1995-1996 ; Simonnet, 1996, p. 343 ; Fénies, 1965). Bien entendu, ces hallucinations, non sollicitées et même redoutées, sont anarchiques et revêtent des formes diverses selon les personnes. Elles montrent simplement que le système nerveux de spéléologues très différents réagit malgré eux à l'obscurité prolongée et à son manque de repères, qui ajoute ses effets à ceux de la fatigue*. Étant donné que nul ne conteste la conception universelle du monde souterrain comme celui d'un au-delà, il est quasiment certain que lorsque les Paléolithiques allaient dans les galeries profondes, ils devaient avoir conscience de se trouver dans le monde des puissances occultes et qu'ils s'attendaient à les y trouver. Un tel état d'esprit, conforté par l'enseignement reçu, ne pouvait manquer de favoriser la venue des visions qui devaient être recherchées plutôt que rejetées. Les grottes pouvaient donc avoir un double rôle, dont les aspects étaient fondamentalement liés : faciliter les états altérés de la conscience, c'est-à-dire les visions, et entrer en contact avec les esprits à travers la paroi.
p. 210
(voir : le livre « Hors du temps » ; Michel Siffre - éditions René Julliard © 1963
https://www.babelio.com/livres/Siffre-Hors-du-temps/865596/critiques/1170359 )
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