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EAN : 9782271070241
400 pages
CNRS Editions (22/05/2014)
4.5/5   2 notes
Résumé :
« Nous n’avons jamais écrit une ligne l’un sans l’autre ». Jérôme et Jean Tharaud, qui vivent ensemble et cosignent de très nombreux articles et une cinquantaine de livres, offrent une illustration sans équivalent d’une singulière symbiose : la fusion entre deux esprits, deux styles en un seul. Venus à la fin des années 1890 de leur Limousin natal à Paris, liés à Péguy qu’ils suivent au temps de l’affaire Dreyfus et des Cahiers de la Quinzaine, ils se placent vite s... >Voir plus
Que lire après La preuve par deux : Jérôme et Jean TharaudVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Un demi siècle après les frères Goncourt, Pierre Marie Émile Ernest Tharaud et Pierre Marie Martial Charles Tharaud naissent en 1874 et 1877. L'un adopte le prénom Jérome et l'autre Jean, et les deux faisant la paire … ils écrivent à quatre mains pendant la première moitié du XX siècle, obtiennent le Prix Goncourt 1906 avec "Dingley, L Illustre écrivain" (inspiré de Kipling), publient des romans à succès (La maitresse servante), des contes, des récits de voyage et entrent à l'académie en 1938 (Jérome) et 1946 (Jean) où ils rejoignent la fratrie de Broglie (Maurice et Louis élus respectivement en 1934 et 1944).

Amis de Charles Péguy, secrétaires de Maurice Barrés, proches du Maréchal Lyautey, ils tiennent une place significative dans la presse de l'entre deux guerres et leurs livres connaissent des tirages importants dans les années 30, leur assurant une aisance financière enviée.

Ils sont aujourd'hui oubliés pour plusieurs raisons, la première étant que leur oeuvre est « datée » et que l'Europe de 2024 diffère de celle de 1924 ainsi que la société et ses « valeurs », la seconde est le regard qu'ils portent sur le bolchevisme, le judaïsme et l'islam, la dernière, et non la moindre, étant leur fidélité au Maréchal Pétain et à Charles Maurras.

Dreyfusards lors de « l'affaire », les frères Tharaud ont commis dans les années 30 une « série juive » (L'ombres De La Croix, La rose de Saron, Un Royaume de Dieu) aux relents antisémites, et consacré des enquêtes à « Vienne la Rouge » dénonçant le communisme imputé à « un complot juif » faisant écho à la propagande nazie. Pendant la guerre ils sont restés en relation avec le chef de l'état français. Après guerre ils ont oeuvré à la réhabilitation du Maréchal et ont plaidé pour l'amnistie du fondateur de l'Action française.

Et pourtant, durant l'occupation Jérome fait partie des académiciens proches de Georges Duhamel et François Mauriac qui influent et orientent l'académie vers la résistance : en 1942, le Grand Prix de littérature est attribué à Jean Schlumberger, membre fondateur de la NRF, le Prix du roman à Jean Blanzat, un des premiers membres du Comité national des Écrivains, et un des prix de poésie à la revue Poésie 42 de Pierre Seghers. L'année suivante, le Grand Prix de littérature revient au résistant Jean Prévost. Leurs articles et leurs discours durant l'occupation s'opposent à la politique de collaboration prônée par Pierre Laval et à la libération ils sont membres du Comité national des Ecrivains.

Michel Leymarie décrit dans « La preuve par deux » l'évolution des deux frères qui sont un miroir de leur époque et non une conscience morale. Il peint le tableau du monde littéraire de ce demi siècle qui fut aussi celui d'Aragon, Céline ou Malraux. Son essai de 250 pages est complété par 150 pages de sources, notes et index qui en font une mine d'or. A contrario, je suis resté sur ma faim en ce qui concerne le « travail à quatre mains » et la répartition des taches entre celui qui s'occupe du premier jet et celui achève la mise au point, car l'auteur ne donne aucun exemple de manuscrits écrits et réécrits par les deux frères. C'est la travail d'un historien et non celui d'un analyste littéraire.

Cet ouvrage de grand intérêt s'inscrit dans le prolongement de celui consacré à Robert de Bonnières qui meurt quand les Tharaud commencent à publier.

PS : Robert de Bonnières : Vie et tourments d'un homme de lettres 'fin de siècle'
Lien : https://www.babelio.com/livr..
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Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
Est également évoquée l’entrée au Panthéon de Péguy, que Vichy avait tenté d'annexer mais dont la mémoire et l'exemple avaient été aussi revendiqués par la Résistance. De ce fait, l'après-guerre marque le retour de l'écrivain patriote, débarrassé de sa gangue pétainiste. Jérôme, qui n'a pu se rendre le 5 septembre 1944 au pèlerinage de Villeroy pour le trentième anniversaire de la mort de son ami de jeunesse, entend bien voir honorée sa mémoire. C'est pourquoi, dans Le Figaro du 7 janvier 1945, il avance avec son frère une proposition : « Oui, mais Péguy d'abord», après Rolland. Dans L'Aube du 12 janvier. Gay et Schuman lancent, vite secondés par Vercors, Gabriel Marcel et les Tharaud, une troisième suggestion : « Romain Rolland, Péguy au Panthéon ? Oui, mais aussi Bergson. » Comme les familles respectives des disparus s'opposent à chacun des projets de transfert, les trois initiatives font long feu. Dans Le Figaro du 21 janvier, les deux frères en prennent acte :

Je ne vois pas plus M. Bergson enlevé au petit cimetière de Garches que notre cher Péguy arraché à la seule tombe qui lui convienne, et qui est celle de Villeroy, ou que Romain Rolland déterré de la tombe nivernaise de Clamecy où il a tenu à reposer. Moralité : il faut y réfléchir à deux fois avant de fusilier les gens, ou de les mener au Panthéon.
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Un littérateur me semble intéressant dans la mesure ou il nous permet de nous représenter les moeurs, les sentiments, les idées d'une époque.

Cette phrase, qui pourrait être la justification de leur biographie et un manifeste de l'histoire socioculturelle et politique, mérite qu'on s'y arrête. Qu'ont finalement représenté les deux frères, dans Ie double sens du mot ? La reconstitution de leur double itineraire permet d’évaluer leur poids et la place qu'ils occupent parmi leurs contemporains, de définir les acquis et les impasses que leur donnent leurs cadres de pensée, de préciser la représentation qu'ils se font de la France et du monde, et de la France dans Ie monde.

Ils sont en quelque sorte des baromètres du lectorat, non homogène, pour lequel ils écrivent et qui leur assure succès et notoriété. Ils permettent de saisir l'univers mental et social, les représentations, les aspirations, les refus, les passions d'une partie de la société et de cemer une époque. De prendre aussi la mesure de tout ce qui sépare de nous leur milieu et leur temps.

Jerome et Jean Tharaud, jadis célèbres, sont aujourd'hui oubliés ou négligés. C'est pourquoi leur histoire est aussi celle de leur oubli, et celle des raisons de cet oubli.
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(…) au terme de son discours, il se livre à l'éloge du coq des clochers. symbole national qui « réveille les gens endormis », mieux considéré par les étrangers que par nombre de Français. Ce faisant, il formule explicitement l'éloge de la liberté. Il refuse de considérer la défaite comme un juste châtiment et de s'abandonner «à la vague de dénigrement» qui caractérise les derniers mois. Il dénonce la « soif de pénitence, de renoncement, d'humiliation », « cette rage maladive de battre notre coulpe à longueur de journée» qui s'est emparée de ceux qui veulent une France prétendument nouvelle et ne s'en prennent pas seulement à « un régime écroulé », mais aussi « à la France, à son âme elle-même ».

Certes, ce propos patriotique sur le coq, à peine codé, n'est pas un appel ouvert à la résistance car l'enceinte où il est prononcé ne s'y prête guère. Mais l'opposition au discours doloriste, moralisateur et culpabilisateur des pétainistes inscrit clairement Jérôme Tharaud dans la petite frange résistantialiste de l'Académie française, loin de Bonnard. Il y trouve Duhamel et Mauriac qui «sauvent l'honneur», note Jean Guéhenno dans son Journal des années noires. Duhamel ne s'y trompe pas ; il écrit à Mauriac, résistant de la première heure, qu'avec son discours de décembre 1941 «Jérôme a été épatant ».
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Nombre de leurs œuvres comblaient « parfaitement l'attente suscitée par les orientations du goût régnant », répondaient aux goûts, aux aspirations d'une époque.

Dans Le Petit Joumal du 5 décembre 1943, ils rapportent le propos de Barres selon lequel « l’immortalité pour un écrivain, c'est qu'on le lise dans vingt ans ». La plus grande partie de son œuvre, ajoutent-ils, est liée à la vie de son temps. « Ainsi s'explique beaucoup de son succès ; mais c'est aussi la raison pour laquelle certaines parties de cette œuvre paraissent désuètes. »

A bien des égards, celle des Tharaud est, plus de cinquante ans après leur mort, elle aussi désuète. À qui veut comprendre ce que furent les craintes et les aspirations d'un lectorat qui assura leur succès, elle offre la représentation d'un monde qui s'est éloigné de nous, vu par des hommes qui furent non pas des prophètes, mais l'écho sonore de leur milieu, et qui demeurent le miroir d'une époque finie. En cela aussi, leur œuvre nous intèresse.
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Un malheureux accident pèse sur la candidature suivante : le 6 février
1930, me Garancière à Paris, Jean, au volant de son automobile Voisin, blesse mortellement le poète Auguste Dorchain, dernier représentant du mouvement du Pamasse et plusieurs fois en lice. Le cardinal Baudrillart, trouve que Jérôme parle légèrement de l'accident et lui conseille d'interrompre ses visites. Le directeur de la Revue des Deux Mondes lui manifeste une certaine froideur. « Celui qui fait les courses tue les gens, commente méchamment Léautaud, et celui qui écrit les assomme.»

Néanmoins, en mars 1932, Jérôme est de nouveau candidat, cette fois au fauteuil laissé vacant par la mort de Charles Le Goffic. Il fait quelques visites académiques - ainsi à Benoit, récemment élu, au cardinal Baudrillart, à Chevrillon, à Male et à Doumic. Il fait part de son intention au maréchal Pétain, qu'il semble connaître. Bordeaux lui promet sa voix. Mais Abel Bonnard est élu. Jérôme a «l'air bien tapé», note Claude Mauriac, qui rapporte le propos de son père.
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