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Critique de daniel_dz


« S'il nous faut apprendre à donner une seconde vie aux produits, sachons déjà le faire pour nos concitoyens. » Un petit livre de réflexions interpellantes sur l'efficacité de l'emprisonnement rédigé par un homme de terrain.

Sylvain Lhuissier est actuellement chargé de mission auprès de l'Agence du travail d'intérêt général et de l'insertion professionnelle au sein du ministère français de la Justice. En 2014, il a cofondé l'association Chantiers-Passerelles pour développer des alternatives à la prison et changer le regard des citoyens sur la justice et la peine. C'est donc un homme de terrain qui nous livre ici son analyse.

L'auteur introduit le sujet dans un premier chapitre où il démontre quelques lieux communs tels que « la prison, c'est le Club Med ») et où il rappelle que, en France, 42 % des prisonniers ne sont pas des condamnés mais des personnes en détention provisoire et que seuls 1,5 % des condamnés sont des criminels (« Cessons de construire tout notre système carcéral sur 1,5 % des cas. »).

Il pose ensuite les questions centrales dans les deux chapitres suivants, qui sont intitulés « La prison: efficace ou dangereuse ? » et « À quoi sert vraiment la prison ? ». Il y attire l'attention sur tous ceux qui sortent de prison diminués, tant sur le plan psychologique que sur le plan physique (« Des années après leur libération, certains attendent toujours qu'on ouvre la porte de leur chambre pour en sortir ou celle d'un magasin pour y entrer. D'autres, trop habitués à vivre avec un champ de vision de 10 mètres maximum, ont développé une phobie des grands espaces. »). Pour ceux-là, la prison est plus une école de dépendance qu'une école d'autonomie. Il fait ensuite remarquer que la prison n'est pas un moyen efficace de dissuasion et il remet en question la prison comme moyen de mettre les délinquants hors d'état de nuire. À l'homme de la rue qui se réjouit de voir un délinquant emprisonné, il rappelle au même moment, un autre délinquant en sort, que la prison n'aura probablement pas rendu meilleur. Certes, il admet que la prison peut être un moyen de mettre un délinquant hors d'état de nuire, mais cette situation doit être temporaire et accompagnée d'actions visant à éviter la récidive.

L'auteur termine son analyse en proposant des peines alternatives telles que le travail d'intérêt général. Il insiste sur la mise en place de parcours de sortie de la délinquance, parcours qui, si je comprends bien, est actuellement quasi inexistant (« Autre preuve que l'insertion est en réalité une mission très secondaire: l'absence totale d'évaluation. le ministère de la Justice ne dispose d'aucune statistique sur les parcours d'insertion des personnes après la peine. »).

Ce petit livre tranche avec les monographies des penseurs en chambres. Les questions qu'il pose sont assurément fort intéressantes. Je pense néanmoins qu'il gagnerait en force s'il pouvait s'appuyer sur une étude plus approfondie. Par exemple, l'auteur clame à plusieurs reprises qu'il ne faut pas construire un projet de prisons en se focalisant sur le petit pourcentage de véritables criminels qu'elles renferment, mais il ne donne pas d'indications sur la répartition des durées d'emprisonnement, ni sur une éventuelle corrélation entre la durée de l'emprisonnement et les risques de récidive (une courte peine pourrait dans certains cas s'avérer efficace sans trop d'effets indésirables). Il ne donne pas non plus la parole aux juges qui prononcent les peines d'emprisonnement. Bref, il faudrait approfondir et nuancer. Mais je conviens que cela demande des moyens. Un livre comme celui-ci a ses limites mais il a le grand mérite de mettre le débat sur la place publique et d'inciter les citoyens à pousser leurs représentants à mener les actions politiques qui débloqueront les moyens nécessaires à l'amélioration de l'efficacité des peines.

Je vous incite donc à confronter vos a priori aux arguments de « Décarcérer », qui se lit fort agréablement, et je remercie vivement les éditions Rue de l'échiquier de me l'avoir fait découvrir, dans le cadre d'une opération Masse critique de Babelio. Ce n'est d'ailleurs pas la première fois que Rue de l'échiquier suscite mon intérêt: j'avais déjà commenté ici « Heineken en Afrique : Une multinationale décomplexée » d'Olivier van Beemen. le catalogue joint à l'envoi a retenu toute mon attention !
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