Trouée dans les nuages

Un couple modèle depuis 15 ans, sans enfant. Jin Xiang, paysan au passé politique parfait, devenu directeur adjoint à l'université et l'orpheline Zeng Shanmei d'excellente éducation.

Lors d'une réunion d'anciens, Zeng Shanmei apprend un secret qui va pourrir la vie de Jin Xiang et mener au drame.

L'écriture de Chi Li est addictive, visuelle. Témoignage intéressant de la vie chinoise et les dialogues consistants engendrent une forte empathie.

Jin Xiang et Zeng Shanmei, c'est avant tout un couple sans histoire. Ils affichent le bonheur, la simplicité, l'amour. Certes, ils n'ont pas eu la chance de pouvoir avoir d'enfant malgré leurs quinze années d'existence commune, mais ils s'aiment et ce seul regret ne serait entaché le plaisir de vivre ensemble depuis si longtemps ; Certains diront que c'est l'essentiel... Ce couple chinois de prolétaires cultivés a parfaitement su traverser les récentes modernisations de leur pays. Autour d'eux, ils représentent le modèle simple de la félicité, un couple moderne vivant dans la plus parfaite harmonie. Un visage naturellement souriant, un esprit ouvert, toujours prêt à venir aider les autres. Sérénité, sincérité et loyauté : voilà comment, en 3 mots, le couple est perçu par son entourage proche.

"Par un jour que rien ne distinguait des autres, un carton d'invitation à lettres dorées sur fond rouge, scellé dans une enveloppe des plus banales, arriva par la poste sur le bureau de Jin Xiang. Notre héros l'ouvrit innocemment et aussitôt son visage s'illumina. C'est ainsi que le mystère de la destinée s'abat sournoisement sur les simples mortels. Jin Xiang était un homme normal. Quelle raison aurait-il eue de jeter l'invitation à la poubelle ? "

Suspense ! Quel genre d'invitation était-ce ? La tension est à son paroxysme. le roman va-t-il virer au thriller psychologique et sanglant, comme dans tout bon scénario hollywoodien. Que nenni ! Mais à partir de cette date, la vie de Jin Xiang et Zeng Shanmei va basculer à tout jamais vers un autre monde. Un monde empli de suspicion, de remords et de haine ! Si en façade, le couple parade toujours, affichant bonheur et joie de vivre, face à leurs collègues, le soir, une fois les rideaux et volets tirés, un huis clos insoutenable s'opère. le passé a ses mystères et ses terribles secrets. Des fautes à avouer, des repentances à démontrer, de la perversité à engranger : ces conversations nocturnes vont avoir un effet dévastateur sur le couple. Avec le soleil, tout est amour, mais une fois celui-ci couché, et que la lune affiche ostensiblement sa lumière pale, tout devient souffrance, haine et cruauté, jusqu'à la fin...


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Ce livre est un petit chef d'oeuvre. Comme le premier que j'ai lu de cette écrivaine chinoise, qui s'appelait "Triste vie", j'ai ressenti vibrer quelque chose en moi, cette corde qui vibre quand la peinture est juste, quand le trait est appuyé juste ce qu'il faut sur la page. Chi Li nous raconte l'histoire d'un couple d'ingénieurs dans la Chine d'aujourd'hui à l'heure de l'ouverture vers l'occident, vers la mondialisation. Mais les traces de la période précédente sont encore très présentes. Elle est citadine, ses parents étaient ingénieurs aussi, lui est d'un milieu paysan. Après 15 de vie commune sans histoire - mais sans enfants - quelque chose va se détraquer et ce livre nous raconte comment, avec un art consommé du récit et aussi une vision panoramique sur tout ce qui entoure ce couple. En très peu de pages, on a l'impression de comprendre beaucoup de choses de la Chine actuelle. C'est un très beau petit livre, édité par Actes Sud.

Je rencontre l'auteur chinoise Chi Li pour la deuxième fois avec son roman Trouée dans les nuages. Entre thé savoureux et duvet douillet, l'angoisse monte en huis clos et ma tasse refroidit bien vite. Je suis en Chine, témoin invisible d'un couple qui se délite entre les murs de son appartement. Les nuits sombres s'enchaînent et sont le lieu de règlement de compte macabres. Les jours ordinaires défilent à l'extérieur pour ces employés modèles d'un centre de recherche. La fluidité du style et l'extrême sensibilité de Chi Li marquent le récit à l'image des Sentinelles des blés, s'y ajoute un fort sens du suspense que je n'avais pas pressenti chez l'auteur. Je sors du roman étouffée par la pression psychologique imposée par les deux protagonistes, assommée de cette silencieuse violence qui s'épanche insidieusement chaque soir lorsque les portes de la vie publique se referment.

Quatre ans avant Les sentinelles des blés, Chi Li met déjà l'accent sur les vies intimes derrière les façades sociales ; elle joue avec le doute, fissure les évidences ; elle pointe du doigt le réel interne des esprits et son empreinte dramatique sur le monde extérieur – lequel monde interprète ces marques à sa guise comme des conséquences factuelles issues d'un quelconque désordre économique. C'est sans compter la douleur et la bassesse des hommes, ou leur grandeur.
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