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EAN : 9782020247566
500 pages
Seuil (01/01/1998)
5/5   1 notes
Résumé :
La querelle médiévale des universaux est une figure du débat qui oppose et rassemble le platonisme et l'aristotélisme depuis l'Antiquité tardive jusqu'à nos jours. En replaçant le problème des universaux dans l'histoire longue, du Ve au XVe siècle, Alain de Libera montre qu'il est un "condensateur d'innovations" unique. Nul autre ne permet de voir se former, s'échanger et se codifier autant de langages théoriques, de modèles ou d'instruments analytiques nouveaux : i... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Pour Libéra, la querelle des universaux n'est pas cette "bête" opposition entre réalisme et nominalisme issue de l'Isagoge de Porphyre comme on le répète toujours. Et comme il ne veut pas non plus reprendre des mots-clé et leurs définitions toutes faites, il entreprend de faire l'histoire des idées qui mène à la querelle des universaux. Et comme toujours, tout commence et se poursuit avec Platon et Aristote. La question des universaux, c'est-à-dire du statut des genres et des espèces entre dans une querelle Platon-Aristote qui traverse le Moyen Age à une époque où on ne connaît pas Platon et très mal Aristote.

C'est qu'une cassure philosophique s'est opérée entre les néoplatoniciens des 5 et 6ème siècles et les théoriciens occidentaux du XIème. Les néoplatoniciens avaient essayé de conjoindre Platon et Aristote et, de fait, leurs commentaires le font. Au Moyen Age, on ne sait plus le grec et ce qu'on lit pour être du "pur" Aristote est en réalité un Aristote déjà platonisant. La connaissance est-elle une réminiscence (Platon) ou une abstraction du sensible (Aristote) ? C'est la question de la Trinité qui pousse à puiser dans les textes disponibles, ceux de Boèce et de Porphyre, des solutions. Alors naît la querelle des universaux. le genre, est-ce une chose, un son, un concept ? Bizarrement, celui qui est tenu pour le premier nominaliste, Abélard, s'oppose à Aristote : pour lui, les universaux ne sont pas des choses, mais des termes, non leurs signifiés. Pour les Porrétains, le genre est une collection d'individus réunis par une ressemblance ("hommes" est la collection de tous les individus qui se ressemblent et répondent chacun à "homme").

Avicenne complique. Il différencie l'existence et l'essence : désormais on peut signifier une essence qui n'existe pas. Il définit aussi l'intention. L'universel est une intention qui peut se prédiquer de plusieurs sujets, qu'ils existent ou non.Tous les mots sont des universels : soleil pourrait très bien exister en plusieurs exemplaires dont un seul "existe". Bien sûr, une exception : Dieu, qui est une intension (avec un "s") car on ne peut logiquement supposer que l'être premier soit multiple.

Averroès double l'intention. Pour lui, l'imagination saisit les choses puis l'intellect dépouille l'imagination pour produire un être objectif. le sujet actualise les intentions imaginées puis reçoit l'intention dépouillée. L'être humain est bizarrement composé de deux sujets. Suarez et Descartes, en un sens, reprendront.

Pour Thomas d'Aquin, l'universl n'est pas dans la chose ni substance, mais il fait connaître la substance. Pour Siger de Brabant qui représente les averroïstes latins, l'universel est dans les particuliers, mais ne sont pas non plus substance. IL annonce Occam. Tandis que pour les réalistes, les universels sont des choses universelles et ne sont pas dans l'âme.

Au 13ème siècle s'opposent les traditions parisienne et oxonienne. Albert le Grand redécouvre les trois états de l'universel des néoplatoniciens et réfute Platon qu'il retrouve chez Avicenne. Platon ne comble pas le fossé entre l'idéal et le réel. La théorie des 3 états de l'universel devient commune dans la deuxième moitié du XIIIème siècle.

Thomas d'Aquin déplatonise la théologie. Ce qui ne lui plaît pas, c'est l'idée de séparer l'âme et le corps : que serait la résurrection si l'immortalité de l'âme n'entraînait pas celle du corps ? Ensuite, ce sont Pierre d'Auvergne, Raoul le Breton, Simon de Faversham qui donnent leur opinion, avant la "révolution du XIVème siècle" avec Henri de Gand, Matthieur d'Acquastparta, Duns Scot ou Guillaume d'Occam.

Guillaume d'Occm pose que n'existent que des singuliers. Les mots existent par convention. Ils désignent des collections d'individus, Occam est donc nominaliste. Savoir, connaître et juger, c'est la même chose. L'universel est un concept. Malgré sa critique du réalisme, celui-ci résiste : Jean Sharpe le refonde. Et, pour LIbéra, la querelle prend fin avec la crémation sur le bûcher de Jérôme de Prague en 1416 qui réintroduit le platonicisme. La fin des interprétations successives d'Aristote achève la période qu'on appelle querelle des universaux.

Pour Libéra, tout cela est un mythe. L'histoire de la philosphie du Moyen Age est celle d'une transmission de la pensée, d'une tentative d'opposer ou de rassembler Platon et Aristote, malgré les siècles d'écart, les commentaires et les sources lacunaires. Période inventive et féconde, on la ramène à cette seule question des "universaux" qui aborde pourtant aussi la théorie de la connaissance, les questions de la perception, par exemple.
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Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
C’est en réfléchissant sur des puzzles tels que le mouvement de l’ange ou le « moment précis de la transsubstantiation » que les théologiens médiévaux ont fait avancer la philosophie, développant des logiques non standard que l’élucidation des processus naturels assumés par la philosophie d’Aristote ne réclamait pas […] Les théologiens anglais du XIVe siècle, les "calculatores", ne s'identifiaient pas aux philosophes de l’Antiquité, ils ne prétendaient pas savourer ni aimer un goût étrange venu de plus loin qu’ailleurs. En introduisant les notions de grandeur intensive et de proportion dans le champ de la physique, en mathématisant les qualités, en systématisant la pratique du raisonnement imaginaire - cette esquisse médiévale de l’ « expérience de pensée » - , ils n’en ont pas moins, sans le vouloir, puissamment contribué au développement de la philosophie telle que nous l’entendons aujourd’hui. Comme intellectuels, les « averroïstes » parisiens du XIIIe siècle et les « calculatores » oxoniens du XIVe siècle ne vivaient pas dans le même monde spirituel. [Néanmoins] le régime de la "disputatio" est l’élément fédérateur de toutes les attitudes philosophiques du Moyen Age. C’est la « question disputée » qui, organisée dans ses moindres détails par les constitutions universitaires (les statuts) a permis la double éclosion d’une philosophie de l’identification et d’une philosophie du jeu - identification éthique aux sages de l'Antiquité à Paris, jeux analytiques du langage et de la pensée à Oxford.
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Il ne fait pas de doute que c’est là [dans la dispute sur le parvis des églises], dans cet exercice intrinsèquement détaché de toute contrainte interprétative et de toute censure institutionnelle, que s’est développée, quasi pour elle-même, la méthode de raisonnement imaginaire "secundum imaginationem", qui a permis l’essor de la physique anglaise et de la pratique typiquement oxonienne du « calcul ». On peut penser que l’opposition entre l’identification et le jeu n’a pas été sans conséquences sur les manières assez divergentes dont les philosophes anglais et les philosophes continentaux se sont, par la suite, représentés la pratique de la philosophie
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On a donné ici quelques-uns des symptômes de la longue maladie d'un aristotélisme indéfiniment (re)platonisé : la continuation de la théorie platonicienne de la causalité éponymique des Formes dans l'interprétation antique et médiévale de la notion aristotélicienne de paronymie ou la permanence de l théorie des 3 états de l'universel [...], forgée par la scolastique néoplatonicienne des Vème et VIème siècle, transmise aux Latins par un "arabe", Avicenne, et un byzantin, Eustrate, standardisée par Albert Le Grand jusqu'à passer pour une invention du XIIIème siècle, avant que de finir, sous a plume des néo-albertistes, en structure portante du tous les choix philosophiques possibles.
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L'anthropologie de Thomas d'Aquin est à la fois aristotélicienne et chrétienne dans la mesure où elle rejette le dualisme platonicien de l'âme et du corps, et fait de leur union non la marque d'une déchéance originelle (thèse évidemment commune à Platon et à l'anthropologie chrétienne platonisante) mais un "bénéfice naturel" et radical pour l'âme elle-même. En terme philsophico-théologique cela signifie que l'état de séparation de l'âme et du corps est à la fois contraire à la nature comme telle et à l'"accomplissement de la personne humaine dans sa singularité propre".
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Le slogan philosophique est donc lancé par Averroès et par lui seul : [...] "aucune religion n'est vraie, même si elle peut être utile".
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Vidéo de Alain de Libera
Colloque de rentrée 2015 : Lumière, lumières Conférence du jeudi 15 octobre 2015 : Lumière, conscience et perception : la métaphore optique
Intervenant(s) : Alain de Libera, Collège de France
Retrouvez la présentation et les vidéos du colloque : https://www.college-de-france.fr/site/colloque-2015
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