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Archéologie du Sujet tome 1 sur 2
EAN : 9782711619276
448 pages
Vrin (27/08/2007)
5/5   1 notes
Résumé :
Le " sujet " n'est pas une création moderne. Ce n'est pas davantage un concept psychologique. Moins encore l'invention de Descartes. C'est le produit d'une série de déplacements, de transformations et de refontes d'un réseau de notions (sujet, agent, acteur, auteur, acte, action, passion, suppôt, hypostase, individu, conscience, personne, " je ", moi, Self, égoïté), de principes (attribution, imputation, appropriation) et de schèmes théoriques mis en place dans l'An... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Il ne s'agit pas de faire la généalogie du mot "sujet" dans le but de retrouver son premier emploi et le sens de ses emplois, mais bien son archéologie, dans un sens foucaldien, et donc de rechercher les structures qui ont permis l'émergence non pas tant du mot que de la notion ou du sens que l'on donne aujourd'hui au mot "sujet". Il faut alors retrouver ce qui n'est pas dit dans les textes, ce qui transpire des supposés intellectuels et tenter d'expliquer à partir d'eux les évolutions de la pensée qui mènent à la création d'un sens nouveau, à la fois incongru et sans validité avant l'émergence des conditions de son invention.

De Libera nie qu'il soit contradictoire de faire l'historicité discontinue d'un terme dont on prétend qu'il détermine ce qui est l'agent continu de l'histoire puisque l'entreprise foucaldienne est précisément de dépasser l'histoire par l'histoire et de retrouver comment la pensée en est arrivée à constituer un agent de l'histoire. L'erreur serait de reporter sur le passé le contenu d'un sens qui n'est apparu que dernièrement comme si on cherchait le romantisme dans l'antiquité où la subjectivité chez les Grecs. le Cogito fait partie de l'historiographie, une forme discursive d'un sens sous-jacent qui, lui, fait partie de l'histoire et qu'il s'agit de retracer. Il faut mener deux récits de front, celui de l'histoire (avènement du sujet en philosophie) et celui de l'historiographie (construction de la figure du sujet). La méthode sera emprunté à Foucauld et les outils à Heidegger (subjectité) et Aristote (attributivisme), Libera se proposant de construire le troisième.

Le sujet n'est pas assimilable au "je", c'est plutôt un réseau de sens qui se croisent et dont il faut retrouver la valeur au-delà de l'emploi des mots spécifiques (moi, ego, subjectum, je, etc.). C'est pour cela qu'il faut étudier les discours et en révéler l'impensé historique, qui est nettement théologique. Mettre en évidence dans les travaux philosophique les tentatives de réponses aux quatre questions : qui pense, quel est le sujet de la pensée, qui sommes-nous, qu'est-ce que l'homme, permet d'aborder cet impensé. Par exemple, le "je" de Kant est davantage celui d'une personne, un être qui se pose en face d'un autre comme interlocuteur. Et l'on saisit alors que toute la pensée philosophique repose sur les présupposés et les définitions qui ont été élaborées dans le cadre théologique de la définition de la Trinité, par le recours aux trois hypostases et à la substance. Heidegger a ignoré ce versant théologique des hypostases et a privilégié la version de la substance, ramenant la philosophie à être une anthropologie. Sa version du sujet est erronée car il se contente d'opposer essence et existence. le mystère de la Trinité, en divisant la substance divine marque en effet les concept qui autorise l'avènement du sujet par un rejet permanent du sujet et l'articulation des notions de l'homme, de l'ego, de la substance, de l'essence, de la personne, de l'hypostase, de la conscience, etc. Au contraire de Heidegger, il faut reprendre les travaux tenus au Moyen âge sur la question trinitaire pour comprendre que toutes les subtilités de définition de la notion contemporaine du sujet en sont issues.

De Libera propose une matrice de classification des thèses philosophique sur le statut de l'âme entre attributivisme (les états mentaux sont des prédicats d'un "ego"), substantialisme (l'esprit ou âme est une substance séparée du corps) et un concept qu'il a forgé et qu'il nomme attributivisme* (avec un astérisque) (le sujet s'attribue à soi-même des états mentaux et se reconnaît en être responsable). Il reprend ensuite la notion d'intention ou intentionalité chez Brentano, qui est notion de "se -diriger-sur", et démontre qu'elle est certes issue d'Aristote (De Anima), mais au travers de son traitement au Moyen âge entre "in-existence intentionnelle" où la notion est très exactement interprétée à l'opposée de celle de Brentano : une passivité de l'esprit. Cette seule notion, qui mène à deux interprétations contemporaines différentes (la passivité est conservée dans la philosophie analytique et mène à un concept lié à la volonté dans la phénoménologie), prouve qu'on ne peut se limiter à opposer la notion d'esprit chez Descartes (mens) à celle d'âme (anima) chez Aristote. Aristote n'est donc pas l'antithèse de Descartes : "Aristote n'a jamais été anticartésien" écrit-il avec humour ; même si "rien ne conduit directement d'Aristote à Descartes". II préfère reprendre les quatre définitions contemporaine de l'âme chez Aristote dans la philosophie analytique contemporaine (celle qui fait d'Aristote son ancêtre exclusif) et note qu'une des propositions, celle qui fait de l'âme un attribut du corps, est également commentée dans la notion moderne du sujet. Il retrace alors cette définition et commence avec Averroès.

Averroès critique l'idée que l'âme soit un attribut du corps. Sa conception est à la fois attributiviste, attributiviste* et substantialiste, selon les fonctions de l'âme. Thomas d'Aquin se demande à tour "qu'est-ce que l'homme ?" : est-ce un corps, une âme ou un composé des deux ? Locke reprendra les mêmes questions et, pour Libera, l'"Alcibiade" de Platon les exposait déjà. Thomas répond : essentiellement un intellect mais pas seulement. Ses autres réponses aux quatre questions permettent de poser les bases du sujet moderne comme une ontologie. D'autre ensuite s'interrogeront sur la question du moi. 1 corps, 1 âme, un composé des deux ? Cela fait penser à l'union hypostatique. C'est alors qu'intervient l'intérêt de la définition de la question de la Trinité.

Tout vient d'un problème de traduction. le grec dit "1 essence en 3 hypostases" qui devrait se traduire en latin par "1 nature en 3 substances" mais si on dit cela, alors tout est séparé. On dit alors "1 essence en 3 personnes". C'est un peu confusant et
Augustin s'emmêle les pinceaux. Il emploie essence pour substance et inversement en reconnaissant lui-même ne pas trop savoir. Il conçoit le modèle attributiviste* mais le refuse car ce serait faire de Dieu une substance, donc un corps. Jean de Damas, trois siècles plus tard, propose que les 3 "personnes" soient "imbriquées" les unes dans les autres par la périchorèse, que Libera nomme modèle périchorétique. Pour expliquer tout cela, Thomas réintroduit le modèle de "subjectum" aristotélicien (sorte de support des prédicats de l'être) auquel il intègre les actes mentaux d'Augustin. Il fait naître la notion d'agent-sujet puisque l'âme s'affecte à elle-même ses puissances (acte de pensée). L'âme est donc un sujet psychique et l'homme est sujet-agent de la pensée. Thomas fait donc entrer le sujet aristotélicien dans la trinité d'Augustin. Naît la notion de "personne" : "substance individuelle de nature raisonnable, ayant la maîtrise de ses actes [...] qui n'est pas simplement agie comme les autres, mais agit par elle-même". Reste à se demander concrètement "qu'est-ce qui fait d'une personne un sujet ?". C'est là qu'il faut s'interroger sur la notion de personnalité ou identité, et ce sera le travail du volume n°2.

Le travail de Libera est stupéfiant de subtilité, d'exigence intellectuelle et d'érudition.
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Citations et extraits (29) Voir plus Ajouter une citation
L'agent se reconnaît lui-même comme "propriétaire" (owner) de ses acts, se les "approprie" en se les attribuant comme "siens", ou comme le dit lumineusement Locke dans sa définition juridique de la personne comme "terme de Barreau" "appropriant" des actions, la personne "prenant intérêt" à "des" actions "passées" "en devient responsable", parce qu'elle "les reconnaît" pour "siennes" et se les "impute" sur le même fondement et pour la même raison qu'elle s'"attribue" des actions "présentes". Reconnaissance et "aveu" sont ici étroitement liés "dans" et "par" la langue, dans et par cet extraordinaire "échange conceptuel" qu'est la sémantique de "own", "owner", "owness".
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La construction du modèle attributiviste* supposait que la référence thomasienne soit dépassée par de nouvelles questions posées à partir des réponsees de Thomas. Cette question a été : quel est le sujet de la pensée ? et la réponse sera : l'homme. Mais pour y arriver, il leur a fallu passer par : "Est-ce l'homme qui pense ou l'intellect ?" Cette question est formulée comme : "Quelle est la cause efficiente de nos pensée ?" Pour approfondir, on se demande : "Quel est le sujet de la pensée ?"
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Notre propos est de montrer que "le sujet aristotélicien est devenu le sujet-agent des modernes en devenant "suppôts" d'actes et d'opérations. [...] Descartes n'ayant pas joué de rôle décisif en l'affaire, on ne s'étonnera pas non plus que le "sujet cartésien" soit, sinon humilié, du moins subordonné à la figure leibnizienne du "suppôt d'action", hérité du MA et de la Seconde Scolastique et qu'une attention particulière soit donnée aux principes scolastiques qui, fondant la transformation du ci-devant sujet d'inhérence en sujet agissant, valent à nos yeux comme autant de règles de passage d'une formation discursive comme une autre.
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L'entrée du "sujet" aristotélicien dans le dispositif trinitaire augustinien est le premier évènement décisif dans l'histoire scolastique de la subjecti(vi)té. Le second, qui en est comme la réciproque ou la contrepartie, consiste en l'introduction du "verbe" augustinien dans le dispositif noétique aristotélicien de l'abstraction. Dans les deux cas, Thomas d'Aquin a joué un rôle décisif.
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Brentano, Husserl, Heidegger appartiennent chacun à la tradition péripatéticienne, et c'est en revenant de manière critique sur certaines thèses centrales de l'ontologie et de la philosophie d'Aristote qu'ils ont formulé leurs projets philosophiques,à la fin du XIXème siècle et au début du XXème siècle. La redécouverte d'Aristote par les philosophes d'Oxford, prolongés par une série de nouvelles traductions [...] manifeste claisrement la nature et la portée des différences qui séparèrent philosphie "analytique" et philosophie "continentale" - l'"Aristote" d'Austin et des philosophes "britanniques", de J. Ackrill à J. Barnes, n'est pas celui de Heidegger. Les traductions anglaises et allemande de textes aristotéliciens ne sont en rien superposables. Les disparités ne sont pas pour autant le simple reflet d'idiosyncrasie "nationales" ou l'expression de décisions individuelles ; elles sont portées par une histoire.
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Videos de Alain de Libera (6) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Alain de Libera
Colloque de rentrée 2015 : Lumière, lumières Conférence du jeudi 15 octobre 2015 : Lumière, conscience et perception : la métaphore optique
Intervenant(s) : Alain de Libera, Collège de France
Retrouvez la présentation et les vidéos du colloque : https://www.college-de-france.fr/site/colloque-2015
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