J'ai l'impression d'être un arbre, d'être couverte d'une écorce épaisse, parce que je comprends bien, à présent, que je suis enfermée. Je suis comme dans un cercueil qui serait mon propre corps . Emmurée en moi-même. Je toque sur la paroi intérieure de ma peau, mais personne ne m'entend.
Subir, se préparer au pire, être courageuse. Oui, mais ce ne sont pas mes seuls mots d'ordre. J'ajoute les mots suivants, et, au final, ce sont eux les plus importants : trouver le bonheur partout et garder confiance en l'avenir. (114)
Est-il possible qu il n ait rien vu? Qu il n ait pas repéré mon âme inquiète? Mon âme qui crie, qui pleure et appelle au secours?
Il ne peut pas ne pas avoir vu une étincelle de vie au fond de cet oeil-là. Il ne peut pas avoir conclu que je n étais rien qu un arbre mort, qui ne méritait pas même qu on le jette à la rivière.
Je les ai identifies : le grand, c'est le réanimateur qui est plutôt présent en semaine, le petit est celui quinestnla, le week end. Et j'ai bien compris que, comme moi, elles ont chacune leurs preferences.
Malgré les inévitables exceptions, j'éprouve une empathie naturelle pour toutes ces personnes, des femmes en grande majorité, qui traversent chaque jour les SAS sanitaires pour venir travailler ici. J'admire leur engagement. Elles se démène nt dans un service extrêmement difficile. Un service hanté par la mort. Lorsque l'on évolue en, permanence aux frontières de la vie, il faut savoir garder le controle de ses émotions, se parer des risques de sensiblerie, résister a toutes mes tentations de faiblesse. Comment font-elles pour supporter les deuils successifs auxquels elles sont confrontées ?
- Il y a cette respiration rapide à côté, celle d'un autre être vivant pris au piège, lui aussi, dans l'écroulement soudain du monde. Mais à part ça, tout est calme. Est-ce toujours aussi tranquille après un séisme? Est-ce le même silence qui succède au vacarme des catastrophes?
- [...] Des petits riens. Des points d'interrogation sans importance, comme il s'en présente régulièrement dans nos vies et que l'on oublie tant que cette vie suit son cours ordinaire. Une fois que le drame est enclenché, ils deviennent des signes avant-coureurs.
- [...] Or, aujourd'hui, je sais qu'il est essentiel de parler même à ceux que l'on croit morts. Aujourd'hui, je sais qu'un malade est condamné si personne ne vient le voir.
- Subir, se préparer au pire, être courageuse. Oui, mais ce ne sont pas mes seuls mots d'ordre. J'ajoute les mots suivants, et, au final, ce sont eux les plus importants : trouver le bonheur partout et garder confiance en l'avenir.
- Malgré les inévitables exceptions, j'éprouve une empathie naturelle pour toutes ces personnes, des femmes en grande majorité, qui traversent chaque jour les sas sanitaires pour venir travailler ici. J'admire leur engagement. Elles se démènent dans un service extrêmement difficile. un service hanté par la mort. Lorsque l'on évolue en permanence aux frontières de la vie, il faut savoir garder le contrôle de ses émotions, se parer des risques de sensiblerie, résister à toutes les tentations de faiblesse.
- "livre": c'est un beau mot.
En les épelant,avec Ray,je redécouvre ces noms si "communs" qu'ont ne les remarque plus. Les mots familiers prennent un nouveau relief. "Livre" ca pourrait etre de la meme famille que "livrer" et "délivrer". Je réalise à quel point les mots "livre"et "libre" se ressemblent. Leurs sens se rapprochent autant que leurs sons.
C'est tout à fait ça:j'ai besoin d'un livre pour me délivrer.
- L'espoir, c'est une petite flamme de bougie menacée par le vent ; il faut la protéger délicatement, au creux de ses mains, la veiller comme un trésor.
On n'existe que dans le regard des autres.
En réa, les soignants s'adressent d'abord à des machines. Des écrans leur disent si la partie peut continuer, ou s'il elle vient de se terminer; alors, c'est comme si les mots " Game over " venaient de s'afficher...
Je ne leur en veux jamais de rire devant les portes de ceux qui souffrent. Au contraire, je les en remercie. Leur énergie représente la vie, et la vie, il n'y en a jamais de trop dans un service comme celui-ci. Chaque rire qui fusedans ces couloirs dépersonnalisés est un pied de nez adressé au malheur. (111)
Une belle leçon de vie...
Je ne suis pas dans une chambre avec vue, mais au moins suis-je dans une chambre avec vie.