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EAN : 9782954288826
208 pages
Editions Synops (07/07/2014)
4.25/5   8 notes
Résumé :
Il y a 36 000 ans, les artistes de la période aurignacienne ont réalisé un chef-d'oeuvre absolu sur les parois de la grotte Chauvet-Pont d'Arc, en Ardèche : plus de 1 000 figures magistralement peintes et dessinées, les plus anciennes connues à ce jour, dont 442 animaux saisissants de beauté.
Un trésor artistique et préhistorique sans pareil, récemment inscrit sur la liste du patrimoine mondial par l'Unesco. Cet ouvrage retrace l'histoire de Chauvet-Pont d'A... >Voir plus
Que lire après Chauvet-Pont d'Arc, le premier chef-d'oeuvre de l'humanité révélé par la 3DVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Je remercie chaleureusement Babélio et les éditions synops pour ce partenariat.

Ce splendide ouvrage raconte une histoire, une histoire vieille de 36 000 ans, l'histoire extraordinaire d'artistes qui laissèrent là leur empreinte, et de précieuses informations, encore mystérieuses pour beaucoup d'entre elles. Cette histoire est celle des Aurignaciens qui peuplèrent l'Ardèche, de leur habitat, de leur mode de vie, et de leur art. Histoire découverte en 1995 par des spéléologues (Christian, Hilaire, Eliette Brunel et Jean Marie Chauvet), ce dernier laissant son nom à la grotte et ses co-équipier à une des salles de cet immense musée de la préhistoire. Cette découverte suscita une émotion énorme pour ses découvreurs, pour les spécialistes et l'ensemble des scientifiques qui y travaillent encore aujourd'hui. Je ne peux m'empêcher d'essayer de de me mettre dans la peau des spéléologues : imaginez-vous en train de pratiquer votre sport favoris dans ces couloirs sombres, non sans peine, et soudain, vous apercevez, dans un décor fantastique de colonnes de calcite scintillantes, des ossements, des éléments fossilisés qui vous font réaliser que vous allez découvrir ce que tout spéléologue rêve de découvrir dans sa vie ! Des oeuvres sur les parois, mammouths, ours, aurochs, félins, rennes… de quoi bouleverser un individu !
La grotte Chauvet , découverte en 1995 fait de recherche scientifique depuis 1998, on a commencé par la mesurer au moyen du relevé topographique permettant de fournir des mesure dans les trois dimensions de l'espace, ce qui a demandé 120 jours de travail et 60 000 mesures : grâce à ce procédé de mesure innovant, on connaît les dimensions exactes de la grotte située à 76 mètre sous le plateau, longue de 242 m pour une superficie de 8 500 m² pour une surface totale incluant les parois et le plafond de 44 500 m². Ce qui m'a impressionnée, ce ne sont pas tant les dimensions de la grotte que les moyens mis en oeuvres et les avancées dans le domaine de la recherche qui aboutissent aujourd'hui à des données de plus en plus fiables et précises.
La grotte Chauvet n'a pas fini de révéler ses secrets. D'éminents spécialistes travaillent à faire ressurgir des informations ô combien précieuses sur l'art des origines : ce qui est transmis dans cette grotte semble être un aboutissement et non un début, qui laisse supposer qu'ailleurs, dans les entrailles accessibles de la terre en cette région, d'autres artistes se sont exprimés, antérieurement, n'est-ce pas là motivant ???? Savoir que de tels trésors enfouis pourraient encore être révélés au grand jour ?
Les oeuvres découvertes au Pont d'Arc sont d'une importance capitale pour la connaissance de l'évolution de l'histoire de l'humanité : elles révèlent une organisation dans l'espace, la peinture étant réalisée par zones différant par les teintes employées, les techniques, les sujets représentés. Elles montrent également l'oeuvre d'artistes qui maîtrisaient le geste graphique, la couleur, l'espace, la notion de perspective liée à l'observation de leur environnement. Ils ont su exploiter certains aspects de la paroi pour mettre en évidence certaines caractéristiques des êtres qu'ils ont représentés. Il furent de grands maître !
Bien des questions restent aujourd'hui sans réponse : le caractère surnaturel, magique, religieux de ce qui ressemble à un sanctuaire de par les éléments découverts : un crane d'ours trônant sur un bloc rocheux, des amas de pierres qui ne sont pas placées par hasard, des blocs de calcite déplacés et réassemblés… La seule certitude, je cite est que « la grotte dans son ensemble était le reflet fidèle d'une organisation sociale structurée, complexe ».
Cet ouvrage plus qu'intéressant devient passionnant si on s'intéresse aux techniques s employées pour transmettre au public des images qui n'auraient pas été si précises dans la réalité de la grotte : le modèle 3D, qui consiste à créer un objet en trois dimensions en associant différentes techniques.
Les photos d'excellente qualité proposées dans ce livres sont issues de ces techniques, et l'équipe y travaillant ne s'est pas arrêtée à des photos, car en téléchargeant une application sur son web phone ou sa tablette, on parvient à se déplacer dans la grotte et à observer les productions des artistes, à approfondir le sujet grâce à des contenus multimédias. Magnifique travail !
Mais ces chefs d'oeuvres deviendront désormais éphémère si on ne les protège pas : les grottes de Lascaux en témoignent, et c'est sur cette expérience que les scientifiques s'appuient pour préserver ce site jusque là inviolé et intact : non seulement le public ne peut y poser le pied, mais les spécialistes se voient attribuer un quota de présence dans ces cavités égal à condition que la période soit propice en fonction d'un certain nombre de paramètres : température, hygrométrie, échanges gazeux… et c'est certainement une bonne chose car nous avons aussi le devoir de respecter l'oeuvre et le sanctuaire laissé en héritage pas nos ancêtres.
Les auteurs sont parvenus à leurs fins en éditant cet ouvrage : montrer combien la découverte de la grotte Chauvet est capitale, passionner le lecteur en transmettant leur propre passion, user de procédés techniques de pointe pour transmettre encore mieux l'information.
Merci aux auteurs pour ce bijou, Ils ont su transmettre leur passion.





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Les hommes préhistoriques de la période aurignacienne (40000 ans avant J-C) ont certainement ressenti comme nous l’extraordinaire beauté du site avec le cadre majestueux du Pont d’Arc qui enjambe une rivière sinueuse. Pour contourner une barre rocheuse, cette rivière a creusé le cirque d’Estre et fait apparaître des falaises escarpées. Au-dessus du méandre asséché, s’ouvrait (à l’époque des artistes préhistoriques) sur le flanc de la montagne une immense entrée de dix mètres de haut, visible de très loin. Ce porche a aujourd’hui disparu suite à un éboulement de la roche (il y a environ 21000 ans) condamnant ainsi l’accès aux hommes et animaux.

En décembre 1994, trois spéléologues (Eliette Brunel, Christian Hillaire et Jean-Marie Chauvet) s’intéressent, comme depuis de nombreuses années, à la richesse souterraine de la région. Ils recherchent à travers les fissures de la paroi le moindre souffle d’air. Ayant repéré quelques semaines auparavant un filet d’air dans la paroi (en surplomb de l’ancienne entrée), ils avancent en rampant dans un étroit boyau puis débouchent dans une vaste cavité ; la beauté minérale les sidère. Sur les sols argileux parfaitement conservés, ils marchent doucement entre des ossements d’ours. En pénétrant dans de nouvelles galeries, Eliette Brunel s’écrie : « Ils sont venus ». Sur les parois des peintures de chevaux, félins, rhinocéros se mélangent par dizaine. Encore chamboulés par leur découverte, les trois amis quittent avec précaution les lieux. Un semaine plus tard, la veille de Noël, ils reviennent accompagnés de trois amis. Pour protéger le sol, ils installent des bandes en plastique. Ils atteignent le fond de la cavité et découvrent une fresque unique et bouleversante.
« Nous en avions tous les larmes aux yeux, et nous nous demandions en permanence si nous ne vivions pas un rêve éveillé » raconteront par la suite les découvreurs. Le préhistorien, spécialiste de l’art pariétal Jean Clottes se rend le 29 décembre pour authentifier la découverte. D’abord sceptique, le spécialiste est vite stupéfait par ce qu’il voit. Devant la scène des Félins, il ressent l’une des grandes émotions de sa carrière. Certain de l’authenticité des peintures, il reste six heures dans la grotte en compagnie des découvreurs et de deux autres personnes.

Le 18 janvier 1995, le ministre de la culture Jacques Toubon annonce l’existence de la grotte Chauvet avec ses fabuleux trésors artistiques en compagnie des trois spéléologues.
Des prélèvements dont des échantillons de charbons de bois permettent, par la technique du carbone 14, de dater les peintures (autour de -35000 ans). Il s’agit des plus anciennes représentations de l’humanité, deux fois plus vieilles que celles de Lascaux. Notre conception de l’art préhistorique s’en trouve alors complètement bouleversée. En effet, on peut constater qu’il n’y a pas d’évolution stylistique dans l’art pariétal. Les artistes de la grotte de Chauvet sont aussi talentueux que ceux de la grotte de Lascaux. Ainsi, la notion de progrès n’existe pas dans l’art à l’inverse de la science. Les théories de Leroi-Gourhan se trouvent contredites car il parle d’une évolution stylistique, les formes représentées étant très schématiques à l’Aurignacien ; ce qui n’est pas du tout le cas ici.

La protection de la grotte est rapidement mise en place avec une lourde porte blindée reliée à un système de vidéo surveillance. L’accès au public est interdit. Afin d’éviter les erreurs faites à Lascaux, les visites sont rares et dépendent de plusieurs paramètres physiques enregistrés par des capteurs comme la teneur en gaz carbonique.

La capture de la grotte en 3D permet de mieux saisir les volumes, mettant en évidence les trous et les saillies. Des scanners ont enregistré seize milliards de points. Sur ces surfaces 6000 photographies réalisées en haute définition par Lionel Guichard ont été superposées. Sans se déplacer, le spectateur peut alors, par l’intermédiaire de son ordinateur (sur le site lepremierchedoeuvre.com), admirer les peintures de la grotte en visualisant bien les dessins qui épousent parfois les courbures de la roche. Les artistes ont parfaitement utilisé les anfractuosités des parois. Le relevé topographique montre la grotte selon les trois dimensions. On peut aussi voir dans l’espace, un crâne d’ours qui a été posé sur un rocher. Quelle était l’intention de ce geste, cérémoniale, rituelle… ?

La grotte renferme 442 représentations animales, des signes (points, traits, hachures) et des empreintes humaines (des mains en positif ou négatif) qui remettent en cause nos réflexions à propos de l’origine de l’art. Le bestiaire est dominé par des animaux dangereux (félins, mammouth, rhinocéros, ours).

Les techniques utilisées sont parfaitement maîtrisées et très diverses (fusain, peintre à l’ocre rouge et jaune, tampon, gravure, raclage, estompe…). Des mises en scènes avec des associations complexes suscitent notre admiration et provoquent une véritable émotion esthétique. On pense que seulement quelques artistes ont œuvré, peut-être encadrés par un maître car on retrouve des ressemblances dans la façon de représenter les oreilles. Ces artistes étaient sans doute assimilés à des chamans, donnant à la tribu une pensée spirituelle.
Les études ont montré que certaines empreintes de mains étaient celles d’une femme ou d’un adolescent. Des aménagements de la grotte ont été réalisés par les hommes préhistoriques car des blocs de pierre ont été déplacés afin de former des marches ou un bassin.

Après avoir descendu une échelle métallique, on entre d’abord dans la salle Brunel, où on remarque à l’ouest l’éboulis qui a fermé l’ouverture première de la cavité. Au fur et à mesure que l’on progresse les peintures se révèlent de plus en plus présentes et envoûtantes. Dans la salle Hilaire, neuf ensembles regroupent des dizaines d’animaux. Ainsi le panneau des chevaux montre toute l’habilité des artistes et leur faculté à concevoir des mises en scènes très élaborées. Dans le prolongement de la salle Hilaire, la salle du Crâne est recouverte au sol d’ossement d’ours. Au centre de cet « amphithéâtre », est posé sur un bloc de pierre un crâne comme un acte symbolique. La salle du fond constitue le saint des saints avec des panneaux monumentaux et très expressifs comme le fameux panneau des lions d’une beauté fascinante.

Le projet d’un fac-similé à deux kilomètres de la grotte faisant appel à des technologies de pointe et au talent d’artistes copieurs voit le jour en 2007. En 2015 la fin du chantier permet l’ouverture de la Caverne du Pont-d’arc (reconstitution de Chauvet-Pont d’Arc).

Ce livre permet une immersion totale dans la grotte en raison de la qualité des images, le tout renforcé par la 3D sur ordinateur. D’un abord facile, le texte replace fort bien le contexte de la découverte et la portée historique de celle-ci.

Un magnifique et passionnant livre que je vous recommande !
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Ce livre en format (23cm H. et 24 L.) est d'une haute qualité d'impression des photos et avec un “accès en 3D*”, c'est un ouvrage bien à part dans sa catégorie.
Nous avions déjà pu voir le film documentaire extraordinaire (du 31/08/2011) de Werner Herzog « La Grotte des rêves perdus » qui m'avait laissé complètement “pantois” et disons-le impressionné très durablement ! Enfant, pas encore mes dix ans, j'avais avec mes parents fin des années cinquante eu le privilège de pénétrer l'atmosphère si particulière de la Grotte de Lascaux ; même très jeune, le souvenir m'en est resté gravé, fasciné que j'avais été. Ainsi quand Dominique Baffier exprime son ressenti et la sensation de présence atemporelle : « Comme si, à chaque fois que nous pénétrons par l'entrée, les artistes quittaient la grotte par l'autre extrémité », j'ai tout de suite compris ce qui pour moi résumerait “ma critique” ; rien d'autre de “qualifiant” serait assez juste, assez puissant pour exprimer ce que cela m'inspire.
La conception est excellente, l'écriture soignée se “moule” dans le propos, soucieux de ne pas trop encombrer de termes abscons la partie plus scientifique et technique explicative.
Le rendu sur fond noir des photos est un bon choix à mon humble avis, en particulier le chapitre 5, qui laisse sans voix ! Quand à la page 72, Picasso ne l'aurait sans doute pas “reniée” !
Le panthéon nous subjugue par la puissance et la perfection du trait esthétique, tout en mouvement dans un relief de roches qui fait surgir les représentations comme vivantes. le choix des “animaux imposants” en majorité, par les artistes, évoque “le sacré initiatique” dans la puissance, c'est très stylisé, symbolisé par-delà le réalisme ! Car ces animaux étaient certainement redoutables pour la plupart, le graphisme exprime le respect de leur état, leur grandiose majesté, dans un environnement où l'humain avait à peine sans doute “l'autorisation de vivre” !
(nous regrettons toutefois l'absence de représentation du Hibou grand-duc très émouvant...)
https://www.google.fr/search?q=hibou+grotte+Chauvet&tbm=isch&tbo=u&source=univ&sa=X&ei=AVz_VPvdIoXjUaCfhJgO&ved=0CCQQsAQ&biw=1280&bih=619
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Note du 02 oct. 2016:
Nous avons pu visiter en septembre 2016, l'ensemble « Caverne du Pont d'Arc » en Ardèche à 2 kms environs de la « Grotte Chauvet » ; c'est une reconstitution très réaliste, le travail exécuté est vraiment très minutieux. La guide du parcours, qui avait pu voir l'original nous a précisé cet aspect. Une chose n'a pu être rendu toutefois, la vastitude du lieu et sa profondeur, son ampleur et son “atmosphère”, ce qui aurait demandé des travaux d'un ampleur considérable, le prix d'investissement de l'ensemble de l’infrastructure ayant déjà coûté 55 millions d'euros … (prévoir au moins une demi-journée pour pouvoir profiter pleinement du lieu … de préférence avec un temps agréable)
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* Il serait trop long d'aborder l'extraordinaire complément mis à disposition, mais je ne peux m'empêcher de citer ce qu'offre vraiment de passionnant les “plongées des immersions-interactives” et la vidéo “diverticule des Ours” qui montre l'utilisation des reliefs du support rocheux qui permettait avec la lueur des torches de donner l'illusion des mouvements de la musculature de l'animal représenté, ici l'ours... c'est prodigieux !
En outre les explicatifs audio sont d'un apport inestimables, et j'ai un “faible” pour les commentaires explicatif de Jean Clottes...
Lien : http://versautrechose.fr/por..
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Grâce à ce beau livre, visitez la grotte Chauvet-Pont d'Arc comme personne ne l'a jamais fait et ne pourra jamais le faire ! Cet ouvrage exceptionnel offre en effet une expérience d'immersion totale dans la grotte, nous permettant ainsi de contempler, dans toutes ses dimensions, les premières images de l'humanité connues à ce jour.
Ces photographies saisissantes ont été prises grâce à la réalisation d'un modèle 3D de la cavité originale, que l'on pourrait définir comme son clone informatique (consistant en l'enregistrement tridimensionnel des volumes associé aux photographies des parois). Cette technologie permet ainsi de s'affranchir des contraintes naturelles de la grotte et donc de réaliser des prises de vue sous des angles, cadrages et points de vue impossibles dans la réalité, dévoilant ainsi toute la richesse géologique, archéologique et artistique de la cavité. Les reliefs accidentés des parois, les multiples renfoncements de la roche, les anfractuosités et autres replis cachés, qui ont souvent servi de supports aux figures peintes et dessinées, difficilement observables à l'oeil nu, sont ainsi révélés dans toute leur splendeur. Un document inestimable.
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Une visite à la Caverne du Pont d’Arc, cet automne, me donne l’occasion de remodeler la critique que j’ai écrite quand j’ai reçu ce livre dans le cadre d’une Masse Critique. Comme quoi les routes de Babelio trouvent parfois des ramifications concrètes.

Si le fac-similé ne rend pas la sensation d’espace de la grotte originelle, il offre par contre une juste approche des peintures. Elles sont plus grandes que je ne me l’imaginais. Impossible de se glisser dans l’esprit des Aurignaciens, d’avoir une perception directe de leur monde, mais la vision de leur sensibilité qui chemine sur les parois fait frissonner ce qui reste en nous de leurs gènes.

Le chapitre 5 du livre reproduit cette immersion. Tranche noire, pages noires sur lesquelles se révèlent les tâches de lumière des parois ornées. Le rendu de la 3D est réaliste, beaucoup plus parlant que des photographies. Les pierres gravées dévoilent leur matière, les roches incurvées insufflent leur vie aux animaux, on touche la caverne du doigt, à tel point que nos propres empreintes digitales viennent s’imprimer sur la surface noire. L’expérience est sensorielle.

Du livre à la visite, de la visite au livre, strates de compréhension et d’approche de ce que peut être la grotte Chauvet, espace d’une mémoire subtile où de multiples possibilités de développement étaient encore ouvertes pour l’hominidé.

[Lu dans le cadre de ces fabuleuses masses critiques]


Lien : http://versautrechose.fr/blo..
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critiques presse (1)
LeMonde
08 décembre 2014
Une immersion, 36 000 ans en arrière, dans ce chef d'œuvre de l'art aurignacien qu'est la grotte Chauvet dont, en 2015, une reconstitution fidèle devrait être présentée au public.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
Une cavité sous le signe de l'eau et de l'ours
Ce sentiment d'un investissement total de la caverne, d'une structuration organisée de son espace est renforcé par d'autres indices archéologiques. Les spécialistes ont ainsi noté que des crânes d'ours fossilisés ont été intentionnellement déplacés de leur position d'origine. Ce fut le cas dans la salle du Crâne, où l'un d'eux a été déposé volontairement sur un bloc rocheux détaché de la voûte, en compagnie d'autres crânes disposés aux alentours. Autre découverte, confirmée par l'analyse tridimensionnelle de blocs rocheux situés sur le sol : certains amas de pierre ont été formés volontairement par les hommes, peut-être dans un but cultuel, comme dans la salle des Panneaux rouges. Dans la salle Hillaire, un bloc de calcite détaché d'une paroi a été déplacé sur plusieurs dizaines de mètres, puis aménagé pour former une marche, permettant de franchir le dénivelé d'une banquette d'argile. Dans la galerie du Cierge, d'autres blocs ont été déplacés, puis assemblés pour former un bassin de rétention d'eau, rendu étanche par de l'argile prélevée à quelques mètres de là, dans laquelle l'auteur de cet aménagement mystérieux a laissé l'empreinte de ses doigts.
A-t-on voulu retenir l'eau pour l'empêcher de s'écouler plus loin dans la cavité? Avait-elle une fonction rituelle, codée ? Le mystère reste bien sûr entier, même si d'autres faits militent en faveur d'une importance symbolique de l'eau pour les artistes de Chauvet-Pont d'Arc. Ainsi, le panneau des Chevaux de la salle Hillaire, chef-d’œuvre majeur du sanctuaire, est-il structuré et organisé autour d'une alcôve dont on s'approche aujourd'hui en avançant sur une passerelle. Là, au pied de la paroi de l'alcôve, sous l'image d'un bison qui semble vouloir s'échapper au galop et de deux félins en pleine parade nuptiale, une anfractuosité dans la roche est visible. Lors des fortes pluies, l'eau coule par cette ouverture à la manière d'une source, dans un gargouillis caractéristique. Le phénomène spectaculaire, s'il s'est produit à l'époque, n'a pu que marquer l'esprit des Aurignaciens. Se peut-il, comme le propose l'anthropologue Joëlle Robert-Lamblin, qu'ils aient vu dans ce filet d'eau surgi de l'arrière de la paroi une manifestation surnaturelle ? Leur rappelant le prodige de l'arche de pierre du Pont d'Arc enjambant la rivière, non loin de la caverne ? Pour cette chercheuse, la grotte considérée comme sacrée par les hommes était peut-être placée, dans son ensemble, sous le signe de l'ours, omniprésent sur les sols fossiles et les parois. Un plantigrade considéré comme « un intermédiaire entre le monde sensible et un monde surnaturel » peuplé d'esprits, dont la cavité aurait été le séjour. Dans ce monde souterrain et effrayant, les artistes, peut-être aussi chamans, allaient à la fois éprouver leur courage et représenter sur la roche les images qui supportaient les mythes fondateurs de leurs groupes.
Ce caractère surnaturel supposé de la caverne aurait pu être renforcé par les innombrables anfractuosités, failles et recoins naturels, dont les animaux peints il y a 36 000 ans semblent souvent surgir. Comme s'échappant du « monde autre », un au-delà hypothétique dont la paroi aurait marqué la frontière, dans le cadre chamanique proposé par Jean Clottes pour interpréter l'art paléolithique. Dans ce même cadre, l'acte d'apposer la main sur la paroi, tant de fois répété à Chauvet-Pont d'Arc puis plus tard tout au long de l'art préhistorique, aurait eu pour fonction d'entrer en communication, symboliquement, avec les forces, les esprits et les puissances de cet au-delà minéral.
p. 82
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Pour préparer leur pigment, en particulier le fusain de charbon de bois, ces quelques artistes, peut-être encadrés par un seul maître, ont réalisé la combustion de branches de pin sylvestre, en particulier dans des zones profondes de la cavité. Mais en évitant de le faire dans la salle du Fond, l'une des plus richement décorées, peut-être pour ne pas l'enfumer. Une fois leur crayon fabriqué, c'est avec des traits rapides et assurés qu'ils ont fait naître sur les parois les lions, aurochs et chevaux qui accueillent le visiteur, comme tapis dans l'ombre des salles avant que la lampe torche du guide ne les illumine...
L'émergence de l'art à Chauvet-Pont d'Arc signifie-t-elle qu'il est apparu subitement, inventé par des génies doués d'une intelligence et d'une maîtrise technique en rupture avec les Homo sapiens qui les précédaient ? Certainement pas. Chauvet-Pont d'Arc n'a pas surgi du néant et d'autres formes artistiques antérieures ont dû exister, peut-être dans d'autres cavités encore inconnues, ou sur des supports périssables, peaux, écorces ou parois en plein air. De plus, Chauvet-Pont d'Arc n'est pas complètement isolée aux sources de l'art pariétal paléolithique. D'autres sites ornés ont été datés à des âges aussi reculés : Deux-Ouvertures, Tête du Lion et la grotte aux points en Ardèche, l'abri Castanet en Dordogne, Baume Latrone dans le Gard et Coliboaia en Roumanie. De plus, on retrouve dans ces deux dernières grottes des bestiaires proches de celui de Chauvet-Pont d'Arc, composés de félins, de mammouths et de rhinocéros. Proximité culturelle renforcée par des convergences de style, par exemple, cette même façon de figurer, à Coliboaia comme en Ardèche, les oreilles des rhinocéros au moyen d'une virgule de part et d'autre de la ligne du dos. Ainsi, c'est une véritable Europe de la culture qui se dessine à l'aube de l'occupation de ce continent par Homo sapiens, inventée et importée par des tribus de chasseurs-cueilleurs nomades venus de l'est, d'Eurasie et du Proche-Orient. Des nomades qui ont peu à peu colonisé l'ensemble de l'Europe, emportant leurs croyances, leurs techniques et leurs organisations sociales. Ils ont réalisé à Chauvet-Pont d'Arc, après avoir élu ce site façonné par les éléments naturels assimilés à des divinités, leur plus fabuleux chef-d’œuvre.
p. 78
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Comme leurs pairs d'autres régions, les artistes de Chauvet-Pont d'Arc ont respecté certaines conventions stylistiques traduisant certainement une sorte de contrôle exercée par les groupes, dans la forme générale des animaux et la manière de figurer les yeux, les oreilles et les membres. Pour autant, ceux qui ont orné la grotte Chauvet-Pont d'Arc ont également exprimé une créativité, une liberté dans le trait associée à une qualité d'observation et de reproduction tout à fait hors du commun. Pour dessiner avec une telle précision certains détails anatomiques des membres, de la tête ou du poitrail, il est probable, d'après la préhistorienne et membre de l'équipe scientifique Valérie Feruglio, que les Aurignaciens aient longuement observé au préalable leurs modèles dans leur environnement. Voire même, qu'ils aient réalisé l'équivalent de dissections anatomiques sur les animaux chassés ou retrouvés morts. Au moment d'effectuer leurs figures au fond de la cavité, ils se sont ensuite affranchis de certains codes graphiques et du « bain culturel aurignacien » évoqué par Valérie Feruglio, pour s'autoriser, dans le secret du sanctuaire, une « véritable liberté créatrice » à l’œuvre.
À la fois artistes remplissant cette fonction de nature spirituelle au service du groupe et créateurs à part entière, les peintres de Chauvet-Pont d'Arc ont investi la cavité dans son intégralité, en alternance avec l'ours des cavernes qui y hivernait, comme l'indiquent les griffades superposées à certains dessins. La présence de l'homme est en effet avérée jusqu'aux moindres recoins du sanctuaire, même non ornés. Ainsi, dans la galerie des Croisillons, à plus de 200 mètres de l'entrée, des empreintes de pas d'un préadolescent ont été découvertes, témoignage émouvant d'une exploration qui s'est déroulée il y a peut-être 36 000 ans à l'Aurignacien, ou plus récemment lors du deuxième passage des hommes. La présence humaine, troublante, est également palpable face aux figures dont les traits semblent avoir été dessinés la veille. Ou devant ces émouvantes empreintes apposées sur la roche, paumes ou mains complètes négatives et positives. L'étude scientifique a montré que certaines mains étaient celles d'une femme ou d'un adolescent (le même que celui de la galerie des Croisillons ?). Et que d'autres ont appartenu à un homme de grande taille, 1,80 mètre environ, dont l'auriculaire légèrement tordu se retrouve en plusieurs points de la cavité. Magie incomparable de Chauvet-Pont d'Arc où Homo sapiens est là, présent sur les sols et les parois, dans toute son humanité.
p. 79
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Artistes confirmés, ceux qui ont peint et dessiné à Chauvet-Pont d'Arc devaient bénéficier d'une position à part dans le groupe, peut-être privilégiée.
Complètement immergés dans leur milieu naturel, ils se consacraient à plein temps à l'art et à leurs autres fonctions rituelles. Observant les animaux de longues journées durant, avant de les représenter sur les parois. Ils devaient aussi transmettre leurs savoirs rituels et picturaux à leurs successeurs, qui les accompagnaient peut-être au fond de la cavité. Cela explique-t-il la présence d'adolescents à Chauvet-Pont d'Arc, comme cela sera encore le cas dans d'autres sanctuaires plus tardifs ? L'hypothèse est plausible. Les artistes, peut-être aussi chamans, étaient certainement en charge de la vie spirituelle des tribus aurignaciennes, leur conférant la cohérence et la stabilité, seule à même d'expliquer l'extraordinaire longévité de l'art pariétal paléolithique, durant 25 millénaires.
À Chauvet-Pont d'Arc, les Aurignaciens n'ont pas seulement écrit le premier chapitre de l'histoire de l'art. Ils ont aussi retranscrit parmi les premiers mythes fondateurs de notre humanité, dont certains se sont perpétués jusqu'à nos jours. Ceux mettant en scène un ours servant d'intermédiaire entre humains et animaux, encore vivaces dans les cultures arctiques. Et d'autres, tel celui figuré dans la salle du Fond, où un sexe de femme s'enlace avec un bison. Rappelant, comme le souligne Jean Clottes, le mythe du Minotaure et au-delà, « tous ceux tirés de multiples complexes ethnographiques où des mortelles ont des relations avec des dieux ou des esprits transformés, aux formes partiellement animales ». Déesse souterraine de la fertilité enfantant le fantastique bestiaire qui l'entoure, selon Joëlle Robert-Lamblin, ou lointaine ancêtre des divinités de Crète et de Méditerranée, la Vénus de Chauvet-Pont d'Arc parle au plus profond de nous-même et nous interroge sur nos origines. Premier chef-d’œuvre de l'humanité, Chauvet-Pont d'Arc constitue le berceau mondial de l'art, l'écrin minéral des premières images connues à ce jour. Sur ses parois tourmentées, à la lueur vacillante des torches de pin sylvestre, se jouent les premiers épisodes de la vie symbolique des hommes, de leurs peurs, de leurs voyances et de leurs espoirs. Autant d'images bouleversantes, que la 3D nous révèle aujourd'hui dans toutes leurs dimensions.
p. 83
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Pour les préhistoriens, le choc ressenti à Chauvet-Pont d'Arc a été d'autant plus grand que les dessins somptueux que renferme la cavité, parfaitement exécutés, sont aussi les plus anciens connus à ce jour, avec 36 000 ans d'âge ! En effet, c'est ce qu'ont montré les datations, 85 au total, effectuées sur des échantillons prélevés dans la cavité. Ces analyses ont révélé deux phases d'occupation du site, la plus ancienne datée de -36000 environ, à l'Aurignacien, la seconde autour de -30000, au Gravettien. Mais seuls les Aurignaciens auraient réalisé des peintures et des dessins, leurs lointains successeurs se contentant vraisemblablement d'investir les lieux, certainement impressionnés par ce qu'ils voyaient, sans laisser de traces artistiques.
Or, les théories héritées des travaux du pré-historien et ethnologue français André Leroi-Gourhan, dans les années 1960, prévoyaient que l'art pariétal paléolithique était apparu à partir de formes balbutiantes et imparfaites, à l'Aurignacien, pour s'améliorer et se perfectionner peu à peu, au fil des millénaires, jusqu'au sublime de Lascaux, à la période magdalénienne. Avec Chauvet-Pont d'Arc, cette conception gradualiste des origines et de l'évolution de l'art est entière-ment bouleversée et écartée. Au contraire, dans la cavité ardéchoise, l'art des origines est, d'emblée, parfaitement maîtrisé. Autre remise en cause due à Chauvet-Pont d'Arc : la zone d'influence de l'art pariétal paléolithique, auparavant centrée sur la région francocantabrique (Dordogne, Pyrénées, Pays basque et Cantabrie) déborde large-ment vers l'est, l'Ardèche devenant, à son tour, un centre majeur de l'art préhisto-rique, au même titre que la Provence avec Cosquer, ou l'Yonne avec Arcy-sur-Cure.
p. 76 et 78
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