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Critique de LiliGalipette


Jaspar part en ville chercher une femme : il ne l'a jamais vue, mais il sait parfaitement à quoi elle ressemble. Il sait qu'elle est faite pour lui. Hélas, il ne la trouve pas et il rentre bredouille à Kadis, son village. « Il pleura la femme qui n'existait pas, autant que si elle était morte plutôt que ne pas exister. » (p. 14) Il ramène de son vain voyage une lapine : la femelle est enceinte, grosse d'une portée qui s'annonce exceptionnellement nombreuse. Mais la lapine est également porteuse de la peste et sa venue à Kadis décime le village.

Une fois que la grande maladie a fini ses ravages, il ne reste que six personnes à Kadis : Borne, Bera, Ädla, Könik, Eira et Önde. « L'homme est une petite puce face à la grande maladie. » (p. 38) Les survivants explorent alors les bas-fonds de la nature humaine, comme si ne pas être morts leur donnait le droit de repousser les limites du possible. Ils dépouillent les défunts et s'approprient des héritages qui ne leur reviennent pas. Ils mentent, trompent et commettent les pires péchés, comme l'inceste ou la luxure. « Ce qui est honteux, c'est le mal. On reconnaît le mal à la honte. » (p. 124) Privés d'autorité morale, judiciaire ou religieuse, les survivants ne savent plus ce qu'est l'ordre et le calme, mais ils ne cessent pas de vouloir les trouver. « Si personne ne nous juge nous et tout ce qui s'est passé avec nous, alors nous allons nous enfoncer de plus en plus profondément dans l'absurdité et la perdition. » (p. 239)

Dans ce roman, le lapin est à la fois une figure haïe et providentielle. « J'observe les lapins. […] Ils sont en quelque sorte des créateurs, ils procréent sans cesse et évitent la mort. » (p. 79) C'est par cet animal que le mal arrive et que tout part à la dérive à Kadis. « Les lapins n'étaient sans doute pas responsables du désordre et de la confusion, mais ils les représentaient. » (p. 162) Comme il est propre à cette espèce animale, les lapins ne cessent de se reproduire. Peu importe que les humains tentent de les exterminer ou de les pourchasser, ils sont toujours là, démons et bons génies familiers. « Et je vois des lapins partout, dit Könik. / Oui, dit-elle. Il y a des lapins partout. » (p. 146) Et le lapin qui a présidé au commencement de l'histoire est encore là à la fin, comme dans une boucle qui lie les choses éternellement.

La lumière est un conte philosophique, cruel et violent, mais très poétique. Dans cette immense parabole, les damnés sont les vivants et leur rédemption n'est pas assurée. Rechercher la lumière n'est pas aisé et les survivants l'apprennent à leurs dépens en commettant toutes les erreurs possibles. J'ai plongé dans ce roman avec passion, éblouie par la plume riche et poétique de Torgny Lindgren, auteur qui m'était parfaitement inconnu. Moi qui suis d'ordinaire plutôt hermétique à la littérature nordique, je vais m'empresser de découvrir d'autres textes de ce superbe auteur.
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