Les drôles d'aventures d'un trio sympathique de nonagénaires !
L'héroïne, Siiri, est une petite mamie sensible qui adore parcourir Helsinki en tramway afin d'en admirer l'architecture. Sa copine Irma, au contraire, est une délurée qui n'a pas la langue dans sa poche. Quant à Anna-Liisa, ce n'est, dans un premier temps, qu'une compagne de canasta un peu pédante : ancien professeur de finnois, elle reprend systématiquement les erreurs des autres et adore étaler ses connaissances. Toutes trois déroulent leur vie monotone dans la maison de retraite du Bois du Couchant, entre parties de cartes, évocation de souvenirs... et enterrements : « Quand on avait 90 ans passés, on devenait un professionnel des enterrements » ! Chaque sortie est un périple, entre déambulateur, fauteuil roulant et autre gâtisme. On a droit à des scènes cocasses et des répliques savoureuses, même s'il ne se passe pas grand chose. Le roman offre aussi une réflexion sur la vieillesse et la mort qui oscille entre humour et tristesse. Ces petits vieux un peu dépassés par l'évolution de la société et impuissants face à leur corps qui s'amoindrit, n'ont pas grand chose à faire à part attendre la Faucheuse... Il faut dire que « vieillesse implique solitude », parce que les proches sont décédés, que les petits-enfants ont leur propre vie. Du coup certains s'inquiètent même de voir augmenter chaque jour leur espérance de vie : « On devrait peut-être se mettre à fumer ? Autrement on ne va jamais mourir. » Vivre, oui, mais pas dans n'importe quel état ! Pour autant le propos n'est pas du tout déprimant : « La résignation était inéluctable, pas le renoncement. » Et puis Siiri, Irma et Anna-Liisa ont, elles, encore toutes leurs facultés même si elles vivent au ralenti et connaissent quelques phases de « confusion ».
Irma est la première à se rendre compte qu'il se passe des événements étranges à la résidence. Staff médical négligeant voire criminel (Olavi a été violé par un aide-soignant sous la douche !), services surfacturés, dossiers médicaux falsifiés, patients abrutis de médicaments, voire enfermés dans le terrible « foyer collectif », le service de démence... Tout cela scandalise la vieille femme qui décide de mener l'enquête, embarquant la fragile Siiri avec elle. Elles qui craignaient l'ennui se retrouvent servies ! Bon évidemment tout se fait un peu laborieusement vu l'âge avancé des enquêtrices et une fois encore, on plonge régulièrement dans des épisodes un peu délirants. Et quand Irma se retrouve à son tour la victime impuissante des frauduleuses manipulations de l'administration, c'est vers Anna-Liisa la posée que se tourne Siiri. Le suspense s'intensifie, le mystère s'épaissit (en même temps, difficile d'avoir les idées claires quand on est dans la peau d'une nonagénaire !)... et l'état d'esprit de l'héroïne évolue imperceptiblement. Elle se découvre une amie en la personne de sa nouvelle acolyte (pas si barbante finalement) et un tuteur en la personne d'un jeune chauffeur de taxi (Mika), apprend à savourer les éclats de bonheur fugitif qui égaient ses journées, et prend au bout du compte grand plaisir à cette investigation qui, si elle lui procure parfois des palpitations, la sort de son sempiternel ennui. Comme quoi « la vie offre des surprises jusqu'au dernier moment, même à des nonagénaires » ! Et nous on se surprend à s'attacher à des petits vieux qui ne constituaient à l'origine que le point de départ original d'une lecture promettant d'être divertissante. Je suis tombée sur ce livre par hasard, et je ne regrette pas de l'avoir emprunté !
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