Un témoignage d'autant plus touchant que l'auteur disparaît en 1916 à l'âge de 23 ans, son texte inachevé, mais pas seulement. En fait, sous ce titre, sont réunis deux textes: "Ma pièce, souvenir d'un canonnier " qui fut publié peu de temps après sa mort, et "Le Tube1233" publié en 1917. Il s'agit d'un carnet de guerre, comme en ont tenu beaucoup d'hommes, mais là c'est un véritable écrivain qui s'exprime. Quand on imagine que le texte n'a quasiment pas été remanié, on salue le GRAND écrivain. Certains passages sont remarquables comme par exemple les scènes dantesques au Vieil Armand. D'autres sont émouvants, car plein de pudeur sur cette jeunesse sacrifiée. de plus, il donne à voir l'artillerie, cette partie de la Grande Guerre qu'il n'est pas facile d"imaginer" et souvent méconnue, alors que c'est elle qui fait de la guerre de 1914-1918 ce qu'elle est. Des textes qui mériteraient d'être mieux connus et qui trouvent leur place auprès des plus grands écrivains-témoins de cette guerre.
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« Ah ! si j’échappe à l’hécatombe, comme je saurai vivre ! Je ne pensais pas qu’il y eût une joie à respirer, à ouvrir les yeux sur la lumière, à se laisser pénétrer par elle, à avoir chaud, à avoir froid, à souffrir même. Je croyais que certaines heures seulement avaient du prix. Je laissais passer les autres. Si je vois la fin de cette guerre, je saurai les arrêter toutes, sentir passer toutes les secondes de la vie, comme une eau délicieuse et fraîche qu’on sent couler entre ses doigts. Il me semble que je m’arrêterai à toute heure, interrompant une phrase ou suspendant un geste, pour me crier à moi-même : je vis, je vis ! Paul Lintier (1893-1916)
Ah! si pour nous ces visions d'épouvante ne s'atténuaient point, si nous pouvions par la parole les retracer à nos enfants et aux enfants de nos petits-enfants, jamais le monde ne connaîtrait plus la guerre. Hélas, les saisons, dans les mémoires humaines, comme dans la forêt de Wolskopf, feront pousser des frondaisons nouvelles, et une fois de plus, l'expérience des hommes ne profitera pas aux hommes! Paul Lintier (1893-1916)
L’angoisse m’étrangle. Je raisonne pourtant. Je comprends clairement que l’heure est venue de faire le sacrifice de ma vie. Nous irons, nous irons tous, mais nous ne redescendrons pas de ces côtes . Voilà ! Ce bouillonnement d’animalité et de pensée, qui est ma vie, tout à l’heure va cesser. Mon corps sanglant sera étendu sur le champ. Je le vois. Sur les perspectives de l’avenir, qui toujours sont pleines de soleil, un grand rideau tombe. C’est fini ! Ce n’aura pas été très long ; je n’ai que vingt et un ans.
Il faut partager notre cantonnement avec des fantassins du Midi dont l’accent pue l’ail.