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Martine Breuer (Traducteur)Jean-Marie Saint-Lu (Traducteur)
EAN : 9782714449559
372 pages
Belfond (01/09/2011)
3.79/5   7 notes
Résumé :
Une œuvre à deux têtes : un essai bouleversant sur la dualité entre l'écrivain et l'homme, suivi d'une fantaisie littéraire autour d'un corbeau blanc mythomane. Un diptyque émouvant et savoureux, mêlant à l'émotion de l'autoportrait la jouissance pure du récit d'aventures.
De 1972 à 1985, Carlos Liscano est emprisonné par la dictature militaire uruguayenne. Torturé, isolé dans un dénuement total, il est sauvé de la folie et du chaos par les mots. L'écriture d... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Ce livre est composé de deux oeuvres distinctes, la première étant une réflexion sur la naissance d'un écrivain et ses interrogations, sa vie, sa perte de création, sa période d'incarcération qui est en lien avec son devenir d'écrivain, et, est une bonne entrée en matière pour comprendre l'oeuvre suivante qui est une fable racontant la vie du corbeau blanc, menteur et inventeur d'histoires, s'appropriant sans vergogne et avec talent les histoires d'autres personnages, sortis tout droit de romans de la littérature qui sont des prodiges.

Le lecteur inconstant : J'ai trouvé ce premier récit vraiment intéressant, dans le sens où l'on entre complètement dans la vision de l'auteur, son ressenti, les différentes étapes de sa vie avec ses certitudes et ses incertitudes ; son passé, son présent et son futur désiré, tout cela avec l'écriture comme point central. Il raconte sa naissance en tant qu'écrivain, le besoin absolu qu'a été cette étape pour échapper à la folie qui le guettait en prison. « Il s'était passé une explosion dans ma tête (…) mais ce fut aussi une période de reconstruction ».« J'ai cessé de délirer en devenant écrivain » . Il nous explique que son délire était un délire littéraire, un délire de mot, qu'il était dans un tourbillon de mots mais, qui, à l'écrit n'avaient aucun sens. « Je comprends et j'accepte que c'est dans l'expérience de la prison que se trouve l'origine de ma métamorphose en écrivain. Mais pas parce que les sujets que je traite ont une relation évidente ou occulte avec elle, non, parce que c'est là que j'ai vécu l'explosion de la langue.(…) J'irais jusqu'à dire, et c'est peut-être ce qui me coûte le plus, que c'est en prison que j'ai trouvé un sens à la vie, à la liberté.« . « Je suis sorti de prison pour être écrivain et rien d'autre. » . « Lorsque j'ai terminé ce roman, je me suis aperçu qu'écrire m'aidait à vivre. Depuis lors, je n'ai cessé d'écrire.« . C'est en prison aussi, qu'un major, malgré lui, lui a permis de trouver une vérité sur sa vie.

Il parle du pourquoi de l'écriture, pourquoi l'écrivain écrit, selon sa vision et ce qu'est l'écriture pour lui. « J'aime à dire que tout ce que j'ai écrit est le résultat de mon voyage aux confins de la langue (…) Je ne serais pas écrivain sans cette expérience que j'essaie de rapporter sans jamais y parvenir » « L'écriture est plus, pour moi, l'accès à un mode de réflexion qu'un fait artistique« . « On écrit pour avoir un prétexte à la réflexion (..) L'écriture est une façon de réfléchir. C'est la recherche d'une connaissance qui conduise à la libération ». « Les objets de réflexion littéraire sont difficiles à expliquer, mais ils existent. le contact et la confrontation permanente avec la langue, la recherche d'une forme pour le chaos (référence à son tourbillon de mots qu'il n'a jamais su retranscrire), l'individuation à travers la parole, la culture de la solitude, la passion déchaînée qui par moment domine la vie, la tentative répétée d'arriver à la paix et à la sérénité et le sentiment d'échec parce qu'on y parvient jamais ».

Mais il nous parle aussi de son incapacité à un moment donné à écrire : « les livres que j'ai écrits après la prison ont tous été la conséquence des lectures et des réflexions datant de ma réclusion. Reconnaître mon incapacité, le tarissement, est un droit et un devoir. Cela ne va pas sans douleur. », nous raconte ses états d'âme « j'ai perdu la liberté de créer ». « Avant j'étais pauvre, j'étais libre, et je regardais le monde depuis le seul point qui pour moi avait un sens, l'écriture. Maintenant, je vis pour entretenir ce qui petit à petit est devenu indispensable : la reconnaissance, le confort. Sous peine de succomber sous tout cela, je dois revenir à ce qui a été, à ce que je n'aurais jamais dû abandonner. J'ai besoin de cette liberté de l'âme et du corps que j'avais quand tout ou presque était hors de ma portée. Je dois revenir au temps où ma vie était petite et où j'arpentais librement le monde, mon petit univers sur le dos. Une petite vie, de petites choses, des mouvements bien faits, des relations limpides, et la réflexion au centre de tout. C'est comme ça que cela devrait redevenir. »

Il nous raconte alors comment il en est venu à vouloir faire cette histoire du corbeau et ce que cela implique, à savoir lire, beaucoup lire, pour réécrire. C'est en 2007 que l'idée lui est venue lorsqu'il a lu une fable de Tolstoï et qu'il s'est mis à la réécrire de toutes les façons. le corbeau menteur est alors né et par conséquent cette fable « Vie du corbeau blanc » qui est « une apologie du plagiat » (page 36).

Vie du corbeau blanc : Cette fable débute par celle de Tolstoï que Carlos Liscano réécrit sous plusieurs formes. Ensuite nous nous retrouvons donc avec ce corbeau blanc, qui revient chez lui, à une taverne et qui se met à raconter des histoires auprès de ses congénères, un public conquis et passionné, mais tout cela en niant être le corbeau blanc. On l'appelle donc le corbeau taché, car il lui reste un peu de peinture blanche sur lui.

Le corbeau, s'interroge à un instant, sur le bien fondé de raconter des histoires sur ce qu'on a fait ou pas (ce qui fait écho à la première oeuvre de l'ouvrage). « A quoi bon refuser d'être celui qu'on est ? Pourquoi ne pas se satisfaire de sa propre histoire, du petit conte bien à soi, celui qu'on a créé, au lieu de passer son temps à inventer des contes possibles qui sont en fait impossibles . » « La vie falsifiée ne laisse que du vide »

Il nous explique aussi sa façon de s'y prendre pour raconter des histoires. Il y a des mots qui s'imposent à vous, que vous n'avez pas choisis. « Partir d'un mot, d'une phrase sans aucune prétention, est un défi. Il faut laisser les mots se chercher, se trouver« .

Ce qui est génial dans cette fable c'est que le corbeau raconte toutes ses péripéties, toutes ses histoires en s'appropriant donc des histoires déjà connues et même très connues, des références en matière littéraire. Il s'intègre dans les évènements à chaque fois, ces histoires deviennent son histoire.

Je ne saurais trop dire si les récits sont exactement à l'identique des originaux ou si il les a remaniés car je ne les ai pas tous lus, et pour ceux que j'ai lu c'est assez éloigné dans le temps. Ce qui est certain c'est qu'ils sont intégrés d'une façon à être plus ou moins liées entre eux, liées entre eux par la vie du corbeau blanc, son chemin et son périple à travers le monde. Tous les personnages finalement se connaissent, tous sont liés par un passé commun. C'est très amusant et cela m'a permis de vouloir m'intéresser grandement à certaines de ces histoires dont une en particulier. Je me suis procurée sur le champs Edgar Poe (que je n'ai jamais lu, honte à moi) « Manuscrit trouvé dans bouteille », si je ne me suis pas trompée dans l'extrait que j'ai lu dans le livre que je vous présente. J'ai été complètement happée par ce passage, qui m'a séduit d'une force incroyable.

En résumé, c'est un livre que je conseille pour sa grande originalité, ses références littéraires que l'on découvre ou redécouvre, la réflexion intime d'un écrivain, et une écriture très appréciable. Il m'a permis de m'interroger sur beaucoup de chose. Ouvrage riche et enrichissant sous bien des aspects.
Lien : http://madansedumonde.wordpr..
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Dans le cadre du prix du roman de la Fnac 2011, j'ai reçu le dernier ouvrage de Liscano.

Ce livre est composé de deux parties. J'ai beaucoup aimé la première tandis que la suivante m'a laissée indifférente. La première partie est une sorte de genèse de comment cet homme est devenu écrivain et comment l'écriture lui a la fois sauvé la vie et en même temps l'a transformé voire même paradoxalement emprisonné… Bien que cela ne soit pas toujours simple à suivre, j'ai trouvé cette « confession » assez extraordinaire. L'auteur décrit comment la certitude d'être un écrivain (alors que ce n'était ni son métier, ni son rêve) lui a permis de devenir un autre et donc d'échapper à sa condition de prisonnier. C'est très beau, très humble, … bref à lire

La deuxième partie « le corbeau blanc » est un conte qui bien entendu fait référence à la vie de l'auteur qui toute sa vie post prison se sentira différent, marqué, … Ce sont des exercices de style pour rendre hommage à de grands auteurs et j'avoue que cela n'a pas très bien marché sur moi. Je comprends (en partie) l'allégorie et l'aspect symbolique mais je ne marche pas.

En conclusion, ce n'est pas le roman de l'été que je choisirai mais la première partie est vraiment à découvrir pour qui aime la littérature et veut comprendre la naissance d'un écrivain.
Si vous aimez Kertész alors vous devez lire la première partie, ces deux auteurs ont des expériences similaires d'écriture toute à la fois salvatrice mais aussi asservissante.

Merci encore à La Fnac mais aussi aux Editions Belfond

1ère phrase: " il y a entre lui et moi un dialogue qui se répète."
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Ce journal intime de Carlos Liscano mêle des anecdotes touchantes et des considérations professionnelles, celles d'un écrivain ayant perdu le chemin de la fiction. Cette suite de notes et de réflexions commence par l'obsession de récupérer des documents détenus par l'Etat. Cet homme a été emprisonné de 1972 à 1985 par la dictature militaire uruguayenne. Pendant ces années, l'écriture et la construction romanesque l'ont sauvé et permis de trouver refuge dans la fiction. Aujourd'hui libre physiquement, il réalise qu'il ne peut plus écrire de fiction.
Il questionne alors tout ce qui l'a mené à l'écriture, au romanesque et devenir écrivain. Il passe en revue toutes les traces de littérature dans sa vie que ce soit dans les mots qui doivent retrouver leur importance que dans les raisons profondes qui mènent à consacrer sa vie à la littérature. C'est une plongée dans les traumatismes de l'emprisonnement et dans le plaisir de la création. Apparaît alors un mélange de plaisir et de chaos, de souffle et de pression dans la vie de cet homme. Sous cette idée classique d'angoisse de la page blanche, ce texte est très sensible. L'auteur devient une sorte de personnage ayant perdu le goût, incapable de se libérer et d'exprimer son esprit. le métier d'écrivain devient un véritable artisanat avec des règles, un savoir-faire et un rythme. Liscano explique également la solution trouvée, celle du corbeau blanc, mythomane nourri par la fiction.
Lien : https://tourneurdepages.word..
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critiques presse (1)
Lexpress
17 octobre 2011
Un diptyque savoureux de Carlos Liscano qui mêle fable et réflexion.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
Une lourde chape de répression et de censure pèse sur la parole. Moi par exemple, chaque jour, à chaque heure, je ne dis pas ce que je voudrais dire. Pire encore : je ce ce que je dis pour éviter de dire ce que je devrais dire. (...)
Quand j'essaie de réfléchir sur ces années de délire je comprends, ou cela ne me surprend pas, que les religions attribuent le pouvoir et la propriété de la parole à Dieu. Parce que la parole permet non seulement de communiquer, unir ou séparer, mais elle peut aussi inventer, se détacher de la réalité, du monde et de la vie, faire que l'individu se perde. La parole, dans un usage dissocié de la réalité, peut être terrible, nocive, faire que l'on ne retourne jamais au réalisme nécessaire à la vie. C'est pourquoi la parole est dangereuse et peu devenir coupable. C'est pourquoi certains ont pensé que la parole est d'origine divine et qu'on doit en faire un usage prudent. C'est pourquoi il ne faut pas parler en vain, sans raison ou sans objet.
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Si j'enlève les heures que je passe à écrire, celles que je passe à réfléchir à ce que je devrais écrire, celles que je passe à prendre des notes pour écrire, si j'élimine ces heures alors, et sans dramatiser, il ne reste rien dans ma vie, rien.
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Dans le journal littéraire que j'ai écrit en prison entre mai 1982 et juin 1984, je parle de "mon oeuvre" comme si c'était quelque chose de réel et de vrai, sans discussion possible. A ce moment-là, j'avais déjà inventé le personnage de l'écrivain et cet individu avait commencé à agir pour son compte, sans honte ni inhibitions. Ou du moins il se comportait ainsi dans l'intimité de l'écrit, et c'était un peu moins orgueilleux et provocateur que s'il l'avait fait en public.
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C'était un peu ce qui m'était arrivé durant mes années de délire littéraire. Je vivais dans un monde où la parole dominait tout, mais les mots ne me reliaient ni aux personnes qui étaient avec moi ni à la vie de la prison. C'étaient des mots qui m'arrivaient d'ailleurs, je ne sais d'où, des mots auxquels je consacrais mes jours et même une partie de mes nuits. J'ai eu des images belles et terribles de la parole, des images que je n'ai jamais réussis à piéger sur papier.
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Les objets de réflexion littéraire sont difficiles à expliquer, mais ils existent. Le contact et la confrontation permanente avec la langue, la recherche d’une forme pour le chaos, l’individuation à travers la parole, la culture de la solitude, la passion déchaînée qui par moment domine la vie, la tentative répétée d’arriver à la paix et à la sérénité et le sentiment d’échec parce qu’on y parvient jamais.
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Vidéo de Carlos Liscano
http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=53065&motExact=0&motcle=&mode=AND
PAROLES D'EXIL
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Marianne Boscher-Gontier, Mathieu Vicens
Documents Amériques latines
Cet ouvrage regroupe les témoignages de treize écrivains latino-américains, exilés politiques au temps des dictatures de 1960 à 1990. D'origines multiples, ils évoquent les circonstances de leur départ, leurs souffrances physiques et morales, leur résilience dans les pays d'accueil et les vertus de l'écriture comme autre forme de combat. Autant de destins qui donnent à relire les périodes les plus sombres de l'Amérique Latine. Parmi eux : Isabel Allende, Zoé Valdés, Carlos Liscano, Eduardo Galeano, Sergio Zamora...
Broché ISBN : 978-2-343-11164-3 ? mars 2017 ? 162 pages
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