Rendons hommage au premier pied qui foula le plus haut sommet des Pyrénées françaises. Surtout que c'est celui d'une femme.
Peut-être. Ann Lister a fait la « première ascension touristique » ; on ne sait pas si son guide (Cazaux, Cazos...) était allé jusqu'en haut avant de monnayer sa découverte d'un itinéraire praticable, à une époque où passer par un glacier était risquer une mort imprévisible. de même que les anglais ont imposé, avec de Coubertin, une conception du sport pur, amateur, et donc réservé aux gens aisés, la gloire des ascensions échappera pendant près d'un siècle aux obscurs bergers et chasseurs qui n'avaient pas moins d'audace et de capacités que les Messieurs, et ici Dame, qui les payaient.
Fait intéressant : ils allaient à pied, quand leurs client faisaient à cheval toute la partie ainsi praticable, pas bien distincte d'ailleurs dans ce récit.*
Luc Maury s'est attaqué avec Vivien Ingham au journal récemment découvert d'Ann Lister, notes (en anglais) remplies d'abréviations, rarement retravaillées en phrases entières, pour nous proposer ce récit. Il en a tiré des pages correctement rédigées, mais d'un intérêt assez moyen, la matière de base étant bien sèche. Sur l'ascension elle-même, tellement peu de détails (la brume n'arrangeant pas) que le seul intérêt est historique. Il a ajouté le récit des semaines encadrant ce 7 août 1838, l'explication sur la polémique, le guide ayant vendu deux fois la première ascension. le prince de la Moskowa fut assez fair-play, après avoir publié son exploit, pour reconnaître la préséance à Ann Lister, qui, certificat en main, était prête à faire un procès, sic transit gloria mundi. le récit des semaines de cure de l'amie anglaise qu'Ann Lister faisait à St Sauveur, et les passages en Espagne pour voir (un peu) la voie d'accès utilisée contextualisent agréablement le récit. Ann boit du lait et mange le blanc des oeufs durs dont son amie Ann a mangé le jaune. Il est difficile de faire une oeuvre littéraire de quelques notes de ce genre.
Ça reste donc une plaquette pour passionnés de pyrénéisme.
*Séjournant fréquemment dans la région,
Napoléon III monta à cheval jusqu'au sommet du pic de Bergons.