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Critique de Polars_urbains


Depuis que son père est mort et que sa mère a été arrêtée avec les autres médecins juifs de l'hôpital du Kremlin, Léon Rozental (le petit) traîne avec ses copains (une sorte de Club des Cinq sans le chien) dans les couloirs et les passages secrets souterrains de la Maison du quai où habitaient leurs parents. Il y rencontre par hasard dans une immense salle de bal abandonnée, Koba, un vieil homme protégé par une garde prétorienne qui semble tuer le temps (à défaut d'autre chose) en jouant aux échecs. Cette rencontre va déboucher sur plusieurs échanges entre le gamin et l'homme, enrichis des réflexions de Léon et des interrogations d'Isabeau, une de ses amies.

Léon c'est un peu Holden Caulfield (L'attrape coeurs) pour la pureté du coeur, mâtiné de Huckleberry Finn pour l'audace et le courage. Un courage dont il fait preuve d'entrée de jeu lorsqu'il dit à Koba qu'il n'a pas peur de lui parce qu'il ne sait pas qui il est et que le vieillard lui répond qu'il parle rarement à des gens qui n'ont pas peur de lui. Sur une telle base, le dialogue peut s'engager sur un ton franc et direct. Les argumentations sont rigoureuses de chaque côté et le ton souvent très drôle.

Sorte de biographie non-autorisée (ou « hypothétiquement autorisée » ?) du Petit père des peuples - peuples qu'il se chargeât sans états d'âme de déplacer ou d'éliminer) -, Koba revient sur la jeunesse de Staline, la révolution bolchévique et le rôle de ses dirigeants, les éliminations des koulaks et des opposants politiques - « Ecoute moi bien, petit. Retiens chacun de mes mots. Ce que je vais te dire, je le tiens de source sure : Personne n'est innocent ! » -, la guerre contre l'Allemagne nazie, les grandes famines (souvent provoquées) etc. C'est un livre magnifique, indispensable pour réviser ses connaissances (Robert Littell sait de quoi il parle) et réfléchir à ce que fut la période durant laquelle l'URSS fut menée d'une main de fer par un homme dont le romancier dresse un portrait ambigu, parfois vieillard débonnaire, le plus souvent tyran dépourvu de toute forme de conscience.

Koba est aussi le roman d'initiation d'un gamin surdoué, qui le conduit à s'interroger sur le pouvoir et la façon de l'exercer, mais aussi sur le passage de l'enfance à l'âge adulte et la fragilité de la vie humaine alors que régne la terreur. Un des chapitres - Où le petit s'arme de courage pour dire l'indicible - évoque d'ailleurs la situation des Juifs persécutés à l'époque stalinienne (complot des blouses blanches en 1953) dans une conversation violente qui marquera la fin des échanges entre l'enfant et le vieux dictateur.

J'ai eu la chance d'être présent le 29 mai à la présentation de son livre par Robert Littel à la Librairie du Globe (bd. Beaumarchais à Paris), spécialisée dans tout ce qui touche à la Russie et à l'Union soviétique. Un excellent moment autour de la littérature et de l'histoire contemporaine.
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