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Premier ouvrage publié par Jonathan Littell après les Bienveillantes, le sec et l'humide a en fait été écrit pendant les années de recherches qui ont amené à l'écriture du chef d'oeuvre. L'objectif est finalement assez précis : adapter la méthode d'analyse psychanalytique du langage fasciste du chercheur allemand Theweilet aux mémoires de Léon Degrelle, leader du mouvement rexiste, principale force fasciste de Belgique francophone (et une des mieux structurées d'Europe occidentale). Cette méthode a l'ambition de mettre en valeur une psychologie fasciste, ou du moins des traumatismes caractéristiques des personnalités fascistes, dont la répugnance pour l'humide et l'attrait pour le sec sont des traits majeurs. La démonstration est assez convaincante; les verbatim de Degrelle sont particulièrement éloquents, opposant la droiture, la force, le maintien sec du fasciste, à la bouillie bolchévique, la horde mongole qui leur sert d'adversaire. Ainsi par exemple, le traitement du cadavre, selon qu'il est du côté fasciste ou bolchévique, sera décrit respectivement comme un corps sans vie, droit et rigide, ou comme un charnier mutilé dont sortent les intestins encore fumant. Ce petit livre est aussi l'occasion d'apprendre la trajectoire surprenante de l'ambitieux fasciste Léon Degrelle, à travers un retour biographique et de nombreuses photos d'archive, certaines sans doute inédites. + Lire la suite |
30 avril 2013
«En fait, j'aurais tout aussi bien pu ne pas écrire. Après tout, ce n'est pas une obligation. Depuis la guerre, je suis resté un homme discret ; grâce à Dieu, je n'ai jamais eu besoin, comme certains de mes anciens collègues, d'écrire mes Mémoires à fin de justification, car je n'ai rien à justifier, ni dans un but lucratif, car je gagne assez bien ma vie comme ça. Je ne regrette rien : j'ai fait mon travail, voilà tout ; quant à mes histoires de famille, que je raconterai peut-être aussi, elles ne concernent que moi ; et pour le reste, vers la fin, j'ai sans doute forcé la limite, mais là je n'étais plus tout à fait moi-même, je vacillais, le monde entier basculait, je ne fus pas le seul à perdre la tête, reconnaissez-le. Malgré mes travers, et ils ont été nombreux, je suis resté de ceux qui pensent que les seules choses indispensables à la vie humaine sont l'air, le manger, le boire et l'excrétion, et la recherche de la vérité. le reste est facultatif.» Avec cette somme qui s'inscrit aussi bien sous l'égide d'Eschyle que dans la lignée de Vie et destin de Vassili Grossman ou des Damnés de Visconti, Jonathan Littell nous fait revivre les horreurs de la Seconde Guerre mondiale du côté des bourreaux, tout en nous montrant un homme comme rarement on l'avait fait : l'épopée d'un être emporté dans la traversée de lui-même et de l'Histoire.