Je vous conseille avant tout de lire la trilogie avant de lire cette critique. Sinon vous risquer de gâcher tout plaisir de la découverte : pas seulement l'intrigue mais aussi la manière dont elle est menée... Je vous aurais prévenu.
Parlons d'abord du mode narratif dont je ne connais pas d'équivalent.
Dans chaque tome de la trilogie, il pose à un moment une série de problématiques qui semblent parfois liés, parfois disjoints.
Les problématiques les plus "simples" font l'objet d'un suivi tout au long du récit : les progrès, les difficultés sont décrites, le lecteur accompagne les protagonistes tentant de les résoudre. Bref, elles sont des mac-guffin ! La création du moteur luminique dans la "mort immortelle" est l'un d'eux.
Les problématiques les plus complexes, les plus étranges, sont souvent des non-sens. Elles semblent irrésolubles et semblent être peu à peu oubliées. le lecteur est même tenté de l'évacuer en se disant que le "fusil de Tchekhov" est parfois une lubie impossible. Et pourtant, elles sont les clefs du livres qui permettent un rebondissement imprédictible et ouvre des perspectives de réflexions énorme : c'est le cas du "champ sombre" dans le dernier volume.
C'est mode narratif extrêmement efficace si les problèmes posés et les solutions révélées sont inédites. Ce qui est le cas...
Avouons, que les interprétations proposées au lecteur semblent parfois imparfaites. L'exemple qui m'a donné le plus de fil à retordre est le troisième principe de la régression infini dans la "forêt sombre". Je vais l'exprimer avec un exemple quotidien : si je fixe un rendez-vous par un échange de lettres, je dois d'abord donner le lieu et l'heure de la rencontre à mon interlocuteur, attendre sa réponse qu'il les a bien reçu, ensuite lui confirmer que j'ai bien reçu sa confirmation, éventuellement, pour vraiment être sûr qu'il n'y aura pas un lapin, attendre une dernière confirmation. A ce moment, nous sommes parfaitement coordonné pour le rendez-vous. Il n'y a pas besoin de régression infini un échange infini de lettres confirmant la réception de la dernière.
Je pense que le troisième principe fonctionnerait mieux avec "le dilemme du prisonnier".
Malgré ses imperfections, les réflexions ouvertes ont été un véritable enrichissement.
Ce n'est qu'après avoir lu le troisième volume que j'ai compris de quoi parlait finalement cette trilogie. Car je trouvais la fin abrupte : il ouvrait un nouvel arc de l'histoire qu'il laissait finalement en plan.
Cette fin était nécessaire : car la trilogie parle d'écologie.
C'est une étude qui parle de l'évolution des écosystèmes sur la base du principe entropique.
Le second principe de la thermodynamique dit que tout système fermé se dégrade de manière irréversible. La mort du système est inévitable. le seul choix est de ralentir le plus possible la dégradation : soit en s'abstenant de trop interagir avec le système, soit en supprimant les autres perturbateurs.
Appliqué à l'univers, avec une spéculation rafraichissante à propos de la théorie des supercordes, Liu donne une explication plausible du paradoxe de Fermi.
Mais le but n'est pas de spéculer sur l'univers, il est de constater d'une manière extrêmement pessimiste, ou réaliste, que nous dégradons notre planète.
Les allusions à l'écologie de notre planète parsème toutes la trilogie : la déforestation dans le premier tome, au retrait de l'humanité de la Terre qui devient un "paradis" écologique, les solutions inspirées de la nature comme les villes arbres, etc. Il invite les humains à se retirer du jeu malsain qu'il fait à la nature.
Pour ceux qui veulent devenir écologiste, il donne ce conseil sous la forme d'une métaphore : "Tant que tu limiteras ton existence à une période temporelle inférieure à cent mille ans et à un périmètre spatial inférieur à mille années-lumière, rien de tout cela ne t'affectera. Cent mille ans, mille années-lumière, cela devrait suffire, non ? "
Pour ceux qui vivent dans l'angoisse de la dégradation de l'environnement, il donne une ultime consolation : "Une personne seule ne peut pas détruire un monde. Si ce monde est détruit, c'est la faute de l'ensemble des hommes, ceux qui sont en vie comme ceux qui sont morts. C'est le résultat d'une action collective."
Commenter  J’apprécie         81