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Gwennaël Gaffric (Traducteur)
EAN : 9782330185459
Actes Sud (17/01/2024)
2.79/5   40 notes
Résumé :
Après cinq cents millions d’existence, une étoile inconnue de la constellation du Cocher finit ses jours en une spectaculaire explosion d’énergie : une Supernova. Elle déclenche des tempêtes de radiations qui touchent bientôt la Terre et endommagent l'ADN de tous les êtres vivants de manière irréversible. Les études scientifiques montrent que ces dégâts ne sont pas irréversibles pour les individus humains de moins de treize ans. Les enfants seront donc les seuls sur... >Voir plus
Que lire après L'ère de la supernovaVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (11) Voir plus Ajouter une critique
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En tant que lecteur ayant fort apprécié la trilogie de la forêt sombre, je me suis laissé embarqué dans cette aventure enfantine qui promettait, par son entame et son titre, une excursion en astrophysique...
Il n'en est rien ou presque. la supernova est certes l'élément déclencheur, comme aurait pu l'être un virus ou une catastrophe climatique quelconque. le scénario repose essentiellement sur les interactions sociale d'une société de gamins pas tout à fait finis... En interne dans la société chinoise et en externe pour la confrontation adulte que l'on nous prépare dans le monde réel entre chinois et étasuniens.
L'intérêt réside dans l'essai par l'auteur d'imaginer le comportement d'une société composée d'enfants avec le legs de notre société actuelle. Il y a quelques pistes intéressantes concernant la violence inhérente à l'espèce humaine et le rapport des enfants à la souffrance, au jeu etc...
Hélas le sujet est trop vaste et l'auteur s'est appesanti sur nombre de détails finalement assez secondaires et n'a pas creusé suffisamment ces embryons d'idées qui faisaient l'intérêt du récit.
Bref, roman dont la lecture n'est pas indispensable pour découvrir l'univers science-fictionnel de l'auteur.
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C'est le tout premier roman de Liu Cixin, écrit et trois fois réécrit entre la fin des années 1980 et 2002 avant sa publication chinoise en 2003. L'idée de départ est intéressante: une supernova dont les radiations ne laissent en vie que les enfants avec une année environ pour les adultes afin de préparer les enfants a survivre sans eux. A partir de la, la lecture devient souvent fastidieuse et pratiquement tout coince au niveau de la vraisemblance a cause surtout d'une conception curieuse de la psychologie de l'enfant. Il faut dire que l'auteur n'avait pas vingt ans au moment ou il écrivait ce roman et il n'avait pas encore d'enfant lui-meme. Il ne fait pas mystere de s'etre inspiré du roman "Sa majesté des mouches" (W. Golding, 1954), mais c'est loin d'etre une réussite me semble-t-il.

On ne peut s'empecher de voir en les enfants de ce roman un reflet de ces singes de cirque que l'on habille en humains pour leur faire exécuter des comportements humains qui ne sont pas les leurs naturellement. Les enfants de Liu sont "habillés" en adultes - en adultes idiots ou en adultes intelligents, peu importe - et c'est invraisemblable. Outre cette déformation psychologique, le manque de profondeur psychologique et émotionnel des personnages est évident et Liu ne fait d'ailleurs pas mystere de ce qu'il n'écrit pas dans un esprit littéraire mais par amour de la science. Chez Liu, les personnages servent l'histoire alors que, a l'autre extreme des romans psychologiques, l'histoire sert a faire évoluer les personnages.

Un autre défaut du récit est le peu d'importance donnée a l'élément féminin dans la "nouvelle société" post-supernova, a l'exception des deux filles qui font partie des personnages principaux. Ainsi, le pivot du récit est la guerre vue comme jeu alors que bien-sur les petites filles n'auraient jamais l'idée de se massacrer pour jouer. Les petits garcons non-plus d'ailleurs, tout au plus feraient-ils semblant. Ces pages sur la guerre des enfants sont toutefois intéressantes de par les détails techniques car Liu est passionné par la technologie guerriere.

Il est invraisemblable aussi que dans une société soudain privée des adultes, les enfants acceptent les inégalités de niveau de vie et de statut social sur lesquelles sont fondées nos sociétés (meme en Chine), d'autant que dans cette société d'enfants le plaisir a été érigé en principe de vie. Comment alors imaginer une majorité d'enfants acceptant d'assumer des fonctions a la fois pénibles physiquement et non prestigieuses alors qu'une minorité s'arroge la meilleure part du gateau ? Pourtant, l'idée d'un nouveau départ offert ainsi a l'humanité apres la disparition des adultes est justement ce dont l'auteur aurait pu tirer un roman aussi exceptionnel que sa fameuse trilogie du Probleme a trois corps.

Les critiques trouvent habituellement géniale l'idée finale du roman, que je ne dévoilerai évidemment pas. Pour ma part, je trouve cette idée aussi invraisemblable que le reste et je ne vois d'ailleurs pas en quoi cela ferait avancer le schmilblick de l'humanité. C'est pourtant cette idée qui semble etre le pivot du roman. Doit-on la comprendre a la lumiere des paroles du président de Huawei en 2018: "Je me suis sacrifié, moi et ma famille, pour atteindre l'objectif que nous puissions atteindre le sommet du monde. Pour atteindre cet objectif, un conflit avec les États-Unis est inévitable." (voir l'article de presse dont je donne le lien plus bas) ? Tout ca est plutot flou dans le roman, mais on croit deviner que le sacrifice ultime des enfants chinois va les mener vers la suprématie technologique pour ensuite assurer a la nouvelle Chine le role de faiseur de paix universel a l'instar de la Pax Romana antique ?

Ceux qui ont lu la trilogie du Probleme a trois corps ainsi que "La Terre errante" (écrit également avant la trilogie) se rappellent peut-etre que, dans les deux fictions, la morale finale pourrait etre une affirmation du genre "seuls les Chinois peuvent sauver la planète". Sans vouloir discuter une telle apologie de la civilisation chinoise (a laquelle je ne suis d'ailleurs pas loin d'adhérer), je me demande si "L'ere de la supernova" n'était pas déja l'expression romancée de cet acte de foi chez l'auteur.

Évidemment, je peux me tromper sur les moteurs créationnels de l'auteur et d'ailleurs on peut lire dans l'article dont je donne le lien que Liu a déclaré avoir voulu exprimer dans ce roman les réactions du peuple chinois à l'époque des émeutes des manifestations tragiques de Tian'anmen, époque - dit-il - de confusion totale face au changement, lorsque les anciennes croyances se sont effondrées avant que de nouvelles ne puissent être consacrées. Ou alors, plus simplement, retrouve-t-on dans ce roman une conviction exprimée aussi dans les autres romans de l'auteur, celle que la compétition est nécessaire a la survie ? Ou encore, pourquoi pas tout ca a la fois.

En tout cas, Liu Cixin est un fabuliste au bon sens du terme, dont les fables tournent autour de périls cosmiques pouvant entrainer la disparition de l'humanité. le personnage central de ses romans n'est pas tel ou tel individu, mais l'humanité entiere avec bien-sur au centre de celle-ci la civilisation chinoise. Liu, c'est de la "hard" science-fiction-catastrophe dans le style technologique de Jules Verne ou d'Arthur C. Clarke dont il est l'admirateur. Ce n'est pas pour autant une SF dépolitisée comme l'était celle de ces auteurs car ses histoires a lui expriment plus ou moins explicitement une conviction bien chinoise que l'ordre social et la sécurité prévalent sur les libertés individuelles et celle de la gouvernance.

On le voit, bien que pretant le flanc a la critique, ce roman est riche en contenu plus ou moins explicite. Il ne me semble pas constituer cependant une lecture indispensable pour les amateurs de science-fiction, a la différence du Probleme des trois corps de l'auteur. Pour ceux que l'oeuvre Liu Cixin intéresse, voici le lien tres intéressant que je mentionne plus haut: https://histoireetsociete.com/2023/12/05/la-guerre-des-mondes-de-liu-cixin/
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Mille merci, comme d'habitude, à Babelio et Actes Sud pour l'envoi de ce roman dans le cadre de l'opération Masse Critique.
« L'ère de la supernova » est le premier roman de science-fiction du désormais très reconnu Liu Cixin, auteur chinois dont on ne vante plus les mérites de sa trilogie du « Problème à trois corps ». Je n'ai pas fini ladite trilogie (ça ne saurait tarder !), mais ai critiqué les deux premiers opus, si le coeur vous en dit. Si le coeur ne vous en dit pas : le premier roman éponyme est assez en-dessous de sa réputation très élogieuse mais reste exotique à lire, tandis que « La forêt sombre » est un véritable chef-d'oeuvre. Me reste donc « La mort immortelle » pour clôturer l'aventure.

Dans « L'ère de la supernova », un cataclysme cosmique survient à notre époque : une supernova se forme dans une galaxie voisine, lançant des rayons catastrophiques pour notre double-brin préféré. Petit raccourci de science ici : tous les individus âgés de moins de 13 ans ont le potentiel pour survivre à ces cassures, tandis que les autres… Meurent.
Et c'est ainsi que l'on assiste à la passation la plus difficile du monde : celle de parents qui, littéralement, laissent le monde à leurs enfants. Comprenons bien qu'ici, la supernova et l'argument science-fictif servent purement d'incipit : l'histoire est finalement très éloignée de la hard-SF et vient plus tiré sur l'ethnologie, comme de façon amusante le faisait le deuxième tome du « Problème à trois corps ».
Alors on peut parler de « Sa Majesté des Mouches », surtout au vu de la tournure cruelle que prend le roman. Mais on n'en parlera pas, car je ne l'ai pas lu (si c'est pour vous faire une vieille remarque standardisée d'un mec qui a des références, autant s'abstenir).

C'est un roman qui décidément « se lit bien ». C'est facile à suivre, agréable et ne manque pas de rebondissements. On rajoutera qu'en tout état de cause Liu Cixin a bien réfléchi à son sujet, et nous offre finalement une vision tout à fait cohérente de ce monde ne répondant plus à grand-chose d'adulte (et ce avec une démarche strictement scientifique bien appuyée par des personnages comme « Lunettes »).
Il en reste que « L'ère de la supernova », s'il est souvent astucieux, n'est pas le roman de l'année. Etant un peu poussif sur la fin du livre, et ayant du mal à démarquer des narrateurs suffisamment solides pour qu'on s'émeuve du sort des enfants, Liu Cixin livre ici plus un essai divertissant qu'un roman réfléchi.



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Lorsque les enfants doivent apprendre en urgence à gouverner le monde : une étonnante fable para-apocalyptique, hommage à la science et à la philosophie politique.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2024/03/04/note-de-lecture-lere-de-la-supernova-liu-cixin/

Pas de note de lecture proprement dite pour ce roman, puisqu'il a fait l'objet de ma part d'un bref article dans le Monde des Livres du 1er février 2024 (daté 2 février, à lire ici). Comme à l'accoutumée en pareil cas, je me contenterai donc ici de quelques citations et de quelques remarques en forme, plus ou moins, de notes de bas de page de l'article en question.

🎯 Bien longtemps avant le succès planétaire du « Problème à trois corps » (2006, prix Hugo 2015) et de ses deux suites, « La Forêt sombre » (2008) et « La Mort immortelle » (2010, prix Locus 2017), Liu Cixin aura mis quatorze ans à achever ce roman précurseur, commencé en 1989 et passé par plusieurs moutures successives profondément remaniées avant sa publication en 2003. Ce n'est finalement qu'en 2024 qu'il aura été traduit en français, par Gwenaël Gaffric pour la collection Exofictions d'Actes Sud.

👑 le motif d'un « monde » livré aux enfants n'est certes pas neuf : Liu Cixin a d'ailleurs expressément conçu son roman comme un hommage au William Golding de « Sa Majesté des Mouches » (1954) – et comme lui, sans éprouver le besoin de recourir au conflit enfants-adultes, imaginé par exemple par l'Adolfo Bioy Casares de « Journal de la guerre au cochon » (1970), pour développer sa métaphore psycho-politique. Mais là où le prix Nobel de littérature 1983, auteur de « littérature générale », même particulièrement ouvert aux « mauvais genres », conduisait son expérience de pensée à l'échelle d'une île et des jeunes passagers survivants d'une catastrophe aérienne (réminiscence que la série « Lost » de J.J. Abrams, Damon Lindelof et Jeffrey Lieber saura souligner de nombreux clins d'oeil dans sa toute première saison en 2004 – mais ceci est une autre histoire), l'auteur de science-fiction n'hésite pas à se donner les moyens – au prix initial d'un subterfuge astrophysique – d'étendre le propos et la spéculation à l'échelle du monde entier, développant donc des enjeux qui s'enracinent au même endroit, mais qui se révèlent naturellement d'une tout autre ampleur.

🎲 Comme il le démontrera amplement aux lecteurs « occidentaux » avec « le Problème à trois corps » et ses suites, Liu Cixin, ingénieur électricien de métier, rêve d'une importance bien plus élevée accordée par la société à la science, et ses romans peuvent systématiquement se lire comme de vibrants plaidoyers de cette cause.

Cela le pousse certainement à « tordre » quelque peu ses intrigues pour l'autoriser à déployer cette passion pour la hard science : dans son passage, ici, de l'astrophysique-fiction (dont témoigne le long extrait initial de cette note, par exemple) à la philosophie politique spéculative, les coutures de son travail – et c'est donc intéressant, notamment quand on observe aussi comment il tente de gommer cette idiosyncrasie, avec de plus en plus de talent, dans ses oeuvres plus récentes – se voient infiniment plus à la lecture que celles de bijoux (moins ambitieux toutefois dans leur visée non globalisante) comme « Un paysage du temps » (1980) de Gregory Benford (dont je dis souvent qu'il vaut par bien des aspects, fiction vs. essai, le grand « La vie de laboratoire » de Bruno Latour) ou même « L'oeuf du Dragon » (1980) de Robert Forward. Et par contraste toujours passionnant, « L'ère de la supernova » nous fait encore davantage réaliser à quel point « La trilogie martienne » (1992-1996) de Kim Stanley Robinson, avec son étroite association épistémologique de la science et de la politique, constitue bien un chef d'oeuvre absolu.
Lien : https://charybde2.wordpress...
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En lisant le résumé de ce roman, j'étais persuadée qu'il allait me plaire, et je partais donc plutôt confiante … autant dire que la désillusion n'en a été que plus forte, mes attentes n'ayant en rien été comblées. Je n'irai pas jusqu'à dire que c'est une totale déception, car je persiste à trouver que l'idée de départ était fort intéressante, mais je n'ai clairement pas été convaincue par ce qu'en a fait l'auteur …

Tout commence par l'agonie d'une étoile située à huit années-lumière de notre petite planète Terre. À notre échelle humaine, cela semble bien loin. Mais à l'échelle de l'univers, c'est presque la porte d'à côté. C'est suffisamment proche, en tout cas, pour que les dangereuses radiations générées par l'explosion de cet astre parviennent jusqu'à nous … Tandis qu'apparait dans notre ciel une majestueuse nébuleuse, les scientifiques révèlent avec effroi la terrible nouvelle : dans un an tout au plus, tous les êtres humains âgés de plus de treize ans mourront. Dans un peu moins de douze mois, l'humanité ne sera plus composée que d'enfants …

Une entrée en matière fort prometteuse, mais qui laisse bien vite la place à une profonde monotonie : pendant plus de quatre-cent pages, l'auteur ne fait en réalité qu'énumérer un à un des faits. Il se passe ceci, puis cela, et ensuite ceci, et enfin cela. Arrive alors ceci, puis cela, et ensuite ceci, et enfin cela. Ceci, cela, ceci, cela. J'avais presque le sentiment de lire une plate liste de courses : tout est relaté avec tant de froideur, machinalement, comme s'il suffisait de faire succéder des évènements pour raconter un récit ! Une histoire, une intrigue, ce n'est pas seulement le passage d'une situation à une autre : pour que le lecteur s'investisse, il faut qu'il puisse s'accrocher à quelque chose, et souvent à quelqu'un, à un personnage par exemple …

Or, ici, les personnages pourraient s'appeler A, B et C, cela ne changerait rien à l'histoire : ils ne sont que des petits pions sans âme ni sentiment, ils ne sont que des fonctions, des prétextes. Ils sont creux, on ne sait jamais ce qu'ils ressentent vis-à-vis de ce terrible et terrifiant bouleversement : voici que du jour au lendemain, ce sont à eux, enfants de moins de treize ans, de faire tourner la société. de s'assurer que les centrales nucléaires n'explosent pas et continuent de générer de l'électricité, afin qu'ils puissent produire tout ce dont ils ont besoin pour survivre : nourriture, vêtements … Et cela tous seuls, car tous les adultes sont morts. N'importe qui ressentirait quelque chose face à tout ceci ! N'importe qui, sauf les enfants de Liu Cixin : eux sont des petits robots humains qui enchainent mécaniquement les actions, sans état d'âme ni réaction. Difficile, pour ne pas dire impossible, de s'identifier ou de s'attacher à eux …

Face à tant de platitude, face à un tel manque d'émotion, je me suis vite lassée et ennuyée. Même les quelques développements intéressants m'ont laissée de marbre, tant j'en avais ras le bol … J'ai vraiment du me faire violence pour aller jusqu'au bout, car je ne voyais finalement aucun intérêt dans ce simulacre de récit. Je pense vraiment que l'histoire avait du potentiel, mais qu'elle aurait mérité une plume un peu plus « vivante », « incarnée » : un peu d'émotion, nom d'un petit bonhomme en mousse !
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critiques presse (2)
SudOuestPresse
23 février 2024
Avec son nouveau roman, l’écrivain chinois de science-fiction Liu Cixin propose une parabole ambiguë sur l’enfance et ses sortilèges.
Lire la critique sur le site : SudOuestPresse
OuestFrance
02 février 2024
L'écrivain imagine ici le sort de notre Terre entre les mains des enfants. À eux la lourde tâche de pérenniser l'espèce humaine menacée à la suite de radiations mortelles.
Lire la critique sur le site : OuestFrance
Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Dans l’immense salle, cœur battant de la nation, les cinquante-quatre enfants firent l’expérience de cette puissante étrangeté, comme si une lame invisible avait fendu les airs, coupant d’une même estocade le passé et le futur à partir de ce point, et révélant un paysage inédit.
La nébuleuse de la Rose qui venait de se lever était visible à travers la large fenêtre et projetait ses rayons bleus sur le sol de la pièce. Un œil géant dans l’Univers contemplait un monde devenu déconcertant, insaisissable.
Pendant une semaine entière, le système solaire avait été soumis à un ouragan de radiations de haute énergie. Les particules s’étaient abattues sur la Terre comme une tempête de pluie, recouvrant la surface et les océans d’un déluge de rayons. Elles avaient transpercé le corps des êtres humains à une vitesse inimaginable, pénétrant chaque cellule. Les minuscules chromosomes de chacune des cellules humaines, tels des filaments cristallins et fragiles, avaient été secoués en tous sens, déchirant la double hélice de l’ADN, effritant les bases azotées. Les gènes endommagés continuèrent bon gré mal gré de fonctionner mais la chaîne si précise des vivants, fruit de l’évolution de centaines de millions d’années, fut tordue, brisée, et les gènes mutés semaient désormais la mort au lieu de reproduire la vie. La Terre faisait tourner l’humanité entière dans une douche meurtrière. Chez des milliards d’individus, l’horloge de la mort était remontée, et relançait son tic-tac…
Tout humain âgé de plus de treize ans allait mourir, et la Terre deviendrait un monde uniquement peuplé d’enfants.

Les cinquante-quatre enfants présents dans la salle étaient néanmoins différents des autres. Un second message allait faire voler en éclats le monde devenu étranger à leurs yeux. Il les suspendrait dans un vide troublant.
Zheng Chen fut la première à reprendre ses esprits.
– Monsieur le Premier ministre, ces enfants, si je devine bien…
Son interlocuteur hocha la tête, et répondit calmement :
– Oui, vous devinez bien…
– Mais c’est impossible ! s’écria la jeune enseignante.
Les dirigeants de la nation la regardèrent, sans rien ajouter.
– Ce sont des enfants, comment pourraient-ils…
– Ma jeune amie, que pensez-vous que nous aurions dû faire ? demanda le Premier ministre.
– Vous… vous auriez pu chercher des candidats dans tout le pays !
– Croyez-vous vraiment que ça aurait été possible ? Et comment les aurions-nous choisis ? Les enfants, contrairement aux adultes, n’appartiennent à aucune structure sociale hiérarchisée. Il était par conséquent inenvisageable de trouver en si peu de temps les individus les plus capables et les plus adaptés pour assumer de telles responsabilités dans une masse de quatre cents millions. Le monde des adultes peut devenir inopérant à tout instant. Face à cette menace, la plus critique de notre histoire commune, nous ne pouvions pas prendre le risque de laisser le pays sans cerveau à sa tête. Avions-nous un autre choix ? Comme tous les autres pays du monde, nous avons adopté une méthode particulière pour opérer cette sélection.
– Mon Dieu… La jeune institutrice manqua de s’évanouir.
Le président s’approcha d’elle : – Vos élèves ne seront peut-être pas d’accord avec vous. Vous les connaissez tels qu’ils sont en temps normal, mais pas tels qu’ils sont une fois mis devant une situation aussi extrême. En des temps de crise, les humains – tous les humains, les enfants compris – peuvent devenir plus que des humains.
Le président se tourna ensuite vers le groupe d’enfants, qui ne comprenaient pas encore ce qui se déroulait devant leurs yeux :
– Oui, chers enfants, vous allez diriger ce pays.
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Dans un rayon de onze années-lumière autour de la Terre, les astronomes avaient découvert onze soleils, à savoir : Proxima, Centaurus A, Centaurus B – trois étoiles orbitant ensemble sous l’effet de la gravitation, et formant un système triple ; Sirius A, Sirius B, Luyten 726-8 A, Luyten 726-8 B – quatre étoiles formant respectivement deux systèmes binaires ; Barnard, Wolf 359, Lalande 21185, Ross 154, chacune des étoiles simples. Les scientifiques n’excluaient toutefois pas la possibilité qu’il existe encore des étoiles beaucoup plus sombres ou dont les rayons étaient bloqués par la poussière interstellaire et demeuraient donc indétectables.
Les astronomes avaient remarqué la présence d’une quantité importante de poussière cosmique dans cette portion de l’espace, rappelant des nuages sombres flottant dans l’océan cosmique. Lorsqu’un détecteur d’ultraviolets installé sur un satellite artificiel pointait ces lointains nuages, il détectait un pic de 216 nanomètres dans le spectre d’absorption, ce qui les amenait à conclure que la poussière interstellaire devait être composée de particules de carbone qui, en raison de la nature réfléchissante de ces nébuleuses, permettaient de proposer l’hypothèse suivante : en dehors des particules de poussière, les nuages devaient être recouverts d’une fine pellicule de glace. La taille de ces particules variait entre 2 et 200 millimètres, soit le même ordre de grandeur que la longueur d’onde de la lumière visible, si bien que la poussière apparaissait opaque. C’était cette poussière interstellaire qui bloquait la lumière d’un corps céleste situé à huit années-lumière de la Terre. Cette étoile avait un diamètre vingt-trois fois supérieur au Soleil, et une masse soixante-sept fois supérieure. Elle était maintenant entrée dans la phase finale de sa longue évolution, quittant la séquence principale, commençant son cycle de vieillesse, prête à devenir ce que nous appelons une étoile morte.
Si tant est qu’elle eût une mémoire, elle aurait été incapable de se souvenir de son enfance. Née un demi-milliard d’années plus tôt, elle avait été engendrée par une nébuleuse. Le mouvement des atomes et le rayonnement venu du centre de la galaxie avaient perturbé la sérénité de cette mère cosmique, et toutes les particules du nuage s’étaient condensées vers un centre unique sous l’effet de la gravité. Cette pluie solennelle de poussière s’était abattue pendant deux millions d’années lorsqu’au centre du nuage de gaz condensé, des atomes d’hydrogène avaient commencé à fusionner en hélium, et l’étoile morte était née dans une conflagration nucléaire.
Elle avait connu une enfance violente et une adolescence tumultueuse, puis l’énergie de la fusion nucléaire avait résisté à l’effondrement de son enveloppe et l’étoile morte était entrée dans un long âge moyen. Si son enfance avait été mesurée en heures, en minutes, voire en secondes, cet âge-là se mesurait désormais en milliards d’années. Elle était devenue un point lumineux calme de plus dans le vaste océan de la Voie lactée. Mais si l’on volait près de la surface de l’étoile morte, il apparaissait évident que ce calme était un leurre. La surface de l’astre gigantesque était un océan de feu nucléaire, une scène de bataille où se percutaient des vagues de magma rougeoyantes et rugissantes, envoyant des particules énergétiques dans l’espace comme une tempête de pluie. Des quantités inimaginables d’énergie montaient du centre profond de l’étoile morte, soulevant des vagues aveuglantes à la surface de la mer de feu. Au-dessus de cette mer, se déchaînaient des typhons d’énergie nucléaire. Du plasma rouge sombre tordu par un puissant champ magnétique formait des tornades de dizaines de millions de kilomètres de haut, comme des essaims d’algues rouges s’étirant dans le Cosmos… L’étoile morte était si vaste qu’il était difficile pour l’esprit humain de la saisir. En termes d’échelle, placer notre planète sur cette mer de feu, c’était comme lancer un ballon de basket-ball dans l’océan Pacifique.
L’Étoile morte aurait dû être brillante aux yeux humains. Avec une magnitude apparente de – 7,5, sans la poussière interstellaire intercalée derrière une autre étoile située à trois années-lumière de distance et empêchant sa lumière d’atteindre la Terre, elle aurait brillé sur l’histoire humaine avec six fois plus de force que Sirius, l’étoile la plus lumineuse du ciel. Elle aurait été suffisamment brillante pour projeter des ombres sur une nuit sans lune, et sa clarté bleutée aurait certainement rendu les hommes plus sentimentaux.
L’Étoile morte avait brûlé paisiblement pendant quatre cent quatre-vingts millions d’années. Son existence avait été glorieuse, mais la froide et cruelle loi de conservation de l’énergie avait entraîné des changements inévitables en son sein : son feu avait épuisé l’hydrogène, et le produit de la fusion nucléaire – l’hélium – avait commencé à couler et à s’accumuler au centre de l’étoile. Ce changement fut extrêmement lent pour un corps de cette taille, qui possédait d’énormes quantités de matière. Pour elle, l’histoire de l’humanité n’était qu’un claquement de doigts. Malgré tout, ces quatre cent quatre-vingts millions d’années de consommation énergétique finirent par produire des conséquences tangibles : l’hélium, dont l’inertie était plus grande, s’était déposé en quantité importante dans son cœur, et cette si formidable source d’énergie commença à s’estomper. L’Étoile morte avait vieilli.
Cependant, une autre loi de la physique, la gravitation, imposait à l’Étoile morte de finir sa vie de façon héroïque. La densité de l’hélium en son centre augmentait, tandis que l’hydrogène environnant continuait à fusionner, générant une chaleur telle qu’elle enflamma l’hélium, le faisant fusionner à son tour. Tout l’hélium de l’étoile éclata en un puissant feu nucléaire, et l’Étoile morte se mit à émettre un rayonnement de lumière vive. Mais la fusion de l’hélium ne pouvait produire qu’un dixième de l’énergie nucléaire de l’hydrogène, de sorte que l’Étoile morte s’était affaiblie après cette lutte intense. C’est ce que les astronomes appelaient un « flash d’hélium ». La lumière provoquée par ce flash traversa l’espace pendant trois années avant d’atteindre le nuage de poussière, où une lueur rouge de plus grande longueur d’onde parvint à franchir cette barrière cosmique. La lumière voyagea pendant cinq autres années, pour atteindre une autre étoile, beaucoup plus petite que l’Étoile morte : le Soleil, ainsi que la poignée de grains de poussière capturés par la gravité de l’étoile, grains connus des humains sous le nom de Pluton, Neptune, Uranus, Saturne, Jupiter, Mars, Vénus, et bien sûr la Terre. C’était en l’an 1775 de l’Ère commune.
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L’Étoile morte brilla dans l’Univers pendant une heure et vingt-cinq minutes avant de disparaître brusquement. Seul un immense réseau de radiotélescopes se montra en mesure de détecter ses débris – une étoile à neutrons en rotation rapide émettant des impulsions électromagnétiques à des intervalles réguliers.
Le visage collé aux vitres de la salle de classe, les enfants assistèrent du début à la fin à ce crépuscule qui n’en était pas un, au plus étrange des couchers de soleil qu’il leur serait jamais donné de voir. Ils virent le bleu du ciel s’assombrir, annonçant la nuit. La lumière de l’Étoile morte s’estompa, ne laissant plus qu’un halo crépusculaire qui occupa d’abord la moitié du ciel, avant de se réduire bientôt à un cercle vide, sa couleur passant au blanc. La majeure partie du ciel était désormais sombre et commençait à se piqueter d’étoiles. Le halo autour de l’étoile continua à se contracter jusqu’à sa disparition finale. Autrefois source de lumière rayonnante, l’Étoile morte n’était maintenant plus qu’un point légèrement lumineux. Quand le ciel eut retrouvé son visage habituel, elle était encore l’étoile la plus brillante de la voûte, avant de se réduire encore et n’être plus qu’une étoile ordinaire parmi les autres de la Voie lactée. Cinq minutes passèrent, et l’Étoile morte s’était complètement évanouie dans les abysses de l’Univers.
Constatant l’arrêt des éclairs, les enfants sortirent en courant de la salle de classe, et se retrouvèrent dans un monde phosphorescent. Tout à l’extérieur : arbres, bâtiments, y compris le sol lui-même, brillait d’une lueur bleu-vert sous les ténèbres du ciel, comme si la Terre et tout sur la Terre était fait de jade translucide et qu’une source de lumière semblable à la Lune émergeait des profondeurs pour imprégner le jade de son éclat. Des nuages émeraude flottaient dans le ciel nocturne, tandis que des volées d’oiseaux affolés passaient à toute allure, telles des fées luminescentes. Ce qui frappa le plus les enfants, c’était qu’eux-mêmes étaient devenus phosphorescents, comme ces images tirées d’un négatif photo, ou comme une horde de fantômes.
– Je l’avais dit, tout peut arriver… murmura Lunettes.
Les lumières de la salle de classe se rallumèrent, aussitôt suivies par celles de la ville. Les enfants ne réalisèrent qu’à cet instant qu’il y avait eu une panne d’électricité. Avec la réapparition des lumières artificielles, l’omniprésente phosphorescence s’estompa. Les enfants crurent que le monde était revenu à son état initial, mais ils découvrirent bientôt avec stupeur que tout n’était pas terminé.
Au nord-est, brillait une lumière rouge. Après un certain temps, des nuages pourpres se levèrent dans cette partie du ciel, comme s’ils annonçaient l’aube.
– Cette fois, le jour se lève pour de vrai !
– N’importe quoi, il n’est même pas encore 23 heures !
Les nuages rouges dérivèrent et couvrirent vite la moitié du ciel. Les enfants se rendirent compte qu’ils brillaient de leur propre lumière. Lorsque leurs confins atteignirent le milieu du ciel, les enfants virent d’immenses bandes de lumière qui ressemblaient à autant de plis de rideaux suspendus dans l’espace, se tordant et se métamorphosant lentement.
– Une aurore boréale ! cria un enfant.
L’aurore tapissa bientôt tout le ciel et, pendant la semaine entière qui suivit, les nuits du monde entier se drapèrent de pourpre.

Une semaine plus tard, quand les aurores disparurent et que les étoiles scintillantes firent leur retour, arriva le dernier et le plus somptueux mouvement de cette symphonie cosmique : une nébuleuse éclatante naquit à l’endroit même où l’Étoile morte était apparue quelques jours plus tôt. La poussière laissée par l’explosion de la supernova, excitée par les impulsions électrique de haute énergie de l’Étoile morte, émit des radiations synchronisées dans le spectre visible, de sorte que l’œil humain pouvait en voir le spectacle. La nébuleuse se développa lentement, jusqu’à atteindre la taille de deux pleines lunes dans le ciel. Ce grand corps radiant en forme de fleur lui vaudrait bientôt le nom de « nébuleuse de la Rose ». Elle émettrait dans le firmament une lumière bleue, étrange et crue qui, en atteignant la Terre, brillerait comme un clair de lune argenté, illuminant chaque détail du sol et assombrissant les lumières des villes en contrebas.
Désormais, la nébuleuse de la Rose resplendirait pour le reste de l’histoire de l’humanité, jusqu’au jour où l’espèce qui régnait sur cette planète depuis la disparition des dinosaures s’éteindrait ou deviendrait immortelle.
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Ants and bees are industrious, but how advanced is their civilization? Humanity’s dim-witted ancestors cleared the earth with crude stone shovels, and then when they found that tiring, learned how to refine bronze and iron. When they found that tiring, they wondered whether they could find anything to do the work in their stead, and so they invented steam engines, electricity, and nuclear energy. Then even thinking became tiresome, so they looked for something to do it for them, and thus computers were invented. . . . Civilization progresses not due to humans’ hard work, but because of their laziness. One look at the natural world will show you that humans are the laziest of all creatures.
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Gwennaël Gaffric est le traducteur du *Problème à trois corps* de Liu Cixin. Il nous en parle.
00:25 Quelle place occupe Liu Cixin dans le monde de la SF ? 01:09 Qu'est-ce qui fait la singularité du *Problème à trois corps* ? 01:55 Comment expliquer le succès de Liu Cixin ? 02:22 Comment avez-vous appréhendé la traduction du *Problème à trois corps* ? 02:51 Avez-vous rencontré des difficultés particulières ? 03:34 Que diriez-vous à un lecteur qui n'ose pas se lancer dans la lecture du du *Problème à trois corps* ?
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