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Critique de claudialucia


Depuis toujours, me semble-il, je me suis intéressée à la guerre civile espagnole. Mon premier film sur ce sujet, quand j'étais enfant, a été Pour qui sonne le glas et j'ai, par la suite, lu le beau roman d'Ernest Hemingway. Il y eut aussi Tanguy de Michel del Castillo et puis Javier Cercas et les soldats de Salamine et actuellement le Monarque des ombres, et le crayon du charpentier de Manuel Rivas, Faut pas pleurer de Lydie Salvayre et maintenant Lune de loups de Julio Llamazares. Tous de très beaux livres que j'ai beaucoup aimés ! Et toujours la même émotion vis à vis de cette terrible histoire de meurtres et de sang qui divise un peuple, toujours le même sentiment de solidarité envers les républicains. Pourquoi ce sentiment si fort, naissant de ce moment si complexe de l'Histoire d'Espagne? Peut-être est-ce par ce que ceux qui représentaient la liberté ont été vaincus et que leur peine ne s'est pas arrêtée à la fin de la guerre mais a perduré : des années de franquisme, des années de dictature, de privation de liberté, de domination des valeurs fascistes sous la férule d'une église hypocrite et puritaine, mise au service du pouvoir et des riches, des années d'exil, de délation et de mort. Peut-être aussi parce que la guerre d'Espagne nous fait comprendre combien la démocratie est faible et combien il est difficile de la défendre.
Mais revenons au livre de Julio Llamazares. Lune de loups raconte l'histoire de quatre jeunes républicains, réfugiés dans les montagnes de Cantabrique, poursuivis par les fascistes qui les traquent jusque dans leurs ultimes refuges, dans les grottes où ils se réfugient, les cabanes de berger abandonnées, dans les maisons du village qui entrouvrent (rarement) leur porte pour leur donner une aide. La délation règne, les familles des maquisards subissent de dures représailles. La justice est expéditive, un coup de mitraillette règle tout, pas besoin de jugement !
Le narrateur est Angel, l'instituteur, et ses compagnons d'infortune sont Ramiro, Juan et son jeune frère Gildo.
Le roman est assez différent de ceux que j'ai lus jusqu'à maintenant. Il s'attarde moins à l'Histoire elle-même et parle plus largement des conditions de vie des quatre jeunes gens, réduits à l'état de bêtes, de leurs souffrances morales et physiques dans une nature belle mais hostile à l'homme.
Le récit pourrait se dérouler n'importe où, dans un noman's land de forêts, de neige et de froid, lors d'une errance qui déshumanise et préfigure l'antichambre de la mort, la porte des Enfers.
Et cette errance va durer environ dix ans. En effet, le récit commence en 1937 et se termine en 1946.

C'est avec poésie et émotion que Julio Llamazares décrit les affres de la solitude, l'aliénation de l'homme privé de sa famille, de ses semblables, la souffrance qui érode, qui sape chaque jour d'avantage ce qui le fait humain.
Le style imagé et lyrique donne un ton particulier au récit, entre rêve et réalisme, et la lune brille sans cesse dans la nuit de ces hommes sur laquelle pèse la menace de la Mort, omniprésente. Celle-ci s'incarne parfois comme dans ce passage où Angel prend la faux, dissimulé par l'obscurité, pour faucher le pré de son père.
La lune de loups, la lune des bêtes sauvages, rendues féroces comme eux par les mauvais traitements et qui sont, comme eux, solitaires et pourchassées.
Un beau livre qui éclaire d'une manière émouvante, brillante et poétique, un moment de la guerre civile espagnole.

Lien : https://claudialucia-malibra..
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