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Critique de motspourmots


Je ne peux pas commencer ce billet sans dire à quel point je suis impressionnée par la maîtrise dont fait preuve Anaïs Llobet pour ce qui n'est que son deuxième roman. Certes, le premier, Les mains lâchées était remarquable et on y trouvait déjà une qualité de regard, une empathie qui annonçaient de belles choses pour la suite. Mais pas au point de découvrir dès celui-ci, un roman quasi parfait. Construit comme un thriller, dans un crescendo implacable, impossible à lâcher.

Anaïs Llobet est journaliste et son expérience du terrain transparait dans ses écrits. C'est l'expérience de celle qui côtoie d'autres vies, d'autres cultures et qui s'attache à les comprendre. de cette matière elle tire ensuite un récit certes totalement fictionnel mais empreint de cette compréhension de l'autre qui me fait penser à ce que parvient à faire de son côté un Pascal Manoukian. On est dans la même veine, avec des ingrédients et des styles différents. Et il faut une sacrée sensibilité pour parvenir à rendre compréhensibles les motivations et la psychologie de chacun des personnages qu'elle met ici en scène, au coeur d'un drame qui va agir comme un révélateur au sein d'une communauté qui se croyait à l'abri des horreurs du monde.

Nous sommes à La Haye, aux Pays-Bas, jolie capitale pimpante, calme et fleurie. C'est ce cadre idyllique que l'auteure a choisi pour situer son intrigue et faire exploser sa bombe : dans le réfectoire d'un lycée, à l'heure du déjeuner. Très vite, les soupçons se portent vers un jeune élève d'origine Tchétchène et son frère qui pourrait être complice. Alissa, leur professeure de russe partage également avec eux cette origine qu'elle fait tout pour oublier et cacher, notamment à son compagnon hollandais, dans un souci d'intégration. Sollicitée par la police en tant qu'interprète, elle se retrouve au coeur de l'enquête et surtout de l'agitation médiatique. Car cet attentat cristallise soudain toutes les peurs qui passent par la stigmatisation des différences culturelles. Alissa devient le pivot, la seule capable de comprendre tous les ressorts psychologiques qui gouvernent Kirem et Oumar alors que les professeurs sont déjà pointés du doigt pour n'avoir rien vu venir et que ses origines pourraient la désigner elle comme doublement coupable.

C'est un véritable engrenage qui se déroule sous la plume habile et précise d'Anaïs Llobet, un engrenage dont le point central est la méconnaissance de l'autre. Un engrenage qui s'appuie sur le drame de l'exil, ce sentiment d'être toujours un étranger, quoi qu'on fasse. Les protagonistes de ce drame sont tous prisonniers, à leur manière, de leur situation et parfois de leur propre culture. Tout en déroulant son intrigue avec une précision machiavélique, Anaïs Llobet parvient à imprégner le récit d'éléments constitutifs de la culture tchétchène sans jamais l'alourdir, bien au contraire, créant ainsi les conditions d'une incroyable proximité avec les personnages. Oumar, Kirem et Alissa sont trois facettes de l'exil, trois exemples de la difficulté d'intégration. Trois maillons d'une même chaîne qui les attache à leur statut d'étranger.

Ce roman a tout d'un grand et pas un poil de graisse. Dense dans le propos, efficace dans la construction avec ce supplément d'âme apporté par le regard de l'auteure. Cette fois c'est sûr, la plume d'Anaïs Llobet est une valeur sûre.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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