AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782743644079
180 pages
Payot et Rivages (02/05/2018)
3.53/5   16 notes
Résumé :
Entre les immensités glaciales de la Scandinavie et l'espace confiné d'une piscine municipale, l'auteur nous entraîne dans un vertigineux jeu de piste psychologique pour interroger, avec force et justesse, les méandres de l'amour filial.
Acheter ce livre sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten
Que lire après Grand bassinVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
J'aime lire régulièrement des auteurs contemporains. Ma découverte la plus récente est ce court roman envoûtant à l'écriture maîtrisée qui traite de la filiation et de la mémoire.

Un jeune homme mal dans sa peau quitte son pays pour la France ; sa mère l'envoie auprès d'une vague connaissance en espérant inconsciemment qu'il réussisse enfin à grandir. Car la vie de Per a été marquée par la disparition inexpliquée de son père quand il avait 9 ans. Ce père disparu est la pièce manquante qui permettrait à Per de remettre sa vie en route, de bousculer la sorte de névrose d'échec qui l'empêche d'avancer. Per s'est construit dans la solitude et le silence. C'est un taiseux qui ne sait pas réellement s'exprimer. En France, il rencontre un autre taiseux : Ivar. Cet ami de la mère, maître-nageur, l'héberge et devient son professeur de natation. Une sorte de filiation silencieuse s'instaure, venant combler les espaces vides…

Récit initiatique, récit de la mémoire, « Grand Bassin » propose donc une plongée dans les abîmes de l'enfance. Si dans « La Correction », le premier roman d'Élodie LLocar, la mère était une présence sourde mais pesante, cette dernière délègue ici une part de sa responsabilité au père dont l'image enfouie hante la vie du protagoniste.

On pense à un film de la Nouvelle vague qui aurait croisé le monde de Jacques Tati : des personnages un peu loufoques, perdus dans leurs traumatismes, incapables d'exprimer leurs émotions, semblent se retrouver pour qu'un puzzle se reconstitue… Avec une grande économie de moyens, Elodie Llorca dresse les portraits du directeur de la piscine, de Hyacinthe et surtout de sa petite fille qui est un pendant féminin du héros plus jeune, une sorte d'Anima jungienne qui lui prend la main pour l'aider à passer la frontière de l'âge adulte.

L'histoire est ténue, l'essentiel est ailleurs : dans l'exploration méthodique d'images-clés autour desquelles la douleur de l'absence s'est cristallisée. Les courts chapitres naviguent entre l'instant présent et la mémoire sans cesse recomposée. Et au gré des pages, telles des pierres sur le bord de la route, des indices et des surprises infimes mais puissantes nous attendent sagement…

Les descriptions du pays nordique natal du héros sont magnifiques. Ce sont des paysages fantomatiques et fantasmatiques que le héros nous décrit avec nostalgie et poésie. le Norrland se matérialise devant nous, on se prend à rêver à ses étendues neigeuses, à ses grands lacs, aux bosquets de bouleaux et aux troupeaux de rennes. Ces rêveries des grandes étendues, aussi glacées que le coeur du héros en pleine quête d'un père absent, créent un contrepoint parfait avec l'austérité des quatre murs de la piscine la Petite Olympique où travaille Per (devenu Ivar à la mort de son mentor par un étonnant processus d'héritage incontrôlé). Un jeu de miroir entre la glace et l'eau s'établie : le passé gelé fond peu à peu, à mesure que le héros nage pour rejoindre le présent et ses sensations.

La langue d'Élodie Llorca, elle, est ensorcelante : elle glisse sous nos yeux et nous attire à elle. Chaque mot est pesé. Elle évite ainsi toute explication superflue, toute émotion trop forte pour nous imprégner de la personnalité de Per/Ivar. Ce sont les images qui nous guident dans le labyrinthe menant à la résilience.
Commenter  J’apprécie          40
J'avance lentement dans le bâtiment. Je viens de quitter mon vestiaire. Il est tard et la piscine est fermée, je me retrouve seul face à son reflet profond, d'un turquoise saisissant, les néons grésillent et de temps en temps le coeur d'une ampoule a un raté, ce qui crée un déséquilibre dans cette parfaite harmonie. Comme si quelque chose s'évanouissait.

J'avance et je ferme les yeux, je ne suis plus en France, je suis chez moi, mes racines me happent, et je rejoins mon univers, cette nature dans laquelle j'ai grandi, ces immenses bouleaux qui peuplent nos forêts, le soleil aveuglant et la neige immaculée. Et le lac. Ce lac dans lequel, petit, mon père m'a jeté, dans lequel je me suis débattu, je coulais, je coulais ! et ce sentiment de haine et d'impuissance grandissait en moi, pourquoi m'y a-t-il jeté ! qu'avait-il à me prouver et moi, qu'avais-je à lui prouver en retour ?

J'avance et il est parti. Envolé. Un jour comme ça, il est parti, jamais revenu, me laissant seul avec ma mère. Je ne comprends pas, elle dit que le bateau sur lequel il est parti a coulé, mais je sens qu'il vit encore, je le sens au plus profond de moi, mon père n'est pas mort. Mais qui est-il ? Et où est-il à présent ? Et où est le bracelet de maman, disparu le jour du départ de papa ?
Dans Grand bassin, Elodie Llorca évoque l'enfance, les souvenirs, la mort et la quête de vérité. Per a quitté le Nordland, poussé par sa mère à rejoindre son oncle Ivar, qui travaille en France en tant que maître-nageur. Deux grands taiseux se font fassent et ces questions inévitables : Pourquoi Per est-il ici ? Et que fait le bracelet de sa mère dans son armoire ?

A la recherche de ses souvenirs, Per ne sème pas de petites pierres pour retrouver son chemin, il ramasse et collectionne divers objets oubliés, perdus, égarés afin de reconstituer ses souvenirs, à la recherche d'une trace, d'une évocation, d'un indice pour retrouver le sentier de sa vie.

Un très beau roman, d'une écriture délicate et bienveillante, une belle petite découverte !
Commenter  J’apprécie          50
Depuis l'enfance Per est en équilibre instable sur le fil de sa vie. Bloqué par ses angoisses, englué dans sa solitude, il enchaîne les jobs, n'a de goût pour rien. À neuf ans il perd son père, et sa mère reste vague sur les conditions de sa mort. Pêcheur, il aurait péri en Mer Baltique mais le doute subsiste. Per grandit en Suède dans le Norrland, non loin du cercle polaire, une région de lacs, de forêts, de rochers, de neige et de glace. L'absence de ce père et le mystère qui l'enveloppe pèse toujours sur l'existence de Per, l'empêchant d'avancer, d'avoir un emploi fixe, de tomber amoureux, d'avoir des projets des passe-temps… de vivre pleinement.

Ivar, un ami de sa mère et originaire du Norrland aussi, fait venir Per en France. Maître-nageur dans une piscine municipale, il lui trouve une place d'agent d'entretien à ses côtés et l'héberge. Pour Per, Ivar est une sorte de mentor, un conseiller. Mais ce dernier meurt brutalement d'une rupture d'anévrisme. Per décide de suivre une formation pour devenir maître-nageur, il reste dans le logement d'Ivar, dont il prend également le prénom… En rangeant les affaires du défunt, il découvre un bracelet ayant appartenu à sa mère… Des interrogations émergent. Sur la filiation, l'identité, les relations entre Ivar et sa mère, la disparition mystérieuse de son père. Des bouts d'enfance des paysages des sentiments resurgissent. Au fil de l'eau – du grand bassin qu'il arpente jour après jour en donnant des cours, et des objets perdus par les nageurs qu'il récupère – le puzzle de son enfance se reconstitue. Image après image… ses souvenirs remontent à la surface.

Étonnant huis-clos d'où l'on s'échappe par moments grâce aux allers-retours vers l'enfance suédoise. Une quête d'identité et de vérité mise en mots avec poésie et sobriété. Peu d'empathie envers les personnages, le lecteur est mis à distance, il observe les dernières pièces du puzzle s'imbriquer, avec discrétion. Un roman intimiste.
Lien : https://lesmotsdelafin.wordp..
Commenter  J’apprécie          80
Un étrange voyage dans le coeur de glace d'un jeune homme qui quitte le Norrland pour la France en quête de lui-même et de réponses au mystère de son enfance: la disparition de son père.
Alternant souvenirs glacés mais joyeux et son quotidien froid dans une piscine française, Per s'interroge et se cherche avec un détachement qui progressivement se fissure jusqu'à la libération de son passé!
J'ai adoré la plume de l'auteur, les quelques références à la vie dans le Norrland et à sa culture (surtout culinaire ^^ ). Je me suis sentie proche de lui, l'auteur sais nous pousser à l'empathie pour son personnage, nous faire réfléchir à nous et nos blessures d'enfants à travers lui.
Un roman à la fois très terre à terre et psychédélique, j'ai adoré ce mélange!
Il m'a réconciliée avec la littérature scandinave et je guetterai les sorties de cette auteure!
Commenter  J’apprécie          30
Un livre étrange et fascinant...

Dans "Grand bassin", j'apprécie tout particulièrement ces personnages taiseux, un peu rustres et aussi la poésie des grands froids : j'ai été comblé ! L'eau est le lieu des rites de passage : l'intrusion du magique dans le réel le plus banal se produit là, dans ces eaux sombres et confinées, avec une remarquable puissance d'évocation visionnaire. On a cette intuition mélancolique que les souvenirs gisent peut-être dans les grands fonds de la mémoire avec les créatures fantastiques des abysses... c'est ainsi que j'ai ressenti cette violence du surnaturel tissant de multiples liens avec les histoires humaines, de l'enfant, de la vieille dame... "Grand bassin" est un drame poétique où le vertige de l'identité et de la filiation s'apparente étrangement à une véritable "ivresse des profondeurs"... Bravo !
Commenter  J’apprécie          00

Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Ne fais pas comme moi ni comme Ronja. Trace ta ligne. Entrelace-la à d'autres. Avec les mots qui seuls délivrent. Sois une pierre qui roule au monde.
Commenter  J’apprécie          10
« Vivre avec Ivar, c’est continuer à vivre dans le Norrland. Ses cheveux sentent le bois flotté de nos rivières, sa peau me rappelle la farine d’écorce de bouleau et il a le poil creux d’un cervidé, comme s’il cherchait à se protéger du froid. Il ressemble à un vieux renne sauvage, bas au garrot, portant un pelage grisâtre de neige sale et fondue à la fin de l’hiver. Et puis il y a sa manière fruste de tenir sa fourchette, qui tout de suite m’a saisi et rappelé nos tournures, sa rudesse à lacer ses chaussures aussi, et sa façon rustre de couper notre pain à l’épeautre, avant de l’enfourner gauchement dans sa bouche. Tout cela respire nos allures emmanchées, à jamais figées dans un climat trop rugueux. »
Commenter  J’apprécie          50
« Plus le temps passe, plus je pense aux choses de la vie. Ces choses que l’on oublie, abandonne ou remplace, plus ou moins facilement. Tous ces petits riens qui pèsent ; ces poids dont on refuse d’être chargé à nouveau et dont on se délaisse subrepticement. Tout compte fait, finis-je pas convenir un jour en faisant tourner dans ma main le bracelet de ma mère, les objets sont perdus à dessein, tels des larcins dont on voudrait se soulager. »
Commenter  J’apprécie          30
« Trace ta ligne. Entrelace-là à d’autres. Avec les mots qui seuls délivrent. Sois une pierre qui roule au monde. »
Commenter  J’apprécie          60

autres livres classés : piscinesVoir plus
Les plus populaires : Littérature française Voir plus
Acheter ce livre sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten


Lecteurs (31) Voir plus



Quiz Voir plus

Retrouvez le bon adjectif dans le titre - (2 - littérature francophone )

Françoise Sagan : "Le miroir ***"

brisé
fendu
égaré
perdu

20 questions
3621 lecteurs ont répondu
Thèmes : littérature , littérature française , littérature francophoneCréer un quiz sur ce livre

{* *}