Un feel-good noir et déjanté indique la quatrième de couverture.mais je n'ai pas pu m'attacher aux trop nombreux personnages et à l'histoire un peu trop longue et rocambolesque...
Une jeune autrice à suivre.
Ce roman a remporté le prix du speed-dating Amazon 2019 au Salon du Livre de Paris.
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Un feel good déjanté à déguster sans aucune modération... Mais loin de tout matériel possédant une notice.
Tout est toujours bien organisé pour Lily Brooks. Son enfance violemment tronquée par la cruauté de la vie la décide à enfermer à double tour la flamme de l'innocence... et les imprévus qui pourraient venir troubler la sérénité dont elle a besoin, son semblant de bonheur : sa routine bien huilée. Lily Brooks devient alors la meilleure rédactrice de notices et mène un quotidien planifié jusqu'au bout des post-it.
Mais le bonheur, on peut le rencontrer partout. Tant dans l'organisation parfaite de ses journées que dans le choix des couleurs de ces jolis et indispensables post-it, ou bien encore dans la mort accidentelle de la grognasse qui vient vous chiper sous le nez le dernier exemplaire de cette petite chemise qui vous fait de l'oeil. Et c'est ainsi que Lily décide de prendre son bonheur en main, de le conquérir à coup de recettes trouvées dans des feel good, et de faire un peu de ménage sous la bannière de l'altruisme et de la bienveillance en nettoyant les ordures salissant le bonheur des autres. À commencer par son patron.
Mais les leçons de vie sont aléatoires et Lily déchante vite, surtout quand elle commence à perdre la mémoire bien avant ses plus fidèles amis, un gang de retraités qu'elle rejoint tous les jeudis pour le goûter.
Je n'en dirai pas plus pour ne pas spoiler ce roman aussi amusant que hallucinant.
J'ai passé un très bon moment de lecture avec cet humour décalé planqué à tous les coins de lignes et je me suis beaucoup attachée à Lily Brooks, ses pronostics farfelus et tirés par les cheveux, sa vision des choses, son organisation... heu... mémorable ? Ou presque en tout cas. Quoi qu'il en soit, la ligne de morale est abstraite et j'ai aimé cette façon de la faire vaciller, de la pousser sur le rebord de l'immoralité. Chacun des personnages (des "gentils"), que ce soit Henriette, Jacky, Hubert, Vincent, Albert, Annette, Martin... Chacun a sa place, son caractère et son importance dans le sillage de notre Lily.
Je recommande chaudement ce livre à tous les amoureux du second degré, à tous ceux qui ont besoin de légèreté dans la lourdeur de leur quotidien finalement presque aussi bien huilé que celui de Lily. N'hésitez plus, vous avez là de quoi rire et de quoi être ému. Ce livre, c'est comme ce bonbon que vous avez planqué et que vous déballez lorsque le besoin de réconfort se fait sentir.
Virginie, tu as posé tes sucreries dans ma bibliothèque et je suis ravie de pouvoir les déguster quand bon me semble ! Merci.
Phrase préférée : "Ne déteste pas le lundi, fais que le lundi te déteste."
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BUREAU 27
14 mois avant.
Dans les films, le héros entre au ralenti et traverse toujours l’open-space avant de pouvoir rejoindre son bureau. Étrangement, les néons au plafond lui donnent un teint de surfeur californien. Au passage, il salue deux trois groupies à la poitrine généreuse et aux hanches criant famine. L’informaticien de service, bigleux et timide, lui sort une blague de geek qu’il sera le seul à comprendre. Et enfin, le stagiaire aura cassé sa tirelire pour lui offrir son espresso de chez Starbucks. Sans sucre et avec une pointe de lait s’il vous plait.
Mais aujourd’hui, comme tous les matins, Lily assiste à une tout autre scène. Clap ! Action ! Guillotine ! Entrée du blaireau de service ! Les néons ne sont pas aussi sympathiques, les groupies ont les hanches en forme de pot de Nutella et l’informaticien est déjà à quatre pattes sous son pc luttant entre deux câbles RJ et une carte mère capricieuse. Et le blaireau quant à lui franchit son QG comme un hamster content de retrouver sa caisse.
— Lily !!! Dans mon bureau !
Lily, c’est le bureau 27, juste à gauche en entrant. Huit années de service.
4,36 mètres carrés de territoire. Lily remet en place son chemisier, planque sa mèche de cheveux derrière l’oreille, réajuste ses lunettes et empoigne son dossier.
— Bonjour Monsieur Fornex.
— Le dossier est prêt ?
— Vérifié, corrigé et certifié.
— J’imagine… bon ben, restez pas plantée là ! Envoyez-moi tout ça au client et passez au suivant.
— C’est déjà fait.
C’est marrant comme un hamster arrête de tourner sur sa chaise de ministre quand il ne sait plus quoi dire. Lily lui a encore une fois cloué le bec. Il en a rongé des crayons rêvant de foutre en l’air la réputation de la meilleure rédactrice technique de l’étage. Mais s’il est une chose que Lily maîtrise, c’est bien son job. Irréprochable. Elle aurait sûrement eu sa photo accrochée au mur de l’employé du mois si ça avait été le genre de la maison mais le Hamster détestait Lily.
Depuis son bureau, Lily a une vue panoramique sur le reste de l’openspace.
Observer les allées et venues de ses collègues, c’est son petit monde à elle. Tout y est réglé comme du papier à musique. La parfaite routine.
— Putain de machine ! C’est pas vrai, mon rapport !
Bourrage papier. À l’autre bout de l’office, Lily assiste au combat entre un de ses collaborateurs et le photocopieur. Scène d’horreur. Six heures de travail haché sur quatre-vingts grammes de papier recyclé.
Le hamster de service sort de sa caisse, sourire au coin :
— Y a un problème, Martin ?
Martin, c’est un rédacteur technique comme Lily. Trois ans d’ancienneté, autant dire pas encore vacciné contre les rongeurs.
— Euh… Oui, enfin, non, je vais arranger ça. C’est juste un bourrage
papier, le genre de truc qui arrive.
Une heure plus tard. Martin zéro, photocopieur un. Combat par KO. La fin est inévitable. Lily avait pourtant signalé les anomalies plusieurs fois, mais le responsable budget n’avait pas jugé utile de remplacer l’appareil.
— Monsieur Fornex, excusez-moi de vous déranger mais je crains de ne pas pouvoir imprimer mon dernier rapport. Je vais aller à l’étage des commerciaux pour le faire.
Fornex le Hamster comprit qu’il saisissait là une occasion unique de s’en prendre à Lily.
— Laissez tomber Martin, ça fait une heure que je vous vois batailler avec ce photocopieur. Spectacle tout à fait sympathique au passage, enfin bref !
Retournez bosser ! Je vais arranger ça.
Embrouille en vue.
— Lily, récupérez le dossier de Martin sur votre clé et filez faire des copies chez les commerciaux.
La guillotine à saucisson en bois de hêtre est en promotion en ce moment chez Carrefour. Sa lame en inox trempée et crantée permet de découper de fines tranches sans se blesser. Lily serait ravie de vérifier la notice, ça fonctionne peut-être sur les hamsters. Lily télécharge le dossier de Martin sur sa clé USB, croque un tic-tac menthe glaciale et s’avance vers l’escalier sous les encouragements de Martin et le sourire narquois du hamster.
Vingt-six marches plus bas, le chaos. Lily déteste cet endroit et Fornex le Hamster le sait bien. Elle pousse la porte et avance son pied droit. Toujours le droit. Au sol, la moquette usée jusqu’à la moelle semble crier à l’aide sous le pas prudent de Lily. Par terre, des câbles, des bouts de papier abandonnés près des corbeilles blindées. Sur les murs, des feuilles A4 se partagent la même punaise. Le tic-tac couvre à peine l’odeur des VRP en sueur. Plus que dix-huit mètres avant le photocopieur. Lily aurait volontiers emprunté une trottinette posée là devant un bureau pour foncer vers l’imprimante et alléger sa souffrance, mais elle se souvient de cette étude du Clinical Pediatrics qui précise que la trottinette causerait 74 % des plaies, fractures et commotions chez l’enfant. Et 100 % de honte chez l’adulte. Plus que huit mètres, trois mètres, ouf. Clé insérée, touches enfoncées, papier imprimé. Ce n’est pas si difficile que ça.
Un Post-it au sol. Aïe. Couleur jaune, classique. C’est plus fort qu’elle.
Dès qu’elle en voit un par terre, il faut qu’elle le ramasse. Elle entend le cri désespéré de ce bout de papier abandonné et se doit de retrouver son maître. Elle le saisit dans sa main, le caresse, le tourne dans tous les sens, observe attentivement l’écriture et le respire discrètement. Cosinus-tangente, cosinustangente. Lily scanne les lieux. Elle s’approche d’un bureau où un cravaté bataille avec un prospect au téléphone. Il remarque sa présence.
— Un instant s’il vous plait monsieur, je vous reprends de suite… Je peux vous aider ?
— Oui, désolée de vous déranger, mais je crois que ce Post-it vous
appartient.
— Pardon ?
— Oui, j’ai pu remarquer l’écriture très appuyée, ce qui révèle un caractère plutôt déterminé. Et en plus, c’est celle d’un gaucher. Ensuite, la trace de semelle sur le bord indique qu’il ne s’agit pas d’une femme, ici les femmes portent des talons. Et enfin l’odeur du parfum et de cigarette électronique à la mûre me fait penser que vous êtes l’heureux propriétaire de ce Post-it. Je me trompe ?
— Euh… mais dites-moi… vous ne seriez pas Lily Brooks par hasard ?
— Vous devriez faire davantage attention à vos notes, un peu plus organisé vous pourriez monter votre chiffre d’affaires de 8 %. Enfin ce n’est pas moi qui le dit c’est une étude…
— Mais oui, c’est bien vous ! Miss Notice ! C’est pas des cracks alors ?
Lily pose le Post-it sur le bureau et s’empresse de quitter l’open-space.
Vingt-six marches plus haut, elle retrouve son QG. Son bureau, son PC, sa boîte à crayons, sa pile de dossiers et ses Post-it.
Les jaunes pour les tâches courantes.
Vert bouteille pour les mails.
Et rouge pour les urgences.
Lily est impressionnée. Quel esprit d’analyse malgré les circonstances ! D’ordinaire, une victime sur le point de mourir s’affole et hurle comme un chat qu’on baptise mais là, il assure. Il en est presque sexy.
et souvent il arrivait que des spaghettis tombent derrière notre cuisinière. A chaque fois, sans relâche, Vermicelle (une petite souris) venait récupérer son butin.
Elle se logeait entre le mur et le fourneau et piquait la longue tige de blé.
Mais le passage était si étroit que le spaghetti cassait à chaque fois et se transformait en petits bouts de vermicelles. Mais loin de se décourager, elle revenait et revenait et n'en finissait pas avec ses aller-retour ! Elle les voulait ses petits bouts de bonheur !
Au début, son butin avait l'allure d'une belle ligne droite à suivre. Elle s'imaginait la grignoter par les deux bouts et se rassasier à chaque bouchée.
Mais vois-tu ma Lily, le bonheur est un spaghetti qu'il faut casser. Le bonheur n'est pas une longue route tranquille mais bien une série de morceaux à recoller, de tranches de vie à partager et parfois de miettes à ramasser.
Depuis quelques jours, sa vie d'avant lui échappe. Elle a l'impression d'être sur un terrain de volley, de crier : J'ai, j'ai ! mais de se prendre le ballon en pleine face.
Albert est un amoureux des livres, un vrai. Toucher le vieux papier, caresser la reliure, sentir cette odeur de fibres et admirer la danse des mots imprimés sur les pages est sa drogue, son bonheur.