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Critique de fabienlac


La tradition orale des ouraliens

"Les mots me fondent dans la bouche
grains de gorge, pluie de parole,
ils se ruent, torrent sur ma langue,
ils s'embruinent contre mes dents."

C'est d'abord l'histoire d'une transmission. le Kalevala provient d'une tradition orale de milliers de vers que les bardes des peuples ouraliens récitent et enrichissent, en respectant des règles de versifications contraignantes. La constellation des peuples ouraliens s'étend de la Finlande jusqu'à l'Oural en passant par les rives de l'Arctique. Lonnrot, un médecin finlandais, récolta ces vers auprès des bardes en échange de consultations médicales. Il compila ce corpus foisonnant au XIXèm siècle. Gabriel Rebourcet est le dernier maillon de la chaîne qui nous relie aux récits du Kalevala. Fruit de longues années de travail, sa deuxième traduction est un chef-d'oeuvre.

Le parti pris d'une traduction audacieuse

Rebourcet a restitué la sonorité du Kalevala. Ses jeux d'assonances (répétitions de certaines consonnes) en font une langue poétique singulière. En outre, le Kalevala utilise des mots anciens avec lesquels un finlandais contemporain n'est pas familier. Rebourcet a rendu ce décalage en effectuant un travail sémantique d'une rigueur étonnante (il refuse d'employer le mot ski, qui n'est pas d'origine française et lui préfère le lugeon). C'est une langue française délaissée qui revit dans ce texte finnois : les forêts deviennent des halliers, des taillis et futaies zebrées de laies (pas la femelle du sanglier).

La chanson de Roland, Isis et Osiris, la corne d'abondance...

Des histoires avant toutes choses ! le Kalevala est une geste épique qui retrace les aventures de plusieurs archétypes de la mythologie dévoilés par Dumézil : le prêtre, l'artisan et le guerrier. Ces mythes résonnent ou dissonnent avec ceux dont nous sommes pétris. L'épique allié à la poésie des bardes recèle une immense puissance de rêve. Lisez le chant 15. La mère d'un guerrier découpé et jeté dans un fleuve repêche les morceaux de son fils et lui redonne vie à l'aide de miessée (quand je dis qu'il fait revivre une langue oubliée ! ) et d'un chant.
Ne vous laissez pas dérouter par le début et par la versification. On entre dans cette langue progressivement jusqu'à ce qu'elle devienne pour nous une seconde nature. Comme tous les grands textes, le Kalevala est exigeant mais il rend au centuple.

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