Amatrice de littérature francophone, je n'ai découvert
Max Lobe, auteur d'origine camerounaise établi en Suisse, que récemment avec son
39, rue de Berne.
Après une introduction camerounaise où l'on s'amuse des rodomontades de l'oncle face au pouvoir en place, c'est la jeune Mbila que l'on suit à travers son exil forcé vers la
France pour y devenir une star...Le lecteur sent venir la supercherie ; Mbila, du haut de ses seize ans, se retrouve prise dans les rets d'un réseau de prostitution et finit au
39 rue de Berne pour tenter de rembourser au plus vite le coût exorbitant de son voyage.
Son fils Dipita fait office de narrateur : il nous con
te avec ses yeux d'enfant sa relation avec sa mère qui ne lui cache rien de la vie qu'elle mène ; il s'attarde sur ses nombreux parents : son père biologique, son père administratif, utile pour remporter le petit passeport rouge, et ses mères adoptives, les amies de sa mère, prostituées de tout horizon qui forment une communauté haute en couleur.
Max Lobe nous révèle l'envers de la luxueuse
Genève et les tristes trafics d'être humains qui y ont court ; mais cette violence quotidienne est atténuée par le ton désarmant et un peu naïf de Dipita, qui découvre peu à peu son homosexualité : d'abord sur "Le Supermarché", un site de rencontre pour gays, puis en succombant au beau
William.
La description sous-jacente des rapports qu'entretiennent les protagonistes serre le coeur : le refus d'envoyer de l'argent au Cameroun à celui qui a envoyé Mbila se prostituer à 16 ans, cette dernière qui demande pourtant l'aide de son fils pour transporter de la drogue, la relation asymétrique de Dipita et de
William, ou encore l'étrange attirance qu'éprouve Mbila pour celui qui l'exploite.
Sans mentionner le racisme qui n'épargne pas les putes, où la Russe serait supérieure à la Camerounaise.
Une très belle découverte bercée par de tristes descriptions de
Genève, plus terne que ce que l'on croit.