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Suzanne V. Mayoux (Traducteur)
EAN : 9782743661175
528 pages
Payot et Rivages (04/10/2023)
3.56/5   200 notes
Résumé :
Dans son dernier roman, Pensées secrètes, l’écrivain Henry James apparaissait en filigrane. Dans celui-ci, il se tient au centre de la scène. L’histoire commence en décembre 1915, alors que Henry James meurt entouré de ses proches et de ses domestiques - puis recule pour lever le rideau sur les années 1880. Apparaissent alors George du Maurier, l’ami cher, artiste et illustrateur de métier et Constance Fenimore Woolson, écrivain américain avec qui James entretient d... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (22) Voir plus Ajouter une critique
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"Je suis le genre d'auteur dont les gens pensent que les autres me lisent."
(V. S. Naipaul)

Ah, ces auteurs, et leur chemin épineux vers la gloire !
A certains, un seul livre suffit pour les propulser immédiatement aux sommets, d'autres triment des années durant en attendant en vain un peu de reconnaissance. Et pourtant, à la fin il n'y a que le Temps qui décide de la pérennité de l'Oeuvre, peu importe qu'elle soit écrite avec une plume d'oie, sur une vieille machine Remington ou sur un clavier électronique dernier cri.

Entre nous, avez-vous déjà entendu parler d'un roman appelé "Trilby" ? Cette romance d'une petite Parisienne tombée dans les filets d'un méchant hypnotiseur fût pourtant l'un des plus célèbres "best-sellers" du 19ème siècle finissant, tant en Angleterre qu'en Amérique, et sans doute le premier livre à déclencher une véritable campagne de marketing. Chapeau Trilby, gâteau Trilby, chaussures Trilby, toute une ville baptisée Trilby... bref, le monde anglo-saxon était en proie à une trilbymania incompréhensible même à l'auteur du roman, et elle a fini par mentalement l'épuiser.
Cet auteur était George du Maurier, dessinateur humoristique pour le Punch, et grand ami de l'écrivain Henry James. On connait bien sa petite-fille Daphné, mais qui se souvient encore de George et de cette belle amitié avec James ? de cette satanée "Trilby" ? de toute cette drôle d'époque victorienne, ses phénomènes de mode et de son microcosme littéraire, navigant entre Londres, la campagne anglaise et l'Italie ?

David Lodge le fait dans "L'auteur ! L'auteur !". Cet agréable roman retrace avant tout une partie de la carrière d'Henry James, mais à travers l'écrivain il fait aussi revivre tout le monde littéraire de l'époque. Wharton, Shaw, Wells, Wilde et tant d'autres vont traverser les pages, et vous serez parfois surpris à quel point l'irréprochable gentleman cosmopolite James pouvait être jaloux de leur succès.
Il est presque amusant de constater comment la renommée littéraire de James de son vivant ressemble à ses histoires de fantômes : c'est tout aussi curieux et indéchiffrable. Il jouissait d'une grande estime en tant qu'écrivain, mais en réalité, presque personne ne lisait ses livres. Les rédacteurs étaient honorés de publier ses romans sous forme de feuilleton, mais étaient toujours soulagés de passer à quelque chose de plus "trilbyesque", qui plaisait davantage aux abonnés. Trop opaque. Trop pessimiste. Trop long. Trop d'intériorisation... pourtant, James n'était pas enclin aux concessions, sachant que ses écrits sont bons. Alors, pourquoi le succès ne semble toujours aller que vers les autres ?

Lodge se base sur les documents et les correspondances, et (comme il l'admet dans la préface) il ne peut qu'imaginer ce qui se passait dans la tête d'Henry James pendant toutes ces années d'essais et d'échecs, mais il le fait fort bien.
Les romans se vendent mal, alors Henry tente de percer dans le milieu théâtral. le "clou du spectacle" absolu de ce roman sont les passages qui parlent de la soirée de la première représentation de son "Guy Domville", l'ultime tentative après quelque pièces accueillies assez tièdement. Lodge fait alterner le déroulement de la pièce au théâtre avec les tourments de James, épuisé par d'éternelles demandes de retravailler, raccourcir et égayer sa pièce, et tellement stressé qu'il n'ose même pas assister à la première. Il va voir en attendant la nouvelle comédie De Wilde dans le théâtre voisin, totalement incapable de se concentrer sur quoi que ce soit, à part le succès tonitruant De Wilde. Un de plus, tandis que lui... Mais le public est tout aussi bruyant à la tombée du rideau sur "Guy Domville", où James se pointe au tout dernier moment, en les entendant réclamer l'auteur. Mais quelque chose est différent par rapport à la pièce De Wilde...

Si on a toujours reconnu la valeur des ouvrages de James, et surtout si vous les appréciez personnellement, vous ne pouvez que compatir avec ce gentleman vieillissant, même si le roman est loin de le montrer sous un angle flatteur. Ne jamais s'emporter, ne céder jamais à la vulgarité ni aux émotions excessives. Peut-être par peur de trop se dévoiler ? Certains sont pourtant ainsi faits, et il n'y a que leurs amis pour comprendre. Henry James en avait beaucoup, certains très proches. Comme ce dessinateur semi-aveugle de Punch, ou comme Constance, fille de James Fenimore Cooper, avec laquelle il ne s'est jamais marié. James le réservé, James le distant, James l'indécis...
Lodge met en scène un grand nombre de personnages intéressants dans cette Angleterre si puritaine, qui contraste avec l'insouciance et la "modernité" américaines, à leur façon tout aussi puritaines (les romans de James débordent de ce contraste) et avec les moeurs libres des Français (ah, ce Maupassant !).
Je donnerais volontiers cinq étoiles rien que pour le bref passage sur la visite d'Alphonse Daudet à Londres, je vais donc garder cette note pour l'ensemble.
Une note toute subjective : comparé aux autres romans de Lodge (lus toujours avec plaisir, et oubliés aussitôt avec succès), c'est sans doute celui que j'ai apprécié le plus. Même s'il peut paraître un peu long et légèrement pessimiste, sans parler de l'omniprésente intériorisation... mais quel auteur est parfait ?
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Bien qu'étant un lecteur fidèle de David Lodge, il m'a fallu faire une pause au début, car le sujet était trop rébarbatif : une bibliographie d'un auteur qui ne m'était pas connu. Car .
Pourtant un peu à la fois, grâce au style et à l'estime que David Lodge porte à Henry James, le roman bibliographique devient passionnant. .
David Lodge romance les pensées d' Henri James qui a envie de reconnaissance, mais qui ne veut pas relâcher ses ambitions littéraires. le mal être Henry James rend le roman captivant
Ce roman m'a fait découvrir aussi :
• le monde des écrivains de la fin du XIXème siècle , Henry James rencontre Daudet, H.G.Wells… c'est intéressant de connaître les différents points de vue , et leurs jugements sur les uns, les autres
• Les moeurs de son entourage : ils sont toujours en train de voyager, ils ne sont pas sédentaires.
L'humour de David Lodge se retrouve aussi dans le prologue , à ne pas louper !
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Un vrai coup de coeur ! C'est brillant, subtil, très bien écrit, littéraire sans être rébarbatif. La description des personnages et de leurs sentiments est époustouflante. David Lodge a trouvé un style d'écriture très proche des romans du XIXe siècle (descriptions très fouillées, psychologie des personnages...) tout en restant très moderne dans le rythme. Ce roman renferme en lui plusieurs dizaines de romans potentiels : quelle imagination ! quel talent !
Juste après cette lecture, je me suis plongée dans un autre roman de David Lodge "la vie en sourdine", quelle surprise de découvrir qu'un même auteur peut écrire de façon si différente en passant d'un roman à un autre ! Un vrai grand écart.
Bravo et chapeau bas pour cette leçon de littérature Monsieur Lodge : du grand art !
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Après avoir été vraiment enchantée par ma première lecture de David Lodge, avec "La vie en sourdine", puis avoir été déçue par son livre "Un tout petit monde" (voir mes critiques), je n'ai pas voulu rester sur une note négative. Et je peux dire que je suis réconciliée avec l'écrivain et son "L'Auteur ! L'Auteur !"

Tout d'abord, parce que c'est de la belle littérature et tout à fait accessible. David Lodge est un homme des belles lettres.

Ensuite, pour m'avoir fait connaître Henry James, écrivain et personnage que l'auteur décrit, (et c'est comme cela que je l'ai ressenti), comme un homme bon, d'une élégance et d'un raffinement très "british".
C'était un écrivain d'un professionnalisme hors pair, toute sa vie à la recherche de la perfection, n'hésitant pas à se remettre en question et apprenant après chaque déboire, à se relever, à tirer une leçon de ses échecs.

Henry James était d'une culture artistiques plus que développée. Cet homme, que l'on pourrait aisément qualifier de rigide, à la fois dans sa conduite et dans la ligne de vie toujours axée sur sa profession d'écrivain, a eu pourtant de très nombreux amis, de vrais amis.
L'un d'eux, le peintre-dessinateur Du Maurier, fut le plus proche. Son personnage d'une nature joviale et d'un caractère sympathique a apporté la touche d'humour à ce livre.

Enfin, pour m'avoir fait découvrir le monde du théâtre, un peu du côté des coulisses, beaucoup du côté de l'auteur d'une pièce de théâtre et de toutes les contraintes auxquelles il est lié, aussi du côté de la direction d'un théâtre, des risques à prendre ou à refuser, des implications; enfin, du côté des critiques et de leur immense force de persuasion.

Bref, vous l'aurez compris, j'ai énormément apprécié et je le recommande vivement.
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"L'auteur ! L'auteur !" sont les cris que poussent les spectateurs de la "première" d'une pièce de théâtre pour réclamer que l'auteur vienne saluer et ainsi l'acclamer ... s'ils ont trouvé la pièce à leur goût. C'était du moins la tradition sur les scènes anglaises à l'époque de Henry James, c'est-à-dire l'époque victorienne (fin du XIXe et début du XXe). David Lodge livre ici un roman très documenté sur cet écrivain d'origine américaine mais ayant adopté l'Angleterre comme lieu de résidence, vivant aussi parfois en France ou en Italie. Lodge s'attache ici à la période de la vie d'HJ où celui-ci, voyant la critique et plus encore le public bouder ses romans décide de relancer sa carrière en écrivant pour le théâtre. Ce fut finalement un désastre et HJ au bout de quelques années dut renoncer à ses prétentions de devenir un auteur dramatique et revint au roman.

On aura du mal à retrouver ici le ton satirique, voire sarcastique que Lodge utilise habituellement pour nous conter les moeurs du "petit monde" de l'Université de Rummidge. Ici, le ton est plus sérieux, plus respectueux et on aurait peut-être aimé parfois retrouver un peu plus d'impertinence sous la plume de Lodge. Est-ce un effet de contagion du style jamesien ? Lodge reste néanmoins un admirable peintre des habitudes, travers, hésitations, ambitions et autres remords de ses personnages, et son habileté romanesque sait aussi ménager le suspens et tenir le lecteur en haleine alors même que l'on connait le dénouement de la pièce.

J'ai pris un grand plaisir à lire ce livre et à découvrir cet univers "jamesien" (qui n'est pas sans rappeler l'univers proustien) que je connaissais pas. Au delà de la peinture très réaliste d'une époque, au delà des rencontres parfois surprenantes de personnages tels que Oscar Wilde, George Bernard Shaw, Georges du Maurier (l'ami le plus proche d'Henry, peintre et romancier, et grand-père de Daphne, l'auteur de "Rebecca"), et aussi une petite fille avec son landau dont je ne dévoile pas ici le nom (c'est un clin d'oeil que se permet l'auteur), ce livre nous fait partager l'intimité d'un écrivain, de ses espoirs et de ses désillusions et nous donne ainsi quelques éléments de réponses à la fameuse question "Qu'est-ce que la littérature ?".

A la fin du livre, David Lodge nous livre ses sources et l'on est étonné de constater que très peu de choses ont été inventées par l'auteur. Un tour de force (ou d'écrou ?) qui nous donne presqu'envie de crier : "L'auteur ! L'auteur !".
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Citations et extraits (18) Voir plus Ajouter une citation
Henry poursuivit son chemin jusqu'au théâtre. Le concierge qui occupait le réduit à l'entrée des artistes le reconnut.
"Personne de la troupe n'est là en ce moment, Mr James. Ils se reposent, cet après-midi.
- Oui, je sais, dit Henry. Je voulais seulement vérifier certains détails du décor."
Il musa un certain temps sur le plateau, tripotant à la lueur d'un unique bec à gaz les accessoires de la scène d'ouverture, "Un salon parisien", et rectifiant de quelques centimètres la disposition des sièges. Le rideau était baissé. Cédant à une impulsion, Henry écarta les pans au milieu, avança vers la rampe et scruta la gueule béante et ténébreuse de la salle. Il laissa passer quelques instants, jusqu'à ce que ses yeux s'habituent à l'obscurité et qu'il soit tout à fait sûr d'être seul. Puis, gravement et délibérément, il s'exerça à saluer.
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Ils offraient matière à s’émerveiller, ces romans, car ils possédaient aucune espèce de saveur distinctive. Henry les assimilait dans son esprit à des tasses de thé versé d'une théière où l'on avait par inadvertance omis de mettre des feuilles de thé, et servies à des personnes qui étaient trop polies pour se permettre une remarque, ou en réalité qui n'aimaient pas le thé. La théière et les tasses étaient d'un modèle irréprochable, l'eau avait la température parfaite, et coulait librement du bec de la théière, mais le breuvage était absolument incolore et insipide. C'étaient des romans faits pour ceux qui aimaient en avoir toujours un sous la main , mais n'avaient guère le goût de la lecture en soi. On pouvait les refermer aussi facilement qu'on les ouvrait, et cinq minutes après en avoir fini un, on ne se souvenait pas d'un traite mot. bien entendu il n'avait jamais communiqué cette opinion à Norris.
page 406
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Dans sa pratique de romancier et nouvelliste, Henry avait
acquis la ferme conviction que pour l'expressivité et la vraisem-
blance, un point de vue restreint était préférable. Selon lui, dans
les récits de fiction, l'auteur devait représenter la vie comme elle
était perçue dans la réalité par une conscience individuelle, avec
toutes les lacune, les énigmes et les interprétations erronées
qu'une telle perception entraînait indubitablement ; et si cette
fonction était répartie entre plusieurs personnages au fil d'un
roman, il fallait qu'elle passât de l'un à l'autre, comme le
« témoin » dans une course de relais, avec une certaine régularité
planifiée. L'antithèse trouvait un bon exemple dans «Trilby», où le
narrateur-auteur, la manière de Thackeray, sortait ses pantins
de la boîte, les mettait en mouvement, vous disait en confidence
de sa propre vois réfléchie que qu'ils étaient en train de penser au
juste à n'importe quel moment et leur distribuait de bonnes ou
mauvaises notes pour leurs mobiles, afin de parer au moindre
danger que le lecteur e à fournir lui même un effort d'interpré-
tation.

Les deux premières lignes du chapitre 2 de la Troisième partie, p. 249.
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Norris pondait ces livres au rythme d'un ou parfois deux par an, en trois volumes qui ne comptaient pas trop de mots à la page, parfaitement ajustés au système des bibliothèques de prêt qui constituaient son principal marché. Ils offraient matière à s'émerveiller, ces romans, car ils ne possédaient aucune espèce de saveur distinctive. Henry les assimilait dans son esprit à des tasses de thé versé d'une théière où on avait, par inadvertance omis de mettre les feuilles de thé, et servies à des personnes qui étaient trop polies pour se permettre une remarque, ou en réalité n'aimaient pas le thé. La théière et les tasses étaient d'un modèle irréprochable, l'eau avait la température parfaite et coulait librement du bec de la théière, mais le breuvage était absolument incolore et insipide. C'étaient des romans faits pour ceux qui aimaient en avoir toujours un sous la main, mais n'avaient guère le goût de la lecture en soi. On pouvait les refermer aussi facilement qu'on les ouvrait et, cinq minutes après en avoir fini un, on ne se souvenait pas d'un traître mot. (406)
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Quelque chose était arrivé à la culture du monde anglophone durant ces dernières décennies, un glissement sismique, énorme, provoqué par diverses causes convergentes - la généralisation et l'appauvrissement de la capacité de lire, l'effet niveleur de la démocratie, l'énergie conquérante du capitalisme, l'altération des valeurs par le journalisme et la réclame - qui rendaient impossible qu'un praticien de l'art de la fiction atteignît en même temps à l'excellence et à la popularité, ce qu'avaient fait à la fleur de l'âge Scott et Balzac, Dickens et George Eliot.
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