La chance de l'écrivain

Professeur rigoureux et romancier fantaisiste

Non, David Lodge n'est pas quelqu'un de drôle.
C'est lui même qui l'a dit.
Je m'en souviens très bien. C'était lors de la promotion de son roman "Pensées secrètes ".
Il avait fait cet aveu d'un air tellement contrit qu'il avait réussi à transformer l'auditorium en chambre froide en un temps record.
Devant moi se tenait un écrivain à l'austérité inversement proportionnelle à celle des personnages volages, facétieux et fantaisistes d' "un tout petit monde".
Les quelques esprits incrédules qui avaient survécu à cette terrible mise au point pouvaient s'adresser à son épouse qui se dévouait pour leur porter le coup de grâce en toute modestie.

Quand je me suis aperçu avec un peu de retard qu'il avait sorti une autobiographie sur la période la plus prolifique de sa carrière (1976-1991), je me suis empressé de vérifier si je n'avais pas été victime ce jour là d'un moment d'égarement. Un genre de délire provoqué par le stress d'une rencontre avec un auteur que l'on adore.

Ce volume fait suite à "né au bon moment" qui parcourait les quatre premières décennies de sa vie. Chroniqueur intraitable de la vie économique, sociale et culturelle de la Grande-Bretagne au point de perdre parfois le lecteur dans des détails sans grand intérêt, il se laisse rapidement rattraper par la plume du romancier fantaisiste et à l'humour inimitable.
Les grands moments de Spleen laissent alors place à des anecdotes très drôles voire croustillantes notamment lorsqu'il évoque un cinéma particulièrement "genré" ou certains confrères dissipés ( comme Umberto Eco pour ne citer personne) lors de colloques internationaux.
On apprend beaucoup sur l'homme et les épreuves de la vie qu'il traverse mais également sur l'écrivain constamment angoissé par ses éditeurs, au narcissisme blessé par deux échecs au Booker Prize le "Goncourt" anglais, porté aux nues par le succès sans échapper toutefois au sentiment d'échec et d'oubli.

Cette autobiographie d'une grande richesse ne dément pas les propos de David Lodge. le professeur sincère presque austère ne nous fera pas mourir de rire au quotidien. Mais transfiguré par sa plume, le romancier au flegme typiquement british et à l'humour "pince sans rire" nous offrira des moments de lecture très savoureux.

Homme modeste, distrait , sérieux pas vraiment comme les personnages de ses romans, David Lodge est un romancier qu'on aime beaucoup en France, plus même que dans son propre pays ,si l'on en croit ce qu'il affirme dans les dernières pages de "La Chance de l'écrivain".

Ce livre , qui vient de sortir en France est en fait un récit autobiographique dans lequel l'auteur retrace avec son flegme et son humour légendaire son parcours en parallèle d écrivain et d'universitaire, de 1976 à 1991 ( la période d'avant faisait l'objet d'un premier livre "Né au bon moment" qui évoquait sa jeunesse et ses débuts en littérature) .

La religion, mais surtout la vie universitaire et ses us et coutumes tiennent une place très importante dans toute son oeuvre, puisque Lodge a longtemps été un universitaire très reconnu en Grande Bretagne et .les arcanes du monde universitaire anglais, avec ses guerres d'égos sur fond de thèses alambiquées constituent le décor évident de quasiment l'ensemble des romans de David Lodge.

Dans cette "chance de l'écrivain" , journal intime écrit avec le recul ( et visiblement l'aide précieuse de son épouse Mary) on voit notre David Lodge mener sa carrière d'universitaire de colloques en conférences avec sa carrière d'écrivain; .l'enseignement et l'écriture se nourrissant visiblement profondément l'un de l'autre.

Lodge évoque tout autant sa quête infrcutueuse du booker prize, qui est visiblement pour lui, le saint graal , sa surdité qui commence à terriblement l'handicaper, ( et qui sera un peu après l'objet de son fabuleux roman " la vie en sourdine") ou bien encore les adaptations de ses oeuvres par la télévision et le cinéma.

Chroniqueur très pointilleux de tel ou tel événement de ce quart de siècle qui aura bouleversé l'Europe et plus particulièrement la Grande-Bretagne, Lodge nous perd parfois dans les détails trop précis ( sur ce qu'il portait ou ce qu'il mangeait tel ou tel jour), ou dans des théories littéraires trop ardues pour le commun des mortels.

Mais en même temps, Lodge sait se faire drôle, voire tordant ( notamment lorsqu'il raconte avec un détachement très british sa vision des premiers films pornographiques comme Gorge profonde, mais évidememnt pour des raisons sociologiques et non pas masturbatoires) et même parfois émouvant, lorsqu'il évoque les décès de ses proches comme celle de sa mère qu'il va décrire, sans pathos avec au contraire cette pudeur là encore terriblement britannique.


Lodge est aussi excellent pour instiller à ses mémoires la quantité parfaite de dérision, de tendresse et d'originalité afin de captiver le lecteur, et rendre les affres de la création littéraire et de l'enseignement universitaire passionnantes; bref de quoi nous permettre d'attendre avec impatience le troisième et dernier tome de ses Mémoires que Lodge annonce dès la préface de celui ci..
Lien : http://www.baz-art.org/archi..

Après Né au bon moment, le récit de ses jeunes années, David Lodge continue ses mémoires et avec la Chance de l'écrivain revient sur les années 1980 et 1990.

L'ouvrage m'a tout d'abord rebutée.. Il faut dire que le premier chapitre est consacré à xxxx, chapitre que le lecteur est autorisé à ignorer…. Mais très vite ce livre va se lire comme un roman qui ravira les fans inconditionnels de David Lodge, fans dont je fais bien sûr partie.

On découvre l'universitaire derrière l'auteur ainsi que l'homme face à ses convictions qu'elles soient religieuses ou politiques. David Lodge nous parle notamment de sa relation au catholicisme ou du choix des écoles pour ses enfants qu'il mettra en parallèle avec ses idées travaillistes. J'ai également été émue à la lecture des pages consacrées à son épouse Mary ou à l'éducation de son plus fils, Christopher, qui souffre du syndrome de Down.
David Lodge se raconte sans fard, exprime ses doutes et ses déprimes lorsqu'il lit des critiques mauvaises ou son impatience lorsque la pièce de théâtre qu'il a écrite peine à être montée. On vit de l'intérieur toutes les étapes de la création avant le tournage d'une série TV, allant du doute à la déception puis le plaisir quand enfin elle est diffusée. On comprend l'excitation d'être sélectionné pour un prix puis la chute lorsque c'est un autre auteur qui reçoit le prix. Tout un monde que je n'imaginais pas.

Les scènes piquantes des colloques auxquels il participe nous renvoient à celles si cocasses de Changement de décor ou un tout petit monde. Et si certaines pages peuvent être empreintes de nostalgie, l'humour de David Lodge est bien présent.

Dans ce récit autobiographique teinté d'humour britannique et reprenant divers thèmes présents dans ses romans, David Lodge retrace son parcours d'écrivain et d'universitaire. C'est intéressant, drôle, prenant, mais sans doute faut-il avoir lu cet auteur pour apprécier ces « mémoires » (je dis bien « ces » et non « ses », bien que cela soit ses mémoires – vous comprendrez la nuance).

Au premier abord, on peut se dire que c'est un peu sec : une autobiographie, ce n'est pas forcément la lecture la plus enthousiasmante du monde. Sauf si on aime beaucoup celui ou celle qui l'écrit. Et c'est mon cas puisque que David Lodge est certainement mon écrivain anglais préféré. Je l'avais découvert comme pas mal de lecteurs et lectrices français.e.s lors de sa publication chez Rivages (il y est toujours édité) dans les années 90. C'est, d'ailleurs un point que l'on découvre dans ce livre : le succès que Lodge rencontre en France alors qu'il commence à décliner dans son propre pays au milieu et à la fin des années 90.

Ici, on découvre l'envers du décor : la vie universitaire qu'il décrit avec tant d'humour dans ses romans, sa quête du Booker prize et ses déceptions, ses voyages, les adaptations de ses romans à la télé ( j'ai trouvé un extrait que je mets ici, en dessous), mais aussi sa vie quotidienne, sa famille, ses enfants, ses doutes, sa surdité…
Lien : https://imaladybutterfly.wor..